Une île, deux villes

 


Défaite pour les nationalistes et les social-démocrates



Le résultat des élections municipales à Montréal confirme nos analyses sur le recul considérable que représente le projet « Une île, une ville » pour les nationalistes et les social-démocrates montréalais

Une première analyse démontre que la répartition géographique du vote entre l’ouest et l’est recoupe essentiellement la carte du vote lors des élections provinciales ou du dernier référendum. L’ouest anglophone a voté massivement pour l’ancien ministre libéral Gérald Tremblay, alors que l’est francophone a donné majoritairement ses suffrages à Pierre Bourque. Le vote anglophone a toutes les allures d’un vote ethnique, alors que le vote francophone est mieux réparti entre les différents candidats.

Les anglophones gagnent sur les deux tableaux

Certains analystes diront que le phénomène est particulier à cette élection, les banlieues ayant voté contre la fusion. Il est cependant peu probable d’assister à une défusion, les anglophones comprenant rapidement comment ils peuvent tirer profit de la situation.

D’une part, ils feront pression pour que des amendements soient apportés à la loi afin d’obtenir plus de pouvoirs pour leurs arrondissement dans le but de récupérer, autant que faire se peut, les privilèges tant fiscaux que linguistiques de leur ancienne municipalité à l’intérieur de la nouvelle ville.

D’autre part, ils se rendront compte qu’ils n’ont qu’à continuer à voter en bloc pour les mêmes candidats, comme ils le font à chaque élection provinciale, pour s’assurer le contrôle de l’ensemble de la nouvelle ville de Montréal. Déjà on voyait, dès le lendemain de l’élection, un Robert Libman, farouche partisan de la défusion avant l’élection, se dire maintenant prêt à travailler au succès de la nouvelle ville !

Si les anglophones conservent leurs habitudes de vote ethnique, leur domination sur la politique montréalaise est à jamais assurée, les prévisions démographiques prévoyant que la population de l’île sera majoritairement anglophone dans quelques années à cause des transferts linguistiques en faveur de l’anglais.

On peut déjà parier que les anglophones vont rapidement exiger un statut bilingue pour la nouvelle ville de Montréal. D’ailleurs, on aura remarqué que la publicité pour l’équipe de Gérald Tremblay était le plus souvent bilingue.

Un retour pour Lulu ?

Comme nous l’avons également écrit dans nos pages, un autre objectif de la fusion était de préparer le terrain à la privatisation des infrastructures. Déjà, au cours de la campagne, on a commencé à parler de privatiser les réseaux d’aqueduc. Le nouveau maire, proche des milieux d’affaires, devrait procéder rapidement dans ce domaine.

Et il ne serait pas surprenant de revoir, en tant qu’avocat et agent négociateur des entreprises intéressées à mettre la main sur les infrastructures municipales, nul autre que l’architecte du projet « Une île, une ville » qui a récemment représenté le Québec à une conférence sur les grandes villes d’Amérique du Nord 0 Lucien Bouchard !

Espérons que les nationalistes et les social-démocrates réaliseront rapidement l’ampleur de leur cécité politique qui les a amenés à appuyer – ou tout au moins à ne pas combattre – le projet « Une île, une ville » et qu’ils s’empresseront de proposer le seul moyen de briser le modèle linguistique et d’introduire une plus grande démocratie sur l’île de Montréal 0 le scrutin proportionnel.