José Acquelin, poète

 

C’est au sortir du huitième Festival International de la littérature (Fil) que j’ai rencontré le poète José Acquelin, au café Les Entretiens, rue Laurier. L’homme affichait bien sûr sur son visage quelques signes de fatigue, car cette année, en plus d’animer la sixième édition des Cinq à souhaits, l’inlassable chercheur de voix demeurait à l’Alizé pour animer les cabarets du Fil. Mais ces signes s’estompèrent rapidement, chassés par sa passion pour la poésie.

Les Cinq à souhaits, dont il est le concepteur, c’est une formule pour donner un espace à la parole des poètes. Invité à monter sur scène après une judicieuse présentation de José Acquelin, le ou la poète lit des textes de son choix, accompagné par les collaborateurs du début, Pierre St-Jak aux claviers, et Normand Gilbeault à la contrebasse. Ces exceptionnels musiciens servent la lecture de façon à en moduler la particularité. « La langue est un clavier, les musiciens, des poètes. Leurs rencontres va de soi. Il n’y a que poètes et musiciens que regroupe l’expression artiste de rue. ». José Acquelin insiste beaucoup sur la complémentarité de la musique et de la poésie, car c’est pour lui ce qui permet de rejoindre tous les membres d’une société, et de tout être.

Cette dimension d’accessibilité demeure au cœur des Cinq à souhaits. On la retrouve pour le public, convié gratuitement à prendre siège lors des lectures publiques. Mais c’est surtout dans les invitations qu’il lance aux poètes avant qu’ils montent sur scène que sa profonde générosité se dévoile 0 « Ce qui me fascine dans la poésie au Québec, c’est la présence, dans le spectre, de chaque couleur, de chaque teneur, de chaque poésie. On peut voyager, en allant du social, du contemplatif, en passant par l’amoureuse, l’érotique, et j’en passe. Et c’est fait par des poètes issus autant de l’université que de la rue. Dans notre société dominée par des écrans, et avec le conformisme dans les discours, les auditeurs ont besoin de revenir écouter sans intermédiaire la parole d’hommes et de femmes.».

Cette année, les Cinq à souhaits ont déménagé du Saint-Sulpice au centre de diffusion artistique l’Alizé, rue Ontario. Pour une question d’espace et pour une meilleure sonorisation. Et disons qu’avec les rayons du soleil qui traversaient les fenêtres pour éclairer la scène, pour un éclairage pour le moins sublime.

La participation de chaque poète se limite à une lecture. L’événement, auquel à ce jour un peu plus de deux cents quarante voix ont participé, est devenu un tour d’horizon unique dans nos paysages poétiques. S’il reconnaît que « le micro, c’est ma drogue », l’auteur du Piéton immobile défend l’idée qu’on retrouve sur scène un poète et un texte écrit. Ni performeur, ni acteur, donc, même si la présence sur scène ouvre la voie à la représentation.

Difficile de l’imaginer timide et introspectif, l’auteur de Tout va rien, réédité récemment avec ses premiers recueils. Et pourtant, il l’était, durant les quinze années où il écrivait sans être publié. Avec la publication de son premier recueil, en 1987, il est allé à la rencontre des gens dans les rues et dans les cafés, pour le leur offrir. Et en poursuivant cette expérience de la place publique, avec ses autres livres, il a acquis son goût pour le terrain, sa voix et son aisance 0 « Je ne crois pas au créateur isolé dans une tour d’ivoire. ». Riche de rencontres de toutes sortes, il s’est retrouvé à participer et à organiser des événements. Les Cinq à souhaits, pour lesquels il a toujours eu carte blanche, sont voués à se modifier à l’avenir. Ils se rapprocheront d’une formule cabaret, où chanteurs et performeurs rejoindront cet espace à la parole avec, comme maître de cérémonie, le visage fraternel d’un beau diseur.

Certains carnets de José Acquelin sont exposés à la Bibliothèque centrale de Montréal, 1210, rue Sherbrooke Est, jusqu’au 21 juin.