La rencontre qui a changé la vie de John Manley

 


Le chemin de Washington



On se souviendra que le gouvernement Chrétien n'a pas montré beaucoup d'enthousiasme, au départ, à s'engager dans la croisade des États-Unis contre le terrorisme. L'administration américaine, l'ayant noté, avait omis intentionnellement d'inclure le Canada dans la longue liste de pays que le président Bush avait remerciés publiquement pour leur soutien. Les choses ont changé après la rencontre du 21 septembre entre le ministre des Affaires étrangères John Manley et le secrétaire d'État américain Colin Powell.

Au cours de la conférence de presse qui a suivi la rencontre, le ministre Manley a déclaré que les attentats visaient « non seulement les États-Unis, mais également tous les pays épris de liberté » et il a assuré les États-Unis « de la coopération du Canada ».

En réponse à un journaliste qui lui demandait ce que les États-Unis attendaient du Canada, Colin Powell a répondu qu'il y avait dans la guerre contre le terrorisme « une composante concernant les services de renseignement, une composante de renforcement des lois, une composante militaire et une composante financière ». Powell a enchaîné en disant être « certain que le Canada apporterait son soutien dans tous ces domaines ».

Le nouveau converti est récompensé

Au cours des semaines qui ont suivi, le gouvernement canadien a renforcé ses liens avec les services de renseignement américains en mettant progressivement en place un périmètre de sécurité autour de l'Amérique du Nord (composante du renseignement), en adoptant des lois contre le terrorisme (composante judiciaire), en envoyant des navires dans le Golfe persique et un contingent de 750 soldats pour combattre en Afghanistan (composante militaire) et en augmentant substantiellement le budget de la défense (composante financière).

Pour avoir si bien relayé le message des États-Unis auprès du gouvernement canadien, le ministre John Manley a été choisi « homme de l'année » par l'édition canadienne du magazine Time.

Depuis, le ministre Manley poursuit son ascension. Il a été nommé vice-premier ministre, chargé de la lutte contre le terrorisme, des infrastructures et des sociétés de la Couronne. Il est aujourd'hui considéré comme un candidat potentiel à la succession de Jean Chrétien.

Un coup de poing américain

On saura sans doute un jour avec quels arguments Colin Powell a réussi à « convaincre » John Manley, et par son intermédiaire l'ensemble du gouvernement Chrétien, de mettre de côté leurs réticences et de s'engager fermement aux côtés des États-Unis, même en sacrifiant la souveraineté canadienne.

Avant de rencontrer Powell, Manley s'est peut-être souvenu de la méthode énergique utilisée par le président L.B. Johnson pour faire part de son mécontentement au premier ministre Lester B. Pearson qui avait osé critiquer la politique américaine au Vietnam. Lors de la visite de Pearson, «convoqué » à la Maison Blanche, LBJ, un Texan de plus de six pieds, avait saisi à deux mains par le collet le petit Pearson et l'avait littéralement soulevé de terre de façon à pouvoir lui faire part de sa colère les yeux dans les yeux.

A-t-on utilisé de telles méthodes à l'égard de Manley ? Ce serait lui faire trop d'honneur que le comparer à Lester B. Pearson. En apparence, il était plus costaud.