La plate-forme de l’Union des forces progressistes

 

Les élections partielles sont enfin en route ! Après avoir franchi moult obstacles datant d’un autre âge. Autant de vestiges d’un temps où le premier ministre se croyait investi de tous les pouvoirs, y compris celui de jongler avec la démocratie… – comme par exemple de jouer à la cache-cache avec le choix des dates des élections. Nous y sommes à ces partielles, finalement.

Malgré une décision fâcheuse du directeur général des élections, interdisant aux formations politiques coalisées membres de l’UFP (Parti de la démocratie socialiste, Rassemblement pour une alternative progressiste, Parti Communiste du Québec) de présenter des candidatures sous cette appellation commune (ajoutée aux noms des partis) comme cela se fait en maints endroits en Europe et en Amérique.

Entre temps, l’ADDQ a déjà obtenu l’autorisation de modifier son nom en y ajoutant le suffixe « Mario Dumont » . Et ne parlons pas du mode de scrutin… Bref, malgré tous ces accrocs à la démocratie, nous y voilà tout de même. UNE plate-forme commune en main, adoptée par les instances des organisations membres de la coalition de l’UFP (partis politiques, syndicats, groupes et individus).

Une plate-forme dans la lignée des traces profondes de l’élection de Mercier. Une plate-forme qui est une amorce de celle qui sera en force aux prochaines élections générales.

Penser une autre société

Une plate-forme qui se situe dans le sens des liens concrets à établir entre indépendance du Québec et lutte d’émancipation sociale... même si elle ne les nomme pas toujours. Foncièrement, l’effort porte sur une façon, dans le contexte du Québec, de « penser une autre société » construite celle-là autour d’une lutte commune à toutes les oppressions, tant nationales (québécoise comme autochtone) que sociales (condition féminine, pauvreté zéro, santé, éducation, services sociaux, etc.).

La démarche est centrée sur l’intégration des luttes, plutôt que sur leur isolement comme c’est le cas dans les discours dominants des partis néolibéraux qui tentent, soit d’ignorer l’oppression nationale soi-disant au profit du règlement des questions sociales ou à l’inverse, de secondariser les luttes sociales au profit d’une souveraineté de plus en plus édulcorée et vidée de tout contenu moindrement libérateur et émancipateur.

Par cette démarche d’intégration, les organisations membres de l’UFP cherchent à s’éloigner de la liste d’épicerie, en jetant un pont entre les luttes, en fondant les luttes sur l’essentiel. Ainsi, le droit à l’indépendance du Québec est indissociable de la reconnaissance de ce même droit aux peuples autochtones, la primauté est accordée aux États démocratiques, aux collectivités et aux personnes citoyennes plutôt qu’aux diktats de l’économie, de la finance, des corporations et autres acteurs du privé.

Un autre Québec est possible

Sur le terrain des luttes, les mesures concrètes mises de l’avant dans la plate-forme visent l’irradiation de la pauvreté par le revenu de citoyenneté ou le revenu minimum garanti à 10 $ l’heure et la semaine de 32 heures sans perte de revenu; l’établissement d’une fiscalité progressive (dont un impôt minimum à toutes les compagnies, abolition des paradis fiscaux, taxes sur les biens de luxe et les opérations boursières); enfin, entre-temps, mise en place d’une formule, temporaire et transitoire, de barème plancher.

Au chapitre de la condition féminine, donner suite à la totalité des revendications de la Marche «du pain et des roses », mise en place de mesures de conciliation travail-famille et d’un solide réseau de services à la petite enfance ainsi qu’un soutien financier adéquat aux organismes de prévention et de lutte contre la violence faite aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées.

Prise de contrôle collectif de l’environnement par une Charte nationale, avec tribunal supérieur responsable de faire appliquer les normes relatives aux principes des « pollueurs payeurs », de l’identification des OGM, du protocole de Kyoto et autres ententes internationales du même type; par une politique de priorisation de l’énergie non polluante (véhicules électriques), transport en commun, intégration dans la constitution québécoise du principe de la protection de l’eau en tant que « valeur patrimoniale, collective et publique »; par l’extension de l’agriculture biologique, des petites fermes agro-forestières, de la « forêt habitée », des sociétés coopératives et autres formes de mise en commun.

Dans le secteur public, un investissement de 10 milliards $ de façon à rétablir les « services de première ligne complets, gratuits et rapidement accessibles en CLSC », les soins à domicile et les médicaments gratuits, le réinvestissement dans le remplacement des équipements hospitaliers désuets, l’augmentation du personnel infirmier, un réinvestissement massif dans les écoles publiques, l’abolition des frais de scolarité et de la taxe à l’échec, interdiction de la publicité privée dans les institutions d’enseignement, cessation des subventions aux écoles privées, intégration graduelle de celles-ci dans la sphère publique et maintien des droits acquis du personnel; au plan jeunesse 0 système de bourses plus généreux, programme de prévention du suicide, abolition totale des clauses orphelins et autres dispositions discriminatoires auprès des jeunes.

En habitation 0 augmentation substantielle du nombre de logements sociaux, notamment par les subventions aux groupes coopératifs, la mise en vigueur de taxes anti-spéculation, la nationalisation des terrains et immeubles non utilisés, la réforme de la Régie du logement.

Par rapport au marché du travail, une réforme urgente du Code du travail visant à favoriser la syndicalisation, à renforcer l’article 45 et la loi anti-briseurs de grève, à introduire dans la Loi sur les normes du travail le droit de refuser d’effectuer du temps supplémentaire, à améliorer sensiblement la protection des « droits des travailleurs autonomes », à enchâsser le droit de grève dans la « constitution d’un Québec souverain ».

Un projet à compléter

Certes les liens ne paraissent pas toujours manifestes entre certaines revendications quoi que présents en filigrane, en substance, comme par exemple entre le local, le régional, le national, particulièrement dans le sens d’une mondialisation non capitaliste et anti-capitaliste, les perspectives de solidarité au-delà du rejet, dans la plate-forme, des traités de libre-échange (ALENA et ZLEA) et le retrait de l’Otan et de Norad ou encore la place, dans un tel contexte, de la reconquête populaire de l’État, de la réaffirmation de sa souveraineté politique, sociale, culturelle, économique.

La plate-forme n’est donc pas un produit fini, nombre d’éléments sont en gestation. Le temps nous a manqué, le temps démocratique nécessaire à la poursuite de la consultation des instances des groupes membres de la coalition. Un tel processus démocratique, nettement plus long dans une démarche large de coalition, demeure cependant le meilleur gage d’un projet de société populaire enraciné et durable.