Croisade vers la syndicalisation dans le monde de la petite enfance

 


L’Adim et de la Fipeq défendent les intérêts des intervenantes en milieu familial du Québec



Voilà un an déjà, la Centrale syndicale du Québec (CSQ) déposait une requête en accréditation syndicale auprès du Bureau du commissaire général du travail afin que les intervenantes en milieu familial rattachées au centre de la petite enfance La Rose des vents obtiennent enfin la reconnaissance professionnelle de leur travail et les droits qui s’y rapportent. Alimentée par la précarité des conditions dans lesquelles œuvrent les éducatrices de l’ensemble du territoire québécois, se poursuit donc depuis juin 2001 une dure croisade vers la syndicalisation à laquelle participent activement Michèle Myner, présidente de l’Alliance des intervenantes en milieu familial (Adim-CSQ) ainsi que Sylvie Tonnelier, présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (Fipeq-CSQ).

Engagées dans la défense des droits des quelque 8500 intervenantes en milieu familial du Québec, MmesMyner et Tonnelier connaissent étroitement la lourde réalité des éducatrices en milieu familial, confinées à leurs maisons et sans ressources ni avantages d’aucune sorte de la part du gouvernement et des centres de la petite enfance (CPE), alors qu’elles offrent pourtant près de 44 % des places disponibles en garderie. Une situation que plusieurs ont souvent qualifiée d’archaïque et que résume bien la présidente de la Fipeq en affirmant gravement que « lorsque le besoin de syndicalisation se fait aussi fortement sentir, c’est qu’il y a un problème ».

Le dur lendemain de la réforme

Le « problème », d’ailleurs, Mme Myner renchérit en l’illustrant abondamment 0 la situation actuelle des intervenantes en milieu familial, entièrement dépendantes des CPE depuis la réforme des services de garde en 1997, ne correspond plus au titre de travailleuse autonome qu’elles détiennent toujours, qui constitue un mythe que se plaît à entretenir le ministère. Car si autrefois les éducatrices avaient la possibilité de gérer elles-mêmes, avec l’aide d’agences de garderie, leurs installations, et d’offrir un service de qualité aux parents satisfaits, elles doivent aujourd’hui obtenir, afin d’assurer la survie de leur service de garde, la reconnaissance d’un CPE sans laquelle la clientèle s’envolerait rapidement, empressée de bénéficier du tarif de garde établi à seulement 5 $ par jour, selon la réforme.

De ce lien provoqué, pour ne pas dire forcé, aux CPE, sont donc nées les difficultés que vivent bon nombre d’intervenantes, désormais sous la coupe des centres qui agissent clairement comme employeur sans pourtant leur accorder aucun des bénéfices prévus dans le Code du Travail. Outre les listes de matériel éducatif à se procurer, les entrevues annuelles avec le conjoint et les enfants de plus de 14 ans habitant les lieux, la formation de 45 heures et le cours de premier soin dont elles doivent assumer les frais, les éducatrices en milieu familial ne bénéficient ainsi d’aucun régime de retraite, d’aucun avantages sociaux, ni de congés fériés ou de droit à l’équité salariale. Elles n’ont droit à rien.

Sous peine de perdre leur accréditation, elles doivent en revanche assurer un service de 10 heures par jour, soit 50 heures par semaine, ce qui exclut la planification des éducatifs, la comptabilité, l’entretien des installations ainsi que la planification des repas et des collations, un ensemble d’activités dilapidant rapidement la somme quotidienne de 17,20 $ qu’elles reçoivent du gouvernement et à laquelle s’additionne le5$ déboursé par le parent. Ce sont donc 22,20 $ qu’amassent les éducatrices pour le soin de chaque enfant, un maigre revenu dont il ne subsiste, une fois 45 % de la somme envolée dans la maintenance de la garderie, qu’un salaire annuel d’environ 15 000 $ pour la garde maximale de six bambins.

Concluant cette sombre ribambelle de données, Mme Myner s’exclame enfin que « les gardiens de zoo sont mieux payés que les intervenantes, alors que nous, ajoute-t-elle avec indignation, nous prenons soin d’enfants. » Des enfants qui réclament des soins et un environnement adéquat, services qu’assure d’ailleurs elle-même la présidente de l’Adim, poussée par son affection pour les bambins ainsi que le souhait de se rapprocher de sa propre famille. Mme Myner se consacre donc entièrement à sa garderie et, à l’image de ses consœurs éducatrices en milieu familial, comme elle aime à le souligner, elle exerce bel et bien une profession.

Sur la route de la syndicalisation

Voilà d’ailleurs tout l’enjeu se dressant à l’ombre de la cause amirale qu’est celle du CPE La Rose des vents 0 reconnaître les intervenantes en milieu familial comme des femmes professionnelles ayant droit à la négociation, un premier pas vers l’obtention du respect, de l’amélioration des conditions de travail ainsi que de la fin des abus de pouvoir. « Terminé le stéréotype de la gardienne renfrognée, enveloppée à longueur de journée dans sa robe de chambre élimée, affirme Mme Myner, il faut cesser d’entretenir l’image négative de la femme au foyer. » Les éducatrice en milieu familial sont ainsi des salariées répondant aux normes élevées des CPE qui, elles l’espèrent, seront bientôt reconnus officiellement comme leur employeur, puisqu’ils agissent comme tel. Mais si cette constatation a officiellement déjà été faite par Jacques Vignola, commissaire général du travail, dans le cas des intervenantes du CPE La Rose des Vents, la décision a pourtant été portée en appel par le CPE ainsi que par le ministère.

Mesure exceptionnelle, le procureur général du Québec a d’ailleurs été appelé à défendre les intérêts du gouvernement dans ce dossier, attitude illustrant bien la crainte que ce dernier entretient envers la syndicalisation des intervenantes en milieu familial. Leur exclusion à tous les programmes d’avantages sociaux ou salariaux prévus au Québec, maintenue par le statut de travailleuse autonome dont elles sont incorrectement affublées, représente ainsi une économie considérable aux coffres du ministère qui, bien sûr, préférerait nettement rectifier les conditions de travail des éducatrices sans avoir recours à des mesures juridiques.

Toutefois, maintenant que le processus de syndicalisation a été entamé par la CSQ, regroupant à ce jour près de 500 intervenantes en milieu familial dans ses rangs, Mme Tonnelier est d’avis qu’aucun retour en arrière n’est possible, d’autant plus qu’à la croisade vers la reconnaissance professionnelle s’est jointe la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Si l’appel est rejeté les 20 et 21 juin prochains par les tribunaux, ce seront donc non seulement les éducatrices du CPE La Rose des vents qui auront droit à la syndicalisation, mais aussi près de 200 intervenantes affiliées à six centres de la région de Québec et désormais sous l’aile de la CSN.

Rappelons enfin que la syndicalisation est un droit reconnu au Québec et que, selon les présidentes de l’Adim et de la Fipeq, les intervenantes en milieu familial méritent le privilège dont bénéficient déjà leurs homologues œuvrant en installation, soit la possibilité de négocier des conditions de travail adaptées à leur réalité, des conditions ignorant les maux dont elles souffrent actuellement. À ce chapitre, le mouvement syndical veille ainsi aux intérêts des éducatrices et on ne peut s’empêcher de croire en sa réussite, en particulier devant la détermination dont il fait preuve depuis plusieurs années. MmeTonnelier en résume d’ailleurs clairement l’essence en affirmant avoir avant tout « confiance au pouvoir de la masse ».