Le sport de Duplessis

 


Livre



N’en déplaise à son neveu Jacques Godbout, il est trop beau de croire qu’en accordant le droit de vote aux femmes et qu’en rendant l’instruction obligatoire, le libéral Adélard Godbout se montrait l’héritier du progressisme de Papineau et l’annonciateur de la Révolution tranquille. Ce premier ministre ne faisait que suivre les Anglais sans avoir une réelle vision de l’avenir. En ébauchant timidement la nationalisation de l’électricité, Godbout ne devançait pas Lévesque, il agissait en pur politicien pour avoir l’air de couper l’herbe sous le pied de Duplessis.

La politique était un sport, un sport pas très propre. Maurice Duplessis en était le champion incontesté. Voilà pourquoi on le blâme plus que les autres.

La lutte de Duplessis pour l’autonomie provinciale et la création par son gouvernement de l’impôt québécois sur le revenu des particuliers passent objectivement pour de grandes choses, et elles le sont comme l’étaient les initiatives de Godbout. Elles sont mêmes plus courageuses que les prouesses libérales. Mais subjectivement, c’est une autre paire de manches. La subjectivité déterminait la politique du Cheuf. Ce qui intéressait Duplessis, c’était moins le Québec que le pouvoir de Duplessis. Gagner et gagner encore ! Pourquoi ? Pour rien. Gagner pour gagner. Comme son idole Joe DiMaggio des Yankees de New York. Payer une partie du tombeau du frère André, fumer le cigare avec les capitalistes anglo-saxons, hisser le fleurdelisé à la place de l’Union Jack. Ça, c’est du sport !

Maurice Duplessis, Marguerite Paulin, XYZ, 2002