Chez nous la gourmandise a bonne réputation
Et porte la valeur d'un péché bien mignon
On voit chez les gourmands une saine faim de vivre
Et leur bel hédonisme est un exemple à suivre
Mais, près de nous, ailleurs qu'en ce peuple cigale
Existe une planète où partout se régalent
Des fourmis égoïstes et pas du tout frugales
Se goinfrant d'intérêts tout comme de capital
Se protégeant derrière et l'offre et la demande
Elles forment un club privé de reines bien gourmandes
Et le butin des crimes que leur armée commet
Elles le cachent dans un trou en formant des sommets
Leurs méfaits nous rappellent que si la gourmandise
N'est souvent chez les pauvres que folie exquise
Chez les riches ignorants de toute satiété
Elle n'est que gloutonnerie, morgue, rapacité
Mais comment distinguer, où se trace la ligne
Entre appétit joyeux et gloutonnerie maligne
Entre tous ces bonheurs qui font prendre du bide
Et la lourde inconscience des obèses morbides ?
Voyons donc un exemple où une gourmandise
Se trouva réprimée sans que personne ne dise
Que c'était brimer là un droit fondamental
Je vous parle bien sûr des repas cannibales…
Ne faites pas semblant que vous êtes choqués
Ne dit-on pas parfois « Elle est belle à croquer » ?
J'avoue d'ailleurs moi-même devant certains corps nus
M'imaginer souvent un singulier menu 0
Des mollets de danseuse bien grillés aux pruneaux
De l'épaule de serveuse au chutney d'abricot
Des fesses et des moules, à la diable, à la louche
J'ai juste en y pensant déjà l'eau à la bouche
Et je souhaite en secret que certaines amies
Lèguent en mourant leur corps à la gastronomie
Pardonnez-moi, c'est vrai, cette ogre fantaisie
Ne nous éclaire en rien sur le thème choisi…
Mais songez que les meurtres des mangeurs d'humains
Avaient au moins ceci d'économiqu'ment sain 0
Le vainqueur magnanime, en mangeant son prochain,
Faisait qu'aucun des deux, après coup, n'avait faim…
Or si la pensée seule de plats anthropophages
Vous bloque l'estomac et coince l'œsophage
C'est que vous comprenez que même votre appétit
Ne saurait tolérer qu'un autre n'eut pâti
En ça la gourmandise est comme la liberté
Elle finit où commence la faim de l'affamé
Au-d'là de cette limite, c'est de la gloutonnerie
Et l'Amérique jadis toutes de muscles et d'esprit
Est clairement devenue une nation gastrique
D'obèses écrasants, d'outremangeurs sadiques
D'ailleurs à ces gourmands qui pensent tout acheter
Appréciez l'ironie - le monde est un marché…
Partout ailleurs au monde où pousse un peu d'espoir
L'Amérique se l'arrache pour poser ses mangeoires
Et livre à son bétail les plus beaux territoires
Ou encore, assoiffée, pour siphonner l'or noir
En des pays fragiles et titubant encore
Elle perce pour ses pailles et les âmes et les corps
Voulant tout ingérer, elle fait de l'ingérence
Et notre continent devient l'incontinence
Quand leur appétit va, tout va et on voit bien
Que leur faim justifie leurs énormes moyens
Devant tant de grosseur et grotesque et grossière
Peut-on mêm' s'étonner que certains suicidaires
Aient envie de vengeance et cherchent au plus tôt
À couper dans ce gras, même à coups d'exacto ?
Sans faire l'apologie de ces sombres intégristes
Comprenons seulement ce qui fait qu'ils existent
S'ils pèchent par la fureur, qu'ils meurent donc tous brûlés
On est toujours puni par où l'on a péché
À cet égard, amis, le réel ironise
Et nous ramène enfin à la dite gourmandise
Où l'Occident entier américanisé
Par George W. Bush se trouve représenté
Or qu'est-il arrivé à ce puissant junior
Pendant que tout là bas, ses boys luttaient encore
Et qu'on l'eut cru astreint à travailler
Sinon avec sa tête du moins d'arrache-pied ?
Monsieur le président regardait la télé
(Un bon match de football) sans doute un peu paqueté
Sous l'effet de quelques blondes gazéifiées
Et, mangeant des bretzels, gourmand, sans se méfier…
Mais c'était sans compter sur un des ces bretzels
Sans doute sympathisant des Talibans rebelles
Qui, attentant aux jours du simiesque George
Est venu se coincer quelque part dans sa gorge
Manquant d'air au cerveau - c'est ce qu'a dit la Science
Le Président tomba - deux secondes d'inconscience
Il fallut ce bretzel pour révéler le fait
Que cette grave inconscience ne le quitte jamais
Et qu'importe après tout qu'il fut droit ou tordu
À ce pretzel héros, tous les honneurs sont dus.
Il rappelle que l'on peut - et que Bush se le dise -
Périr d'être inconscient de trop de gourmandise