L’avenir de la santé est dangereusement malade

 


La Commission Romanow



Le premier rapport d'étape de la commission Romanow sur l'avenir de la santé au Canada vient d'être rendu disponible. Sous le titre de Préparer l'avenir des soins de santé, ce rapport nous cite un ensemble de lieux communs sur les supposées valeurs canadiennes. D'abord, qu'est-ce que les valeurs canadiennes viennent faire dans un secteur qui est sensé dépendre entièrement des provinces ?

Évidemment, le mandat de la commission, tel qu'il ressort à tout bout de page, est de repenser le système et surtout son financement. Dès le départ, l'accroissement de la part du privé et un certain retrait de l'État sont vus comme des solutions possibles. Or qui dit augmentation du rôle du secteur privé, implique, entre autres, une hausse des revenus des compagnies d'assurances.

La privatisation de la santé a commencé avec les régimes d’assurances

La première chose qui nous frappe quand on étudie ce dossier est la part déjà importante du privé dans notre système de santé. Les dépenses de santé privées ont dépassé le seuil des 30 % au Québec. Elles ont augmenté de 330% en 20 ans, plus qu'en Ontario et en Alberta, alors que les dépenses publiques ont augmenté de 134 % seulement. Ces dépenses comprennent évidemment toute une série de soins et de services 0 radiographies, médicaments, transport, soins à domicile, chambres privées. Ces soins et services sont, la plupart du temps, déjà couverts par des assurances.

La santé est gratuite au Québec, sauf que beaucoup de ceux qui travaillent ont des régimes d'assurance-maladie qui couvrent ce que l'État refuse de considérer. Or, l'espace laissé libre par l'État s'agrandit de jour en jour. Le fait que nous ayons presque tous des assurances privées pour les médicaments constitue une étape dans la privatisation du système. Payons-nous moins depuis ce temps ? Nos impôts n'ont pas vraiment diminué alors que nos coûts d'assurance ont augmenté.

Il y a plusieurs façons de privatiser les services de santé 0 cesser de payer ou de fournir un service; continuer de payer pour un service, mais le remettre à l'entreprise privée; continuer de payer, mais demander au patient d'assumer une part des coûts; continuer de fournir et de payer pour un service, mais le gérer à la façon de l'entreprise privée; renvoyer les malades à domicile où les soins sont fournis par des « aidants naturels » qu'on ne paie pas. Comme on peut le constater, notre gouvernement a déjà utilisé plusieurs de ces moyens et continuera vraisemblablement de le faire.

Privatiser, c’est payer plus de taxes pour payer des soins qui coûtent plus cher

En Ontario, le gouvernement fait faire les analyses dans des laboratoires privés. D'après une loi, ils reçoivent les contrats de l'État dans la même proportion que leur chiffre d'affaires en 1995. Donc, bons ou pas, efficaces ou pas, les gros laboratoires encaissent des fortunes de l'État.

Le Manitoba, pour sa part, est revenu en arrière après avoir privatisé une bonne proportion de ses services à domicile. La compagnie qui avait obtenu le contrat était poursuivie aux États-Unis pour ses méthodes douteuses de facturation. Elle faisait aussi des pressions sur les clients pour leur vendre des services supplémentaires dont ils n'avaient pas besoin. De plus, le gouvernement s'est rendu compte que la qualité des services avait baissé puisque les compagnies privées, surtout quand elles ont une clientèle captive, paient les salaires les plus bas possible et engagent ainsi du personnel de moins bonne qualité.

N'oublions pas non plus qu'un des effets de la privatisation est de multiplier les lieux d'administration, ce qui ne va pas sans coûts. De plus, les entreprises privées, plus petites, ne sont jamais capables de négocier des bas prix comme l'État peut le faire. Ce qui fait qu'aux États-Unis, par exemple, les gens paient plus de taxes que nous pour la santé et doivent payer en plus des assurances personnelles très coûteuses. À cause de cela, 44 millions d'Américains n'ont aucune protection.

Le privé coûte plus cher

Plusieurs études ont comparé récemment, aux États-Unis, les rendements dans les cliniques publiques et privées. Une étude publiée en 1997 dans le New England Journal of Medecine, montre que les hôpitaux privés coûtent jusqu'à 25 % plus cher et que plus de la moitié de cette différence provient de coûts d'administration plus élevés. Ces coûts plus élevés ne semblent pas liés à une qualité supérieure.

En 1999, le Journal of the American Medical Association montrait que les hôpitaux publics avaient de meilleurs résultats que les hôpitaux privés sur les quatorze critères de qualité généralement utilisés. Pour finir, le célèbre New England Journal of Medecine publiait, encore en 1999, les résultats d'une autre étude montrant que les patients ayant besoin de dialyse, traités dans les hôpitaux privés, ont un taux de mortalité de 20 % supérieur.

Il est peut-être temps de cesser d'écouter les médias qui répètent sans arrêt les mêmes mensonges au profit de leurs patrons. N'oublions pas que La Presse appartient aux mêmes propriétaires que la Great-West, une compagnie d'assurances qui a tout à gagner de la privatisation. Nous sommes peut-être lourdement taxés, mais attendez de voir ce que la privatisation va coûter, en taxes et en plus des taxes.

En médecine, plus cher ne veut pas dire plus compétent

Les mêmes médecins travaillant dans les deux secteurs, public et privé, la privatisation ne fera pas augmenter la quantité de travail effectué, elle va seulement déplacer le travail des médecins vers ceux qui ont le moyen de payer et augmenter le nombre de pauvres sur les listes d'attente.

En 1998, un rapport de Santé Canada concluait exactement la même chose 0 la privatisation ne raccourcira pas les listes mais, au contraire, risque d'allonger les listes d'attente du secteur public. Une étude montre que, en Alberta, les patients attendant une opération pour une cataracte et qui sont traités par des médecins œuvrant dans les deux types de clinique attendent plus longtemps et paient plus cher.