Non à la polygamie !

 

Dans le journal Le Devoir du 15 octobre, Jean-Claude Leclerc faisait état de la problématique de la polygamie au Canada. Eh oui, il y a des polygames au Canada; pas des courailleux ou des infidèles, mais de vrais polygames. Officiellement, la polygamie est pourtant illégale ici. Mais le Globe and Mail a récemment révélé que s’est installée à Bountiful, une bourgade de Colombie-Britannique, une communauté apparentée aux Mormons américains. À la suite d’un imbroglio administratif à l’immigration, on y retrouve un homme avec ses trois épouses. Et plusieurs demandes pour reconnaître d’autres unions polygames.

C’est un exemple classique des débats de société de cette merveilleuse époque de charte des droits et libertés que nous vivons. Aux moins deux droits s’opposent ici0 le droit à la liberté religieuse et l’égalité des hommes et des femmes. En plus, comme si ce n’était pas assez complexe comme ça, il y a les valeurs et les normes culturelles des Canadiens dont doivent tenir compte les législateurs.

C’est d’ailleurs selon ces normes qu’Ottawa refuse toujours de reconnaître le mariage homosexuel. Advenant qu’on accepte les unions polygames existantes au Canada, c’est sûr que les gais vont être très fâchés. Moi, je leur conseillerais de se partir une religion, ça a l’air de marcher...

Un triplex amoureux

Mais même s’il est de mon devoir de chroniqueux d’au moins faire semblant d’avoir une opinion sur tout, j’avoue que je ne sais trop quoi penser du mariage homosexuel. J’ai même toujours rêvé de me trouver deux charmantes complices pour former un beau petit triplex amoureux et réclamer ensemble que les gouvernements reconnaissent notre union pour voir le bordel que ça ferait... OK, c’est pas SEULEMENT pour voir le bordel que ça ferait. N’empêche...

Les gais m’accuseraient de vouloir ridiculiser leur cause, les féministes y verraient une démonstration flagrante d’iniquité entre hommes et femmes, les évêques dénonceraient cette décadence affichée et ce mépris du caractère sacré de l’union de deux âmes (je leur rétorquerais que notre Dieu est bien une trinité et qu’il nous a créés à son image...), les gars seraient tous jaloux, mais ne pourraient pas le dire à leur blonde. Et, moi et mes deux femmes, au coeur de ce tumulte, envers et contre tous, nous serions heureux, la plénitude de notre amour comblant amplement notre vide juridique...

Mais bon, merde, je me suis fait scooper par un mormon.

Conserver les marges

J’appuie la démarche des homosexuels parce qu’ils ont l’air d’y tenir et que je ne vois pas en quoi ça pourrait me déranger mais, vraiment, je ne sais pas si c’est une si grande avancée pour l’humanité. Il me semble qu’une société a besoin de marges et que c’est précisément dans le traitement qu’on réserve à ceux qui vivent dans la marge qu’on mesure la seule ouverture qui compte vraiment, celle des gens ordinaires qui côtoient les marginaux. Et puis, souvent, il y a plus de fun dans la marge...

Mais peut-être qu’il faut d’abord une reconnaissance juridique pour que les marginaux sortent de la peur et que les gens autour s’habituent. Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que le droit à la liberté religieuse commence à en mener large. Je ne pensais jamais défendre l’intégrité de la GRC, mais il me semble que des Polices montées avec des turbans, ça fait dur. Et des voiles dans les cours d’éducation physique aussi. Et qu’on n’ait pas le droit de se promener en bédaine dans certains parcs d’Outremont à cause des pressions de la communauté juive n’a pas de sens non plus. Sous une apparence de société tolérante, tout ça finit par faire en sorte que chaque communauté reste dans son coin avec ses petits droits spéciaux. À long terme, ça mène inévitablement aux ghettos et aux tensions.

On ne peut pas toujours continuer de refuser de se définir comme société. Sinon, d’autres le feront pour nous. Et ça risque fort d’être des groupes religieux puisqu’ils sont les seuls à vouloir baliser et qu’ils n’y vont pas de main morte. Commençons donc par refuser le mariage polygame du néo-mormon de Colombie-Britannique. Un homme avec deux femmes, c’est inacceptable !

Texte lu à l’émission Samedi et rien d’autre, 1ère chaîne de Radio-Canada, le 26 octobre 2002.