La présidence de la CSN passe aux femmes

 


Victoire de Claudette Carbonneau



« Les femmes déléguées ont voté en majorité pour une femme », déclaraient, amers et désabusés, des partisans de Marc Laviolette, qui voyaient dans celui-ci la figure de proue de la gauche à l’intérieur de la CSN. D’autre part, réunies également en congrès quelques jours après celui de la CSN, les membres de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) célébraient la victoire d’une des leurs 0 Claudette Carbonneau ! Que dire de ce « colletaillage » entre la gauche traditionnelle et le mouvement féministe ?

L'élection d’une femme à la tête de la CSN renvoie aux profondes modifications intervenues au cours des dernières décennies avec l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et – par voie de conséquence – dans les structures syndicales. Avec 53 % des membres à la CSN, les femmes sont aujourd’hui majoritaires, cependant, il y a une importante distorsion entre les secteurs privé et public. Grosso modo, 80 % des femmes syndiquées à la CSN travaillent dans les services publics et 80 % des hommes se retrouvent dans le secteur privé. Cela s’explique en bonne partie par le développement du secteur des services et la diminution de la main d’œuvre dans l’industrie de transformation.

Une marche des femmes qui dure depuis 30 ans

Il y a une trentaine d’années, on croyait que les femmes allaient – au nom de l’égalité – investir les métiers traditionnellement masculins afin de pouvoir bénéficier de conditions salariales plus avantageuses. Cela s’est fait dans une certaine mesure.

Dans le dernier numéro de la revue L’Apostrophe, on montre comment les femmes, qui n’étaient qu’une cinquantaine en 1980, représentent aujourd’hui le quart des cols bleus de la Ville de Montréal. Mais, règle générale, dans les métiers qui demandent une plus grande force physique, les femmes sont très minoritaires.

Plutôt que de chercher une égalité formelle avec les hommes dans les métiers traditionnels, le mouvement des femmes a choisi de se battre contre la discrimination systémique et pour la revalorisation des conditions salariales dans les ghettos d’emplois traditionnellement féminins. C’est la lutte actuelle pour l’équité salariale.

C’est à ce chapitre que les gains syndicaux les plus importants ont été réalisés au cours des dernières années. Pour prendre un exemple récent, la CSQ vient d’obtenir pour les enseignantes des commissions scolaires un redressement salarial de 256 millions $ qui s’ajoute à un montant de 110 $ millions lors de la dernière négociation du Front commun.

Et d’autres sommes s’ajouteront suite aux négociations en cours sur la relativité salariale. Les gains sont impressionnants. Par exemple, une enseignante de 14 années de scolarité passera de 39 555 $ qu’il était en 1995-1996 à un maximum de 63 000 $ à compter de 2005-2006.

Le mouvement des femmes a éclipsé la gauche traditionnelle

Il n’y a pas qu’au plan syndical que la présence des femmes s’est fait sentir au cours des dernières décennies. Au plan socio-politique, le mouvement des femmes a occupé la plus grande partie de l’échiquier avec la marche « Du pain et des roses », suivie en l’an 2000 de la Marche mondiale des femmes.

Cela ne s’est pas encore traduit sur le plan de la politique partisane, mais il aurait suffi que Françoise David annonce, au terme de la Marche mondiale des femmes, qu’elle lançait un nouveau parti politique féministe pour que la donne politique québécoise s’en trouve bouleversée. Si cela s’était produit, on ne parlerait sans doute pas autant de Mario Dumont aujourd’hui.

La gauche syndicale et politique traditionnelle – dont Marc Laviolette est issu – a connu son heure de gloire dans les années 1960 et 1970. Au cours des années 1980 et 1990, elle a été progressivement éclipsée par le mouvement des femmes. Alors, à la lumière de ces grandes tendances, nous ne devrions pas nous étonner que «des femmes aient voté pour une femme » et fait élire Claudette Carbonneau à la présidence de la CSN.