Les « bons » présidents ont étudié aux États-Unis

 


Amérique latine



Si les postes de présidents latino-américains paraissaient aujourd’hui dans la section « Carrières et professions » de nos journaux, voici ce qu’on pourrait y lire 0 « Sous l’autorité du supérieur immédiat, le candidat doit avoir complété des études universitaires en économie, en gestion ou en droit. Une telle formation suivie aux États-Unis serait un atout majeur. » L’aut’journal a examiné les CV des meilleurs employés de George W. Bush.

Gonzalo Sánchez de Lozada 0 Bolivie

L’un des hommes les plus riches du pays, il possède la compagnie minière Comsur. Éducation toute étatsunienne, du secondaire (Iowa) à l’université où il est diplômé en philosophie et en littérature (Université de Chicago, Illinois). On dit de lui qu’il parle mieux l’anglais que l’espagnol.

Membre et président de nombreuses organisations patronales à vocation interaméricaine, il a pratiqué son américanisme, à la fin des années 1980, en tant qu’auteur intellectuel du féroce plan d’ajustement structurel du FMI connu par les appellations « nouvelle politique économique » et « décret 21060 ».

À coup d’états d’urgence, il a littéralement vendu le pays aux étrangers lors de son premier mandat (1993–1997) en privatisant électricité, chemins de fer, hydrocarbures, sidérurgie, télécommunications et transport aérien.

Ricardo Lagos 0 Chili

Il a fait toutes ses études supérieures (maîtrise et doctorat) en économie à l’Université Duke (Caroline du Nord). Membre du Parti socialiste de Salvador Allende, il s’enfuit en Argentine puis aux États-Unis pendant la dictature du général Pinochet.

L’économiste « socialiste » revient rénover le parti d’Allende en 1982 en créant une alliance de partis « non extrémistes » opposés à la dictature. En 2000, le soir de son élection, il refroidit ses partisans qui exigent que Pinochet soit jugé en répondant qu’il serait le « président de tous les Chiliens ». De plus, le Chili ne s’embarque pas dans le Mercosur, préférant attendre la Zlea.

Vicente Fox 0 Mexique

Il étudie la gestion d’entreprise au Mexique puis, en 1978, obtient son diplôme de « haute administration » à l’Université Harvard (Massachusetts). Il est longtemps administrateur, puis PDG (1975-1979) chez Coca-Cola, section Mexique et Amérique centrale.

Élu en 2001, l’ex-vice-président de la Chambre de commerce mexicano-étatsuniennes ne fait quasiment aucune différence entre la gestion d’un pays et d’une compagnie.

Rafael Hipólito Mejíam 0 République Dominicaine

Étudie les « procédés industriels relatifs au tabac » en Caroline du Nord et applique son savoir dans toutes les Caraïbes en représentant la firme étatsunienne de fertilisants agricoles Rohm & Haas et en présidant l’Institut national du tabac de son pays.

Opposé au dictateur Joaquin Balaguer, le président propriétaire d’entreprises de produits agrochimiques entend poursuivre les politiques pro-marché et faciliter les investissements étatsuniens dans son pays.

Alejandro Toledo 0 Pérou

Fil de paysans et pêcheurs pauvres, cet indien quechua gagna une bourse pour étudier l’économie aux États-Unis en 1966 et il ne s’arrêtera plus. Dix ans plus tard, il est docteur en « économie des ressources humaines » de l’Université Stanford (Californie) et entame une carrière d’économiste et de fonctionnaire international (Onu, Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement, Agence américaine d’aide au développement, OCDE, Fondation Ford, Université Harvard, etc.).

Il prodigue ses « conseils économiques » à beaucoup de pays latino-étatsuniennes. En 2000, fort de ses contacts étatsuniens et internationaux, il ne craint pas d’appeler l’armée péruvienne à lâcher Alberto Fujimori et à lui permettre d’imposer à son pays le virage de la « modernité » économiste.

Enrique Bolaños 0 Nicaragua

Fils de grand patron agro-industriel, il est à la tête de Bolaños Saimsa, le plus grand groupe d’entreprises nicaraguayen. Diplômé en ingénierie de l’Université de Saint-Louis (Missouri) et en « haute administration » de l’Institut centraméricain d’administration des entreprises.

Durant le régime sandiniste de Daniel Ortega, il organise le patronat contre la révolution au niveau tant national qu’international. Il fonde son propre parti en 1990 parce qu’il trouve que l’Union nationale d’opposition de Violeta Chamorro n’est pas assez dure.

Plus de 500 chefs d’entreprises en provenance de 28 pays assistent à son investiture présidentielle en 2001, dans le deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine.

Ricardo Maduro 0 Honduras

Après des études secondaires en Pennsylvanie, il obtient une licence en économie et un post-doctorat en génie industriel de l’Université Stanford (Californie). L’ex-PDG de la filiale hondurienne de Xerox, se monte un empire familial dans les années 1980.

Avant son élection (2001), il avait appliqué son savoir étatsunien comme président de la Banque centrale et coordonnateur du cabinet économique de son pays en parrainant les mesures néolibérales du FMI.

Álvaro Uribe 0 Colombie

Fils d’un grand propriétaire terrien, diplômé en sciences politiques et en droit, l’ex-sénateur a mis du temps à aller étudier aux États-Unis. Mais en 1993, il obtient deux diplômes de l’Université Harvard (Massachussets) 0 « spécialisation et gestion » (destiné à former des PDG d’entreprises) et « négociations de conflits ».

L’année suivante, il devient gouverneur de la province d’Antioquia et l’université étatsunienne parraine son programme de « coopératives de sécurité privée » baptisé « Convivir » par lequel il arme 82 000 citoyens volontaires entre 1995 et 1997. Plusieurs de ces volontaires iront ensuite grossir les rangs des paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie jusqu’à leur conférer une dimension nationale.

Élu en 2002, celui qui se dit « démocrate avec le sens de l’autorité » et « capitaliste à vocation sociale » veut maintenant armer un million de citoyens qu’il qualifie à l’avance de « casques bleus à la colombienne ».

Francisco Flores Pérez 0 EL Salvador

Diplômé en sciences politiques du collège Amherst ( Massachussets), il complète des études de philosophie aux université Harvard et Oxford (Angleterre). « Colombe » dans l’Alliance républicaine nationale fondée par Roberto d’Aubuisson pour combattre férocement la guérilla du Front Farabundo Martí de libération nationale, il est l’architecte du plan de paix négocié en 1992.

La « respectabilité » qu’il apporte à cet autre parti des escadrons de la mort lui permettra d’être élu président en 1999. Il annoncera aussitôt la dollarisation totale de l’économie que la gauche salvadorienne qualifie « d’expérience des milieux financiers étatsuniens » avec le Salvador comme rat de laboratoire.

Les moins bons ont étudié dans leur propre pays

Fidel Castro (Cuba), Hugo Chávez (Venezuela) et Luís Inacío Lula da Silva (Brésil) sont sans doute les trois « pires » présidents latino-américains aux yeux des États-Unis. Comme par hasard, ils n’ont jamais étudié aux États-Unis. Castro est diplômé en droit de l’Université de La Havane tandis que Chávez est diplômé de l’Académie militaire du Venezuela (génie, puis communications et électronique) et de l’Université Simon Bólívar à Caracas (sciences politiques).

Quant à Lula, fils de paysan pauvre du Nord du Brésil, il a vécu son enfance à São Paolo et a dû interrompre ses études à l’âge de douze ans pour travailler. Après avoir livré de la buanderie, il a travaillé dans un magasin général et dans une manufacture de boulons, puis s’est inscrit dans une école de métiers de l’État de São Paolo pour y apprendre la métallurgie.