Leur homme au Honduras... et à l’ONU

 

Dans l’édition du 20 septembre du New York Review of Books, le journaliste Stephen Kinzer présente, sous le titre Notre homme au Honduras, le portrait de John Dimitri Negroponte qui vient d’être nommé représentant des États-Unis au Nations unies par l’administration Bush.

Kinzer a bien connu Negroponte alors qu’il était journaliste au Honduras et que Negroponte était l’ambassadeur américain au cours des années 1981 à 1985, en pleine guerre des contras contre les Sandinistes.

Transformé un pays paisible en colonie pénitentière

Kinzer rappelle que le Honduras était un pays relativement paisible avant 1980. Il n’avait pas connu de massacres comme le Salvador en 1932, ni de dictature militaire comme celle des Somoza au Nicaragua, ni de vagues de répression comme celles qui ont dévasté le Guatemala.

La situation a changé du tout au tout au début des années 1980, alors que les États-Unis ont décidé de faire du Honduras leur base pour combattre les révolutionnaires au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala. Ils y ont construit des terrains d’atterrissage, des bases militaires, des dépôts d’armements.

De 1980 à 1984, l’aide militaire au Honduras est passé de 4 à 77millions $. L’aide économique a grimpé jusqu’à 200 millions $ en 1985, faisant du Honduras et de ses quatre millions de population le 8e plus important récipiendaire d’aide américaine.

Cela a foutu par terre le fragile équilibre de la société hondurienne, faisant des militaires la principale force sociale. Le général Gustavo Alvarez Martinez a été la personnification de cette transformation. Formé à l’École militaire américaine des Amériques, le général Martinez était partisan de l’approche argentine à l’égard des dissidents. Une méthode qui consistait à kidnapper les suspects, les torturer et les assassiner dans des prisons secrètes.

Lorsque le nouvel ambassadeur américain Jack Binns arriva au Honduras en 1980, il fut horrifié par ce qu’il voyait. Il envoya un télégramme à Washington dans lequel il disait « être extrêmement préoccupé par l’accumulation de preuves d’assassinats officiellement commandités et approuvés » et il prévenait Washington que « la répression avait augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que nous l’avions anticipé. » L’administration Reagan le rappela aux États-Unis et Negroponte lui succéda.

À droite de Kissinger parce qu’il était trop mou

Negroponte n’allait pas se formaliser de ce qui se passait au Honduras. Après tout, n’avait-il pas rompu avec Kissinger, alors qu’il était l’officier en charge du Vietnam au sein du Conseil national de sécurité, parce qu’il trouvait que ce dernier faisait trop de concessions aux Vietnamiens lors des pourparlers de paix de Paris.

Alors que les journaux honduriens rapportaient sur une base quasi quotidienne des cas d’enlèvement, d’assassinat et de « disparition », l’ambassadeur protestait auprès de la revue britannique The Economist contre la nouvelle voulant que des escadrons de la mort sévissaient au Honduras. « C’est tout simplement faux », rétorqua Negroponte.

En 1988, l’Inter-Commission on Human Rights révèle qu’il y avait eu « plusieurs enlèvements et disparitions au Honduras entre 1981 et 1984 et que ceux-ci étaient le fait des Forces armées honduriennes ». Au terme d’une longue enquête menée en 1995, le Baltimore Sun affirme que des centaines de Honduriens ont été « enlevés, torturés et tués au cours des années 1980 par une unité secrète de l’armée entraînée par la CIA ». Après avoir pu consulter des documents « déclassifiés » de la CIA, les journalistes affirment que ceux-ci « démontrent que la CIA et l’ambassade américaine étaient au courant des nombreux crimes commis, y inclus les meurtres et la torture et qu’ils continuaient à collaborer avec les responsables de ces crimes ».

Main dans main avec Colin Powell

Après le Honduras, Negroponte a travaillé avec Colin Powell au Conseil national de sécurité. Il fut nommé ambassadeur au Mexique en 1989 où il fut partie prenante à la négociation de l’ALENA et conseiller auprès du gouvernement mexicain dans sa guerre contre les rebelles zapatistes.

Selon Kinzer, la nomination de Negroponte aux Nations Unies s’inscrit dans la politique de réhabilitation des Contras impliqués dans la guerre contre les Contras. L’administration veut également par cette nomination envoyer un message clair à la communauté internationale 0 la politique américaine ne fera plus dans la dentelle diplomatique comme ce fut le cas au cours des années 1990.