Le comité Montmarquette aurait dû destituer son président

 


Un rapport écrit d’avance ?



Un comité présidé par l’économiste Claude Montmarquette doit remettre un rapport au gouvernement le 1er décembre prochain sur la faisabilité d’un régime d’assurance-médicaments public et universel. Cette hypothèse, semble-t-il, n’a jamais été étudiée !

Ce comité éprouve des problèmes incontournables de présidence, de mandat, de composition et de processus qui exigent une réorganisation, en commençant par la démission de M. Montmarquette », soulignait Jennifer Auchinleck de la Coalition sur l’assurance-médicaments lors d’une conférence de presse conjointe avec la CSQ, la CSN et la Coalition Solidarité Santé le 17 octobre dernier.

Dans une entrevue à l’aut’journal, Mme Auchinleck va encore plus loin 0 « Ce rapport n’est pas crédible. La solution aux problèmes du régime d’assurance-médicaments passe par un régime universel et public. On ne doit pas laisser Montmarquette faire à sa tête. »

Les meilleures idées sont toutes faites

Il faut dire qu’il a la tête dure, ce Montmarquette ! Économiste de formation, diplômé de l’école de Chicago, peut-être la plus néolibérale de toutes, il ne se prive pas pour dire à qui veut l’entendre qu’il n’est pas question pour lui d’envisager la solution du régime universel, même s’il a été nommé au poste de président du comité dans le but d’étudier cette hypothèse !

« Je n’ai jamais caché être en général contre les interventions gouvernementales », affirmait ce fonctionnaire à La Presse en février dernier. Il en a évidemment profité pour tenter de discréditer ceux grâce à qui le comité a été créé en soulignant qu’advenant la présence de «groupes de pression » sur le comité, il en refuserait la présidence. « C’est une question compliquée, technique, qui engage énormément d’argent. Il faut voir clair pour améliorer la situation. »

En d’autres mots, celles et ceux qui passent leurs semaines à se battre pour un meilleur système de santé, qui vont dans les hôpitaux, qui fréquentent des personnes âgées ayant à choisir entre bien s’alimenter ou prendre des médicaments, tous ceux-là ne voient pas clair !

Pour ces raisons, en avril dernier, la Coalition sur l’assurance-médicaments a remis à M. Montmarquette le PRIX V (lire à voix haute) pour souligner sa contribution exceptionnelle à la cause de la privatisation des soins de santé.

On va se faire passer un Montmarquette

En toile de fond du comité Montmarquette, il y a l’augmentation appréhendée des primes de l’assurance-médicaments. Depuis 1996, date de création du régime, les coûts n’ont jamais cessé d’augmenter. De plus, à cause de la loi 117, stipulant que le régime doit s’autofinancer, le gouvernement refile la facture aux utilisateurs. L’an dernier, les primes sont passées de 175 $ à 350 $, puis 385$.

Cette année, on prévoit un déficit d’au moins 109 millions $ par suite d’une augmentation des coûts de 30 % (en un an !). Il faut donc s’attendre à une nouvelle majoration des primes. « On ne peut tirer de conclusions avant d’avoir le rapport Montmarquette», soutient le ministre Trudel, propos qui justifient les craintes de Jennifer Auchinleck 0 «On ne veut pas que ce rapport justifie une augmentation de primes. »

Il semble pourtant que nous nous dirigions vers ce scénario, considérant que, dès la première réunion du comité, la sous-ministre à la planification à la Santé, Mireille Filion, aurait indiqué que Québec ne voulait pas d’un régime universel et public d’assurance-médicaments. À quoi donc servira alors le comité sinon à justifier une autre décision impopulaire de la part du gouvernement?

C’est la faute aux vieux !

« Le gouvernement refuse de s’attaquer au vrai problème derrière le déficit, c’est-à-dire la croissance incontrôlée des coûts des médicaments », souligne Louise Chabot, vice-présidente de la CSQ. Croissance incontrôlée, le mot est faible. De 1979 à 2000, le prix des médicaments et des produits pharmaceutiques a augmenté de 225 % (en dollars constants). Malgré tout, il se trouve encore au ministère des gens pour nier cette réalité. En tournée au Saguenay, en septembre dernier, le ministre délégué à la Recherche, David Cliche, déclarait 0 « le programme d’assurance-médicaments sera de nouveau défoncé... le vieillissement entraîne des coûts difficiles à gérer » ! ! !

Une des solutions, selon Auchinleck, outre l’instauration d’un régime universel et public d’assurance-médicaments, consisterait à prescrire les médicaments génériques. Malheureusement, les politiciens semblent en général plus chauds à l’idée de protéger leurs amis des compagnies pharmaceutiques qu’à soulager la population de coûts inacceptables. Ils font appel à la responsabilité des compagnies pharmaceutiques, mais « la responsabilité de ces compagnies est envers leurs actionnaires, par envers la population québécoise », note Auchinleck.

La pilule crée l’emploi

Il existe un mythe tenace stipulant qu’il vaut mieux aider les compagnies pharmaceutiques, malgré leurs prix élevés, parce qu’elles sont créatrices d’emploi.

Une telle affirmation ne tient pas la route. Selon Statistique Canada, il y avait, en 1979, 17 635 employés dans l’industrie pharmaceutique au pays, et 20 360 en 1997. Considérant la croissance de la population, il y avait donc 7,3 employés dans les compagnies pharmaceutiques pour dix mille habitants en 1979 et 6,8 en 1997, une diminution !

Mais d’autres continuent de voir tout cela comme une guerre de clochers. « Moi, je n’oublie pas, quand j’analyse ce dossier-là, que M. Rock est un ministre de Toronto, a déclaré le bloquiste Réal Ménard, et qu’il subit des pressions très fortes de la part de l’industrie du médicament générique. » Pour le Bloc Québécois, il suffirait de continuer à aider les compagnies pharmaceutiques, parce qu’elles sont à Montréal. Pourtant, ce sont des multinationales comme les autres et leurs profits ne sont pas redistribués à la collectivité. Paris, Hong Kong, New York, Montréal, c’est du pareil au même pour elles !

Vaut-il mieux payer des milliards pour quelques emplois à Montréal, ou ne ferions-nous pas mieux d’aider à réduire le prix des médicaments tout en créant un secteur national de production de génériques ?

Montmarquette n’est pas prêt d’être générique

Le gouvernement du Québec, cependant, ne semble pas s’enligner dans cette voie. En mettant Montmarquette à la tête du comité et en donnant des commandes claires à celui-ci, on s’assure qu’on ne touchera pas aux privilèges des géants du médicament en instaurant un régime d’assurance-médicaments universel et public favorisant les génériques.

Un brevet est un brevet... est un brevet... est un brevet...

Avec la présente loi sur les brevets, il est possible pour une compagnie pharmaceutique de modifier une composante mineure d’un médicament afin d’obtenir un nouveau brevet après les premiers vingt ans ! Ainsi, la Patented Medicine Prices Review a étudié 577 nouveaux médicaments qui ont été mis sur le marché au Canada entre 1991 et 1997 pour découvrir que seulement 8,7 % représentaient une amélioration substantielle sur les thérapies existantes.

Universel comme dans « obligatoire »

Plusieurs personnes ont parfois l’impression que notre régime actuel est universel. Dans les faits, tout le monde est obligé d’avoir une couverture s’assurance-médicaments, publique ou privée, mais le poids est surtout supporté par le public. En effet, toute personne ayant accès à un régime privé (à son travail) doit obligatoirement s’y inscrire de même que sa famille immédiate, tandis que tous les autres, y compris des personnes âgées, des chômeurs, souvent des gens en moins bonne santé, se retrouvent dans le réseau public.

« Le gouvernement a coopté le mot universel, mais l’utilise pour décrire la privatisation », explique Jennifer Auchinleck. « Pour nous, un système universel et public veut dire que tout le monde fait partie d’un seul régime public d’assurance-médicaments. »

La Coalition sur l’assurance-médicaments propose donc un régime semblable à l’assurance-maladie, mais sans franchise ou co-assurance à la pharmacie, entièrement payé à même les impôts et avec une gratuité totale pour les personnes à faible revenu.