L'Italie déchaînée contre les mesures de Berlusconi

 

Depuis l'élection du gouvernement Berlusconi et ses acolytes de l'extrême droite, l'Italie surchauffe. Le 23mars a lieu une manifestation monstre et le 16 avril une grève générale à la grandeur du pays. Qualifiés d'événements historiques en Europe, les médias du Québec les ignorent à toutes fins pratiques.

L'Italie est aujourd'hui dominée par un triumvirat, composé de Berlusconi, allié à « l'ex-fasciste » Gianfranco Fini et au xénophobe Umberto Bossi. Il faut dire que la consolidation de leur pouvoir est grandement aidée par la quatorzième fortune du monde, celle de Sylvio Berlusconi lui-même ! Les trois partis d'extrême droite, la Forza Italia, la Ligue du Nord et la Démocratie chrétienne, règnent sur l'Italie par « une sorte d'hypnose télévisuelle collective », pour emprunter les mots du rédacteur en chef du Monde Diplomatique, Ignacio Ramonet. Car, évidemment, Berlusconi possède une grande partie des médias italiens.

Comme trois millions de gens

Samedi le 23 mars, Place Circo Massimo à Rome. Plus de trois millions de personnes manifestent sous le thème « On n'y touche pas!». L'article 18 est devenu le symbole de la mobilisation contre les réformes du code du travail italien. Il interdit à un employeur de licencier un employé sans motif raisonnable. La gauche italienne fait front commun contre les projets du gouvernement Berlusconi. Sont réunis pour l'occasion 0 syndicats, chômeurs, retraités, étudiants, jeunes anti-mondialisation, intellectuels anti-Berlusconi et opposition parlementaire.

La CGIL (Confédération générale des travailleurs italiens), principal syndicat de gauche du pays, et organisateur de la manifestation du 23 mars, attendait un million de personnes. Il en vient plus du double. Les syndicats évaluent la foule à trois millions de personnes. Le New York Times à deux millions, tandis que la police romaine ne l'évalue qu'à 700 000 têtes ! La télévision italienne (appartenant à Berlusconi !) a constamment cherché à réduire l'importance de l'événement.

La presse italienne du dimanche, quant à elle, qualifie la manifestation du 23 mars de «record absolu depuis la fin de la Deuxième Guerre ». La manifestation est alimentée par plus de 60trains spéciaux, 10 avions, deux bateaux et 10 000 autocars ! En tout, six cortèges rejoignent la Place Circo Massimo.

Le ministre de la Défense, Antonio Martino, déclare que « la manifestation de la CGIL est un danger énorme pour la démocratie.». Il serait intéressant de pouvoir connaître le sens qu'il donne à ce mot !

Renaissance de la gauche

La gauche et le mouvement syndical refusent les réformes du gouvernement Berlusconi qui cherche à remanier ou à éliminer des clauses du code du travail gagnées lors de batailles syndicales dans les années 1960 et 1970.

Plus spécifiquement, le gouvernement s'en prend à l'article 18, qui prévoit de réembaucher obligatoirement un travailleur licencié à tort. Le syndicaliste de la métallurgie (FIOM-CGIL), Claudio Sabatini, dans une entrevue à l'Humanité du 2 avril, explique que Berlusconi, sous la pression du patronat, tente de retirer certaines clauses pour les jeunes et qu'à «moyen terme, les salariés seront tous privés de ces droits fondamentaux ». Cette situation nous rappelle notre problème avec les clauses «orphelin » !

Un Front populaire à l'italienne ?

Suite à la manifestation du 23mars, les divers partenaires sociaux retournent à la table ronde du ministre du Travail. De concert avec les syndicats progressistes CISL (chrétien démocrate) et UIL (centriste laïque), et récemment appuyée par des partis plus à gauche, soit le Parti de la refondation communiste, et l'Italie des valeurs (centriste), la CGIL exige l'arrêt des réformes néolibérales sur le code du travail.

Le gouvernement Berlusconi reste ferme et refuse toute concession. Pour Claudio Sabatini, «l'Italie assiste à une campagne hyperviolente à l'encontre du syndicalisme alors que Berlusconi veut tout simplement liquider les forces qui ne le soutiennent pas ». Les syndicats le savent bien et sont décidés à poursuivre la lutte.

Chose promise

La grève générale du 16 avril dernier est la suite logique de la manifestation du 23 mars. L'arrêt de travail obtient un succès retentissent, même les syndicats près de la droite, l'UGL et la Cisal, adhèrent au front commun syndical. Selon les trois principaux syndicats, 13 millions de travailleurs participent à la grève du 16 avril. Certains secteurs tels que les grandes industries, dont l'usine FIAT, les transports ou l'administration, ont même un taux de participation frôlant le 100 %. C'est la première grève générale de huit heures depuis 1982.

Encore dans la rue

De ces 13 millions de grévistes, plus de deux millions sortent dans la rue malgré la forte pluie. En tout, 21 villes italiennes sont inondées de manifestants 0 400 000 à Florence, 300 000 à Milan, 200 000 à Rome et 250 000 à Bologne. Luigi Angeletti de l'UIL, un des trois plus importants syndicats, affirme « n'avoir pas vu une telle force unitaire depuis 50ans ».

Bras de fer gauche-droite

Malgré l'offensive de la gauche, le gouvernement demeure rigide. Gianfranco Fini, numéro deux du gouvernement, n'est pas ébranlé et affirme que « le retrait du projet sur l'article 18 est une hypothèse qui n'existe pas ». Le gouvernement reste uni au patronat et s'en tient à sa promesse électorale d'abattre le code du travail.

La droite possède une majorité bien solide au Parlement, ce qui rend peu probable la chute du gouvernement Berlusconi comme en 1994. Cependant, les travailleurs sont regroupés et organisés. La lutte promet d'être chaude.

Pour qui combattent les Brigades rouges ?

Trois jours avant la manifestation, l'économiste Marco Biagi, conseiller du ministre du Travail, est assassiné par les Brigades rouges pour la construction du parti communiste combattant. Ce dernier serait à l'origine de la réforme sur la liberté de licenciement.

Du coup, Berlusconi renchérit en portant la CGIL responsable du « climat de haine » qui « aurait armé les assassins ». Attaque qui ne fera qu'échauffer le climat anti-Berlusconi.

À la suite de la manifestation du 23 mars, le gouvernement se voit obligé de retirer ses paroles et avoue qu'il n'y a aucun lien entre la mort du conseiller néolibéral et la centrale.