La Commission sur la réforme du mode de scrutin doit être populaire

 


Le mouvement pour la démocratie nouvelle



Conscientes que les prochains mois seront décisifs, plus de 300 personnes représentant tous les horizons politiques, milieux et groupes d'âge ont participé, le 23 février à Montréal, à l'assemblée de lancement de la campagne de mobilisation du Mouvement pour la démocratie nouvelle (MDN), une coalition citoyenne non partisane créée en vue d'obtenir une réforme en profondeur du mode de scrutin au Québec.

Étudiants, féministes, syndicalistes, écologistes, ainsi que militants sociaux et politiques, représentants des communautés culturelles aussi bien que simples citoyens ont discuté avec ferveur des enjeux sous-jacents à cette réforme.

Le MDN ayant obtenu, grâce à une pétition signée l'automne dernier par 125 personnalités, que la Commission des institutions de l'Assemblée nationale s'engage à tenir, cette année, des consultations sur le mode de scrutin, il veut maintenant s'assurer qu'un réel débat public se tienne et qu'il soit à la portée de tous les citoyens.

Par ailleurs, le MDN, dans son rôle de relais entre les citoyens et les élus ainsi que d'animateur du débat public, veut s'assurer de la participation la plus large possible lors de la consultation. Dans ce but, il demande non seulement que la commission soit itinérante et fasse le tour des régions, mais aussi que les mémoires oraux et électroniques soient acceptés et que les frais postaux soient défrayés.

Dans son rôle de pédagogue populaire, le MDN dévoilera aussi dans quelques semaines un mémoire à la carte, outil permettant à tous les citoyens et citoyennes, des plus familiers au moins familiers avec le débat, de se prononcer dans le cadre de la consultation. Il tiendra aussi des rassemblements dans les différentes régions du Québec.

Le MDN veut que la Commission populaire qu'il préconise accouche d'une réforme en profondeur du mode de scrutin actuellement en vigueur au Québec, le majoritaire uninominal à un tour. Sans qu'on propose une formule précise, il va de soi que cette réforme devrait comporter un fort élément de représentation proportionnelle, car le mouvement citoyen s'est donné comme principe de base un mode de représentation le plus fidèle possible de la volonté populaire.

Les autres principes sont 0 une représentation plus égalitaire entre les femmes et les hommes, l'importance de refléter les différentes tendances politiques et de favoriser une meilleure représentation des minorités culturelles et des autres groupes minoritaires traditionnellement sous-représentés dont les autochtones. La réforme devrait aussi respecter l'importance des régions en leur assurant une représentation équilibrée.

De façon plus générale, le MDN préconise deux principes comme fondement aux prochaines réformes démocratiques au Québec 0 la nécessité de démocratiser la vie politique et la revalorisation du rôle des élus en assurant une plus grande indépendance à l'Assemblée nationale en instaurant de nouveaux rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif.

La « révolution démocratique » du ministre Jean-Pierre Charbonneau

Le nouveau ministre responsable de la Réforme électorale et de la Réforme parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau, qui a préconisé une « révolution démocratique» il y a quelques mois alors qu'il était président de l'Assemblée nationale, a précisé sa pensée dans une entrevue publiée dans Le Devoir le 26 février.

Ce dernier a alors confirmé que la commission parlementaire aura un mandat beaucoup plus large que la seule réforme du mode de scrutin en s'attaquant au changement de l'ensemble du système politique (élection du premier ministre au suffrage universel, séparation des pouvoirs du Parlement de celui du gouvernement, des élections à dates fixes, l'introduction du mode de scrutin proportionnel, etc.

Plusieurs craignent un tel détournement du processus de réforme non partisan initié par le MDN qui, rappelons-le, a reçu jusqu'ici l'appui formel de plusieurs associations étudiantes (FEUQ, FECQ), syndicales (CSN, CSQ) et qui jouit du support des militants et militantes venant de plusieurs autres milieux (mouvement féministe, mouvement écologiste, communautés culturelles, associations d'aînés, associations populaires comme le FRAPRU, le Collectif anti-pauvreté, milieu universitaire, du théâtre, de la littérature).

Un détournement de commission appréhendé

Le MDN demandera bientôt une entrevue au ministre Charbonneau. Pour éviter ce détournement appréhendé, le mouvement citoyen demandera que la commission parlementaire soit transformée pour l'exécution de ce mandat en une commission populaire composée moitié-moitié de parlementaires et de représentantEs de la société civile.

Chat échaudé craint l'eau chaude. On se souvient en effet qu'en 1976 et 1994, le programme du Parti québécois comportait l'engagement d'effectuer la réforme du mode de scrutin dans l'année suivant la prise du pouvoir. On se souvient aussi que, lors de la session suivant les élections de 1981, le gouvernement Lévesque s'était engagé dans le discours inaugural à réaliser la réforme dans les mois suivants. Il pouvait alors compter sur l'appui des libéraux dirigés par Claude Ryan.

Après maintes tergiversations, l'Assemblée nationale avait donné mandat à la Commission de la représentation électorale, en l983, de consulter la population. Elle revint en l984 avec un rapport préconisant l'adoption d'un scrutin proportionnel fidèle aux vœux de la majorité des centaines d'organismes et personnes qui avaient fait connaître leur point de vue. Le premier ministre Lévesque prépara alors un projet de loi s'inspirant de ce rapport; mais ce dernier fut bloqué par le caucus péquiste.

Le passé est souvent garant de l’avenir

Après cet enterrement de première classe, la question n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pendant seize ans. Entre temps, le gouvernement Bouchard a voulu reporter la réforme après l'accession du Québec à la souveraineté.

Il est clair que le chantier de réformes que veut entreprendre le ministre Jean-Pierre Charbonneau est tellement vaste qu'il est pratiquement impossible à réaliser avant les prochaines élections. De plus, la réforme du mode de scrutin serait pratiquement noyée dans l'ensemble du rapport et risquerait encore une fois d' être reportée aux calendes grecques. En fait, les résultats des travaux de la commission pourraient simplement servir à constituer la plate-forme du Parti québécois pour les prochaines élections générales.