La gauche hésite

 


Action politique



Les passions, les espoirs, et leurs corollaires, les tensions et le pessimisme, étaient au rendez-vous que s’était donné la gauche politique, les 20 et 21 septembre, à l’Uqam. Le colloque, intitulé « Les mouvements sociaux et l’action politique de Gauche au Québec », organisé par la Chaire d’études socio-économiques de l’Uqam, avait pour but la définition d’une ligne d’action politique répondant aux nouvelles préoccupations de la société civile.

Comme le rappelait Arthur Sandborn, président du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, aucun des trois principaux partis politiques québécois ne se positionne sur des questions fondamentales et d’importance historique comme la mondialisation, la Palestine ou la guerre contre l’Irak.

D’autre part, si la dialectique libéraux–péquistes a sclérosé le débat politique, le succès surprise de la candidature de Paul Cliche dans Mercier, mais aussi, malheureusement, la montée aberrante de Dumont, expriment clairement le désir collectif d’une nouvelle voie.

Françoise David n’y croit pas

Après que Sandborn eut insisté sur la nécessité pour la gauche d’investir énergiquement la prochaine campagne électorale, Françoise David, pour sa part, mit l’emphase sur la réflexion éthique qui s’impose avant toute action politique.

Sa pensée s’articule autour de deux questions 0 quoi faire pour unifier et développer les forces progressistes ? et comment agir dans le contexte d’une déroute du PQ et d’une montée de l’ADQ ?

D’entrée de jeu, Françoise affirme ne pas croire en une action électorale de la gauche d’ici six mois. Des réflexions s’imposent, poursuit-elle devant son auditoire de quelque 350 personnes, et la classe moyenne connaît encore trop peu les idées progressistes qui font contre-pied à la mondialisation néolibérale.

Elle se lance ensuite sur les paradoxes qui sous-tendent les débats 0 « Les gens veulent une chose et son contraire 0 payer moins d’impôts mais avoir plus de services publics. Aussi, il y a des contradictions qui animent la gauche qui, à son tour, doit avouer qu’elle n’a pas toutes les réponses. »

Sur ces questions, elle souligne la nécessité d’une campagne d’éducation populaire s’articulant autour du modèle de société désiré, à savoir individualiste ou solidaire. En concluant, elle soulignait que la gauche devra être plurielle au niveau éthique et politique, mais unie dans l’action pour le bien commun.

Jean-Marc Piotte le déplore

Un peu avant, Jean-Marc Piotte, professeur au département des sciences politiques de l’Uqam, faisait un survol et une réflexion sur les différentes expériences de la gauche depuis les années soixante.

Efficace et franchement drôle, son exposé retraçait la genèse et l’apocalypse du mouvement socialiste québécois des 1960–1970, épinglant au passage l’engagement de Pierre-Karl Péladeau dans le mouvement En lutte ! « Voilà quelqu’un qui a su appliquer la leçon de la lutte des classes », a-t-il lancé à un auditoire plié en deux.

À cette déconfiture de la gauche, il reconnaît plusieurs raisons dont l’échec des pays socialistes et l’absence de bons modèles ; et là, on ne parle pas de Tony Blair. Aussi, il est important, dit-il, de mettre les efforts sur ce qui unit la gauche plutôt que sur ce qui la divise.

Quant à la récente montée de la droite, il compare l’ADQ à l’Union nationale et à Margaret Thatcher, et souligne que ce parti n’a aucune expérience en politique.

Côté solutions, Piotte voit d’un bon œil les forces en place que représentent les jeunes et le mouvement antimondialisation.

D’un œil plus critique, il déplore le fait que le mouvement ne s’occupe pas assez d’élection et qu’il écarte la nécessité d’un leader.

Enfin, il a conclu sur l’interrogation que suscite la question nationale 0 comment pourra-t-elle unir la diversité ethnolinguistique qui caractérise le Québec ?

Après avoir suivi différents ateliers thématiques, le public a participé à un débat en plénière qui clôturait le colloque. Gaétan Breton, François Saillant, Amir Khadir et quelques autres personnalités étaient sur la scène pour répondre aux nombreuses interventions.

Bien animé autour des possibilités qu’offre l’UFP et des menaces que représente l’ADQ, le débat n’a malheureusement pas dégagé de consensus. S’il est nécessaire d’agir rapidement, la façon de faire reste à définir. Dans ce grand brassage d’idées, plusieurs thèses se sont affrontées 0 la poussière va retomber, une synthèse devrait émerger.