L’inacceptable intervention policière du 26 avril 2002

 

L’intervention policière de vendredi 26 avril dernier, effectuée au point de ralliement des manifestants anti-mondialisation avant même que la marche ne débute, est non seulement inacceptable, mais s’inscrit dans un effort concerté des forces de l’ordre de faire taire tout mouvement de dissidence et d’opposition aux efforts des grandes puissances d’imposer la mondialisation des marchés.

Rappelons d’abord les faits. Des centaines de manifestants antimondialisation s’assemblent autour de 16h00 au Square Dominion, près de la Place du Canada, à Montréal. À mesure que la foule grossit, les discours se multiplient et les manifestants s’apprêtent à débuter une marche de protestation au cours de laquelle certains participants allumeront des flambeaux. Cette foule est pour la plupart composée de jeunes, de marginaux ainsi que de contestataires qui n’appartiennent pas et ne s’identifient pas aux institutions revendicatrices traditionnelles.

Une prise au piège

Quelques instants avant que la marche ne débute, alors que tout est calme dans le parc, l’escouade anti-émeute du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) entoure tous les manifestants se trouvant dans le parc de façon à ce que ces derniers n’aient aucune sortie possible. Plusieurs journalistes, observateurs et autres passants attirés par le rassemblement se retrouvent pris au piège. Des centaines de personnes seront ainsi illégalement détenues pendant des heures.

Les policiers de l’escouade anti-émeute refusent de s’identifier lorsqu’on leur demande et dissimulent délibérément leur insigne ainsi que leur numéro matricule permettant de les identifier. Les policiers émettront ensuite aléatoirement des constats d’infractions.

Une véritable prise en chasse

À l’extérieur de l’encerclement, des citoyens qui voulaient participer à la manifestation, frustrés d’être privé ainsi de leur liberté fondamentale, invectivent les policiers et demandent la libération de leurs camarades. Des altercations s’ensuivent. Les policiers s’en prendront physiquement à plusieurs personnes qui se trouvaient dans le parc et utiliseront, selon leur caprice, le poivre de cayenne. S’ensuit dans le voisinage une véritable chasse aux manifestants lorsque des agents d’infiltration, habillés de façon à se mêler à la foule, décident de procéder à l’arrestation de l’un ou de l’autre. La police séquestre les clients d’un restaurant « Subway » en les empêchant d’en sortir sous prétexte que des manifestants s’y sont engouffrés. Des personnes se trouvant aux abords de la station de métro Peel, à des lieux du point de rassemblement, seront arrêtées pour avoir participé à un attroupement illégal. Il y aura en tout 25 arrestations, selon la thèse du SPVM. […]

Une conférence-intimidation

Le lendemain de l’arrestation massive du 26 avril, alors qu’il s’adressait aux représentants des médias en conférence de presse, le Commandant André Durocher a dû redoubler d’effort pour trouver des excuses fallacieuses, des justifications douteuses et des mensonges éhontés qui expliqueraient les actions des policiers. Son arrogance était à l’apogée lorsqu’il demanda à certains journalistes, présents lors des événements, qui lui posaient des questions compromettantes, leur nom ainsi que celui du média qu’ils représentent pour ensuite leur proposer une discussion en tête-à-tête après la conférence de presse. Par deux fois il répondra aux journalistes de cette façon. Pas intimidant le moins du monde, le comportement de monsieur Durocher.

Un pistolet suspect

Il poussera même l’insulte à l’injure en affirmant qu’un pistolet de calibre 9 mm retrouvé à la station de métro Peel appartenait à des manifestants. C’est invraisemblable, et ce pour au moins deux raisons 0 (1)jamais une arme à feu ou une arme blanche tel un poignard ne fut retrouvé sur un seul manifestant au Québec depuis le mouvement antimondialisation ; (2) lors de la manifestation du G-20 à Montréal, au moins 40 agents doubles appartenant au SPCUM et à la Sûreté du Québec avaient infiltré les manifestants ! Certains s’étaient même infiltrés au préalable dans des organismes communautaires qui affichaient ouvertement leur intention de participer à la manifestation. Or, André Durocher a mentionné à plusieurs reprises lors de son exercice de relation publique qu’il y avait eu utilisation d’agents d’infiltration lors de l’opération du vendredi 26 avril. […]

Il nous est impossible en tant que juristes de comprendre le motif légal d’intervention et de détention des personnes rassemblées au Square ainsi que des passants. M. Durocher affirme que leur action était justifiée en raison de crainte raisonnable que des personnes allaient commettre des actes illégaux et ce, en raison, dit-il, des actions passées des groupes participant à cette marche. Soulignons que parmi les centaines de personnes accusées suite à des interventions musclées des policiers par le passé à Montréal, une infime minorité a été déclarée coupable. Quelques chiffres 0 des 100 arrêtés du Commando-Bouffe (la distribution de nourriture aux pauvres devant l’hôtel Reine-Élizabeth) seulement une dizaine ont effectivement subi leur procès (ils sont présentement en appel devant la Cour d’appel du Québec), les autres accusés ayant été acquitté; des 150 arrêtés de Westmount (1er mai 2000), environ la moitié ont vu les accusations retirées et les autres sont toujours en attente de procès; des 70 arrêtés de la manifestation des Citoyens et citoyennes opposés à la brutalité policière (Cobp) du 15 mars 2000, la majorité (environ60) subiront leur procès au mois de septembre; des 40 accusés d’avoir participé à une émeute lors de la manifestation du

G-20, deux seuls subiront sous peu leur procès, les accusations ayant été retirées pour les autres par le bureau du Substitut du procureur général de Montréal suite à la demande des accusés d’être jugés par un juge et un jury. Combien des 371 arrêtés de la manifestation de Cobp du 15 mars dernier subiront réellement leur procès et seront déclarés coupables ? […]

La liberté d’expression est en deuil

Parlons des objets exhibés lors de la conférence de presse télévisée, on y pouvait voir une grande bannière qui trônait, bien en évidence, parmi les preuves à charge, sur laquelle était inscrit le slogan « G-8 0 Génocide ». Parions que le SPVM n’était pas d’accord. Pourtant, on serait en droit de croire que le message du Commissaire aux plaintes de la Gendarmerie Royale du Canada suite à son enquête sur l’enlèvement de Jaggi Singh et la violation des droits à la liberté d’expression lors du sommet de l’Apec à Vancouver avait été clair en ce qui concerne la saisie par la police d’objets de ce genre. Alors que la Charte des droits et libertés de la personne aura été adoptée il y a 26 ans et que l’on vient tout juste de souligner les 20 ans de la Charte canadienne des droits et libertés les événements récents soulignent de bien triste façon l’état des libertés fondamentales à la démocratie 0 les libertés d’expression et d’opinion. […]