Après le fromage d’Oka, le bouilli minier !

 

Faites cuire pendant sept ans ! Faites bouillir uniquement par les citoyens et citoyennes ! Ajoutez de la langue de bois des politiciens, de la langue fourchue des relationnistes, de la langue juridique des tribunaux! Ajoutez des mots scientifiques tels que niobium, pédologie, ferroniobium, tungstène, subsidence, pyrochlore, molybdène, uranium, radon, tantale, molécule NB2O5, radioactivité, des mots indigestes qui soulèvent une mine d'inquiétude et un haut-le-cœur minéral !

L'an passé, j'écrivais à propos de cette Mine qui «mine le moral des gens d'Oka », sans me douter que je deviendrais un acteur menacé de poursuite en diffamation par le principal dirigeant de Niocan inc. Depuis, les citoyens dont je parlais se sont coalisés et mènent à trois groupes une opération de transparence que digèrent mal le promoteur et les ministres partisans.

Un cocktail chimique imbuvable

L'enjeu est simple. Le Comité des citoyens d'Oka, le Conseil de bande de Kanesatake et l'Union des producteurs agricoles de Deux-Montagnes exigent de la mine Niocan inc. et du gouvernement du Québec, des garanties à l'effet que le projet n'ajoutera pas de radioactivité au radon naturel déjà existant sur leur territoire et que les rejets d'eaux usées ne feront pas de la baie d'Oka un cocktail chimique imbuvable pour toute vie environnante.

Rappelons que le radon est un gaz radioactif, incolore et inodore, d'origine naturelle, impossible à détecter par les seuls sens humains.

« Aucune étude indépendante ou gouvernementale, malgré nos demandes, a permis de connaître les véritables impacts de ce projet minier, affirme M. André Chaput, président du Comité de citoyens d'Oka. Niocan a présenté son projet de façon à ce que le tonnage ne l'oblige pas à soumettre le projet au Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE). »

De son côté, la Commission de protection du territoire agricole constate « qu'une exploitation minière apparaît passablement plus inquiétante au cœur d'une vallée où se succèdent des vergers, des cultures maraîchères et des productions de petits fruits » à peau mince « et où se déploie un agrotourisme de qualité et très fréquenté », et change d'idée... trois fois par la suite !

Un gouvernement tout uranium

Depuis 1995, le projet se promène dans les officines des ministres québécois, obtenant des appuis qui permettent de questionner l'éthique des uns et des autres, dont l'intervention de Jacques Brassard, alors ministre des Ressources naturelles, auprès de la municipalité, l'assurant de l'appui du Conseil du trésor, et ce, même après que 62 % des citoyens concernés au premier plan eurent rejeté par référendum municipal l'implantation de la mine.

Au dossier de la Commission de protection du territoire agricole, on trouve aussi une lettre de Suzanne Giguère, sous-ministre adjointe de l'Industrie et du Commerce dont le patron était Gilles Baril, et une lettre du député bloquiste Gilles Perron qui donnent leur appui à Niocan.

D'après un relevé aérien commandé par la Santé publique, il existe à Oka une zone problématique qui couvre une superficie de deux kilomètres sur six au centre de laquelle se trouvent des concentrations d'uranium, inégalées au Canada en milieu habité. C'est là que Niocan projette d'exploiter sa mine.

Cela fait dire au coordonnateur régional de la Santé publique, le Dr Michel Savard, que le dynamitage requis pour creuser la mine ou pour ses opérations d'extraction risque d'augmenter le nombre de fissures dans le sol, ce qui augmenterait alors inévitablement les infiltrations de radioactivité de l'uranium. Ce risque pour la santé publique est aggravé par les rejets toxiques d'uranium extrait du sol avec de l'eau et qui seront rejetés dans un ruisseau qui mène à la baie d'Oka.

Les spécialistes ne sont pas à une contradiction près

Malgré la contribution financière des contribuables au projet de Niocan, il est très difficile au Comité de citoyens d'obtenir un réel appui des fonctionnaires du gouvernement. Certains invoquent même que leur « client » est Niocan et non les citoyens. D'ailleurs, lors des auditions au Tribunal administratif du Québec, deux procureurs représentant le gouvernement n'intervenaient qu'en faveur de Niocan.

Depuis que le Conseil de bande de Kanesatake et l'UPA ont fait réaliser des études scientifiques qui remettent fortement en question les allégations de Niocan et que le débat devient une bataille d'experts scientifiques, la bouillabaisse mijote et inquiète les politiques.

Maintenant que la décision de la Commission de la protection du territoire agricole en faveur de Niocan est contestée par les opposants, le directeur régional des Laurentides, Marc Dubreuil, du ministère de l'Environnement, promet d'envoyer ses propres experts sur place en temps et lieux pour examiner de près les problématiques reliées au dynamitage, aux eaux usées, au radon, aux nappes phréatiques et au bruit.

Il sera intéressant de voir comment se débrouillera le ministère qui s'est débarrassé de son équipe de spécialistes en faible radioactivité, coupures budgétaires obligent, dit-on !

Pour boire clair, il faudrait voir clair

En mars 2002, le ministre André Boisclair déclare que son ministère accordera une aide financière à la communauté Mohawk pour qu'elle effectue une étude indépendante sur le projet de mine. Il aura donc fallu la prise de position publique des Amérindiens pour financer des études qui auraient dû être réalisées en début de projet, il y a sept ans. Mais ne soyons pas trouble-fête et admettons que c'est un pas dans la bonne direction.

Comme le ministre de l'Environnement et de l'Eau a toujours le pouvoir de déclencher, dans tous les cas problématiques, une enquête publique par le BAPE, il pourrait faire un deuxième pas et démarrer le processus. C'est ce que lui demandent tout simplement les citoyens d'Oka. Si le ministre disait oui, là on pourrait dire qu'il ajoute de la viande au bouillon. Qui sait ? Il pourrait devenir chef culinaire d'un bouilli qui pour le moment émet un fumet nauséabond !

Qui est qui du ferroniobium

La firme Niocan inc. est une compagnie de ressources minérales qui détient à Oka un dépôt de niobium avec des réserves pour un minimum de 15 ans d'opération avec une valeur récupérable estimée à 1milliard $. La compagnie produira du ferroniobium, mais veut aussi utiliser d'autres métaux présents dans le sous-sol.

Le ferroniobium est utilisé dans la production d'alliages spéciaux pour l'aéronautique, les turbines, dans des aciers à haute résistance utilisés dans l'automobile, la construction, les « pipelines » et aujourd'hui il se fabrique même des vélos avec tubes surdimensionnés au niobium.

Les dirigeants sont 0 René Dufour, ingénieur, professeur à Polytechnique et premier actionnaire; Hubert Marleau, vice-président qui s'est servi de ses options en quittant Nortel pour investir dans Niocan; Bernard Coulombe d'Asbestos, le troisième actionnaire; Alain Robin, secrétaire-trésorier et deuxième actionnaire; Richard Faucher, chef de la direction, d'Oakridge en Ontario; John Mavridis de Westmount. Richard Neal et Watson Mackenzie sont également administrateurs.

En plus de l'apport financier des promoteurs, de Norshield Financial Corp, de Palos Financial Corp, Electrum Ferrometals, la firme a trouvé du financement à plusieurs sources dont le Fonds de solidarité de la FTQ qui a acheté des actions qui totalisaient en 2001 environ 750000$. Il faut se rappeler que le Fonds de solidarité fait bénéficier ses actionnaires d'importants dégrèvements d'impôts.

Pourquoi subventionne-t-on les spéculateurs ?

La firme Niocan étant maintenant cotée à la Bourse, c'est au tour des boursicoteurs de bénéficier de nos taxes. Car le gouvernement du Québec permet à ses contribuables d'ajouter une déduction additionnelle globale de 75 % aux fonds d'exploration pionnière investis au Québec. Ainsi, pour chaque tranche de 100 $ de dépenses d'exploration transférées par les actions accréditives, le contribuable du Québec obtient une déduction de son revenu déclaré au provincial de 175 $ et de 100 $ pour celui déclaré au fédéral. Dans le cas d'un contribuable à revenu élevé, l'économie d'impôt pourrait atteindre jusqu'à 1 262 $ par unité. Le coût après impôt serait d'environ 38 % du coût d'achat.

En plus des dégrèvements d'impôts qui signifieront des manques à gagner pour nos gouvernements, on retrouve une subvention 50000$ d'Hydro-Québec, un investissement de 100 000 $ de Sodemex, formé de la Caisse de dépôt et de placement du Québec et Soquem inc. une division de SGF Minéral inc., elle-même filiale de la Société générale de financement du Québec. Ensuite, plusieurs subventions totalisant près de 427 000 $ du ministère des Ressources naturelles du Québec.

C'est donc vous et moi qui financerons une partie importante de ce projet minier et sans pour autant obtenir pour le Comité de citoyens d'Oka le financement nécessaire à la production d'études indépendantes sur les effets environnementaux de ce projet !

Note au lecteur 0 Afin de faciliter la lecture, chacune des références précises n'apparaît pas dans le texte. Elles proviennent des communiqués de presse de Niocan inc., du journal Les Affaires, de la revue de presse québécoise et du site de référence d'Eau Secours! - La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau à 0 www.eausecours.org