La clause Canada ? Connais pas !

 


Le Devoir et La Presse absents au Forum sur la situation du français au Québec



Plus de 300 personnes assistaient le 20 avril dernier, à Montréal, à un forum sur la situation du français au Québec, vingt ans après le coup de force constitutionnel de 1982. Télévision Quatre-Saisons, le réseau NTR et d'autres médias électroniques étaient sur place. The Gazette avait envoyé un journaliste, mais pas La Presse, ni Le Devoir.

Pourtant, les révélations de l'ancien député libéral fédéral Louis Duclos, le seul à avoir voté contre le rapatriement de la Constitution, valaient à elles seules le déplacement. « “ Louis, tu as dû nous trouver lâches ! ”, m'a confié un ministre libéral lors d'une soirée bien arrosée quelques semaines après le coup de force de Trudeau », a raconté Louis Duclos pour décrire l'état d'esprit de ses collègues.

Quelques mois auparavant, c'est aux cris de « On y va en Cadillac, pas en Volkswagen » que les membres du caucus libéral avaient pourtant donné leur accord à l'initiative de Trudeau marquant ainsi, selon Duclos, «leur volonté d'écraser le Québec ». Si, plus tard, certains d'entre eux reniaient en privé leur arrogance passée et se qualifiaient de «lâches», Duclos, lui, vingt ans plus tard, ne regrette rien. «Jamais de ma vie, je n'ai été aussi sûr que c'était ce qu'il fallait faire», a-t-il lancé.

À l'époque, Duclos s'opposait spécifiquement à la Charte des droits et libertés, et plus particulièrement à la clause Canada, qui invalidait la clause Québec de la Charte de la langue française en élargissant le droit à l'admissibilité à l'enseignement public en anglais à tous les enfants dont le père, la mère, un frère ou une sœur ont eux-même reçu ou reçoivent un tel enseignement au Canada. (Ces aspects juridiques ont été expliqués avec clarté et brio par la juriste Eugénie Brouillet, lors de l'assemblée).

Le député Duclos craignait qu'à la faveur d'un boom économique le Québec attire sur son territoire une forte immigration anglophone du Canada. Lors d'une rencontre privée, Trudeau avait balayé l'argument du revers de la main en déclarant 0 « Le Québec n'aura qu'à envoyer des députés à Ottawa s'il veut apporter des changements à la Charte. »

L’anglais avance, le français recule

Même en l'absence d'un boom économique, la prédiction de Duclos est en voie de se réaliser comme l'a démontré le sociologue Jean Dorion. Il souligne que 17,5 % de la population de la communauté anglophone du Québec est constituée de personnes nées dans les provinces anglaises du Canada auxquelles il faut ajouter leurs enfants nés au Québec. Selon Jean Dorion, le quart des effectifs des écoles anglaises n'y serait pas admissible sans la clause Canada. Chiffres à l'appui, il démontre le recul de l'enseignement en français au Québec depuis 1994 et affirme qu'il « suffirait de 25 ans pour ramener la part de l'école anglaise à ce qu'elle était lors de l'adoption de la loi 101 il y a 25ans ».

Charles Castonguay a illustré, à l'aide de l'exemple des villes de Hull et Ottawa, que l'anglicisation des francophones s'effectue plus rapidement lorsque leur nombre est proportionnellement moins élevé. La création de la région de la capitale fédérale et la transformation de Hull, de ville ouvrière en ville de fonctionnaires, a accéléré le phénomène d'anglicisation. « Un agent d'immeubles m'a affirmé que plus de 40 % de ceux qui recherchent une résidence du côté québécois sont des anglophones », raconte Charles Castonguay, à cause des avantages de vivre au Québec où le coût de la vie est moindre, sans compter qu'on évite les embouteillages sur les ponts qui enjambent la rivière des Outaouais. « Le seul frein à un afflux encore plus important de fonctionnaires anglophones du côté québécois, explique-t-il, c'est la crainte d'un nouveau référendum. »

Pour donner une idée de la menace qui pèse sur la région de l'Outaouais, Charles Castonguay souligne que le taux d'anglicisation des francophones de 25 à 34 ans est passé, à Ottawa, de 22 % qu'il était en 1971 à 40 % en 1996.

Larose est moins Larousse que jamais

Après l'exposé de Mme Anne-Michèle Meggs sur les conséquences néfastes trop souvent méconnues de la politique de symétrie linguistique appliquée au Canada anglais et au Québec, de l'affichage bilingue jusqu'aux subventions à des groupes comme Alliance Québec, les panelistes ont répondu aux questions de la salle.

Charles Castonguay a alors réitéré les virulentes critiques à l'endroit de la Commission Larose publiées dans le livre Larose n'est pas Larousse (l'aut'journal/Éditions Trois-Pistoles). Quant à Jean Dorion, il a souligné l'importance de la question linguistique, élément clé de notre identité, et par le fait même principal facteur de mobilisation. « En quelques jours, a-t-il dit, 17 organismes, dont les grandes centrales syndicales du Québec, ont accepté de signer une déclaration dénonçant l'impact négatif de la Charte des droits sur le français au Québec. C'est cela également qui explique le silence de médias comme La Presse qui ont refusé de la publier. » Et, pourrions-nous ajouter, de leur absence à cette assemblée.