Thomas Kean, le nouveau président de la Commission d’enquête sur le 11 septembre, a eu des liens d’affaires avec le beau-frère d’Oussama ben Laden

On pourrait penser que le fait d’avoir des liens commerciaux avec le beau-frère et présumé bailleur de fonds de l’« Ennemi numéro un » constitue un véritable « conflit d’intérêts », surtout pour qui a le mandat, dans le cadre des travaux de la Commission d’enquête sur le 11 septembre, d’enquêter sur l’« Ennemi numéro un ».

Peu de gens savent que le partenaire d’Unocal dans le consortium CentGas touchant le pipeline transafghan, la pétrolière saoudienne Delta Oil, appartient aux clans ben Mahfouz et Al-Amoudi qui seraient liés à Oussama ben Laden d’al-Qaïda.

D’après le témoignage rendu en 1998 au Sénat par l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey, la jeune soeur du puissant homme d’affaires Khalid ben Mahfouz est mariée à Oussama ben Laden.

Ben Mahfouz est soupçonné d’avoir canalisé des millions de dollars vers le réseau al-Qaïda. Par « pure coïncidence », voici que l’ancien gouverneur du New Jersey, Thomas Kean, l’homme que le président Bush a choisi pour diriger la Commission d’enquête sur le 11 septembre, a lui aussi des liens d’affaires avec ben Mahfouz et Al-Amoudi.

Thomas Kean est directeur (et actionnaire) d’Amerada Hess Corporation qui participe à la coentreprise Delta-Hess avec Delta Oil d’Arabie saoudite, laquelle appartient aux clans ben Mahfouz et Al-Amoudi. Delta-Hess a été créée en 1998 pour la mise en valeur et la prospection de champs pétrolifères dans la région de la mer Caspienne. En Azerbaïdjan, Delta-Hess a une participation de 2,72 % dans la société Azeri-Chirag-Gunashli et une autre de 20 % dans la société Garabaghki-Hursangi. Elle détient aussi des actions dans le pipeline Bakou-Tbilisi-Ceyhan (BTC).

Selon Energy Compass du 15 novembre 2002, « une aura de mystère entoure Delta-Hess, enregistrée aux îles Caïmans. Hess n’est pas pressée de révéler les conditions de l’alliance car elles revêtent, affirme-t-elle, un caractère confidentiel. Un porte-parole de la société estime que rien ne l’oblige à rendre ces conditions publiques. »

Par pur hasard, l’ancien gouverneur du New Jersey fait en outre partie du Conseil des relations étrangères avec un autre membre en vue du conseil d’administration d’Amerada Hess, l’ancien secrétaire au Trésor Nicholas Brady. Autrement dit, la saoudienne Delta Oil, l’un des pôles de l’alliance Delta-Hess, est contrôlée en partie par Khalid ben Mafhouz, beau-frère de ben Laden.

Et non seulement l’ex-gouverneur Thomas Kean siège au conseil d’administration d’une compagnie qui fait affaire avec Khalid ben Mahfouz, mais il dirige la Commission d’enquête sur le 11 septembre qui est chargée d’enquêter sur le beau-frère de Khalid, Oussama ben Laden.

Henry Kissinger était en conflit d’intérêts et il a démissionné ! Le vice-président de la Commission, l’ancien sénateur George Mitchell du Maine, a démissionné lui aussi pour la même raison.

On pourrait penser que le fait d’avoir des liens commerciaux avec le beau-frère et présumé bailleur de fonds de l’« Ennemi numéro un » constitue un véritable « conflit d’intérêts », surtout pour qui a le mandat, dans le cadre des travaux de la Commission d’enquête sur le 11 septembre, d’enquêter sur l’« Ennemi numéro un ».

Et les médias inféodés à la grande entreprise d’applaudir. Sans mentionner ses liens d’affaires saoudiens, ils font l’éloge de Thomas Kean, « un homme d’une probité exceptionnelle et d’une grande force intellectuelle ». Pour le Baltimore Sun, « rien ne prouve qu’il soit en conflit d’intérêts » (26 décembre 2002). De quelles autres preuves aurait-on encore besoin !

Signalons de plus que Thomas Kean est coprésident du Projet de sécurité intérieure (Homeland Security Project) sous les auspices de la Fondation Century. À ce titre, Kean a joué un rôle essentiel dans la mise au point des recommandations de la fondation, lesquelles ont inspiré la loi américaine créant le Bureau de la sécurité intérieure.

La connexion saoudienne

Thomas Kean, décrit comme un « républicain modéré », n’est pas le seul à entretenir des liens d’affaires avec des Saoudiens. Nombre de documents montrent que d’autres personnalités du Parti républicain, y compris la famille Bush, ont transigé avec des membres de la famille ben Laden. (Voir le dossier du Centre de recherche sur la mondialisation au sujet des tractations financières de George W. Bush.)

Il semble en outre que les responsables de Delta (membre du consortium d’Unocal touchant le pipeline transafghan) aient joué un rôle crucial lors des négociations avec les Talibans. Par ailleurs, Enron, la géante énergétique de fâcheuse mémoire et dont l’ex-PDG, Ken Lay, était un proche de la famille Bush, avait conclu un marché intéressant en vue d’entreprendre une étude de faisabilité pour le compte du consortium Unocal-Delta. Enron Corporation s’était également vu confier, de concert avec Delta, le soin de négocier avec le gouvernement taliban le projet de pipeline.

Un dossier solidement monté par Wayne Madsen montre que George W. Bush a aussi transigé avec le beau-frère d’Oussama, Khalid ben Mafhouz, lorsqu’il était dans le commerce du pétrole au Texas. George W. Bush et Khalid ben Mahfouz ont tous deux été impliqués dans le scandale de la Bank of Commerce and Credit International (BCCI):

« Des observateurs établissent d’autres liens entre Bush et Mahfouz dans le cadre d’investissements dans le groupe Carlyle, une société de placement américaine gérée par un conseil d’administration dont l’ex-président George Bush a déjà fait partie. Bush fils [George W.] a détenu des actions dans une filiale du groupe Carlyle, la compagnie Caterair, entre 1990 et 1994. Et Carlyle figure parmi les principaux bailleurs de fonds de la campagne électorale de Bush. Au conseil d’administration de Carlyle se trouve Sami Baarma, directeur de l’institution financière pakistanaise Prime Commercial Bank dont le siège social est à Lahore et qui appartient à Mahfouz. » (Voir Maggie Mulvihill, Jonathan Wells et Jack Meyers: « Slick deals; the White House connection; Saudi ’agents’ close Bush Friends », Boston Herald, 11 décembre 2001.)

Dans la foulée du 11 septembre

Khalid ben Mahfouz a été prudemment exclu (« pure coïncidence » encore) de l’enquête menée par le Trésor américain dans la foulée du 11 septembre et qui a débouché sur le gel des avoirs financiers de quelque 150 entreprises, organismes de charité et individus d’Arabie saoudite soupçonnés de financer le terrorisme. D’après Scotland on Sunday, l’enquête a révélé qu’un organisme « de charité » saoudien, Blessed Relief, aurait servi de paravent pour financer Oussama ben Laden:

« Des hommes d’affaires saoudiens auraient transféré des millions de dollars à ben Laden par l’entremise de cet organisme. L’un des magnats saoudiens ainsi soupçonné est justement Khalid ben Mahfouz, propriétaire de la National Commercial Bank avec laquelle la famille royale saoudienne fait affaire. Les autorités américaines et britanniques ont également enquêté sur Mohammed Hussein Al-Amoudi, autre milliardaire saoudien qui aurait pu avoir des liens financiers avec ben Laden. Al-Amoudi, qui contrôle un vaste réseau de compagnies engagées dans la construction, les mines, les banques et le pétrole, a nié à son tour toute relation avec ben Laden. Ses avocats de Washington ont déclaré qu’il était définitivement opposé au terrorisme et qu’il n’était au courant d’aucun transfert d’argent à ben Laden par des entreprises saoudiennes. »

Toujours selon cette source d’information, « Al-Amoudi et ben Mahfouz ont tous deux été épargnés par le département du Trésor américain. Il n’existe aucune preuve contre eux ni, encore, contre le gouvernement lui-même. Mais l’attention braquée sur l’Arabie saoudite depuis le 11 septembre a suscité des questions fondamentales concernant ses dirigeants. » (Scotland on Sunday, 11 août 2002)

La poursuite des familles des victimes du 11 septembre

Une dépêche nous apprend que Thomas Kean – au contraire d’Henry Kissinger – a été choisi pour diriger la Commission d’enquête sur le 11 septembre en raison de « ses bons rapports avec les familles des victimes du 11 septembre, élément important pour la Maison-Blanche qui faisait l’objet de critiques de plus en plus vives de la part de ces familles ». (Scripps Howard News Service, 17 décembre 2002)

Mais l’ironie du sort veut que la poursuite d’un billion de dollars entamée en août dernier par les familles des victimes des attentats du 11 septembre cite deux partenaires commerciaux de Thomas Kean dans la coentreprise Delta-Hess parmi les accusés, soit Khalid ben Mahfouz (beau-frère d’Oussama ben Laden) et Mohammed Hussein Al-Amoudi. Les deux sont étiquetés dans la poursuite en tant que présumés « financiers » d’al-Qaïda. Que va donc en faire Thomas Kean dans le contexte de la Commission d’enquête ?

Le mystère entourant le bombardement des ambassades en 1998

Le témoignage de l’ex-directeur de la CIA, James Woolsey, confirme que la société pharmaceutique soudanaise qui a été bombardée en 1998 sur ordre du président Clinton appartenait à Salah Idris, associé commercial et protégé de Khalid ben Mahfouz. Il s’agissait de représailles pour le bombardement de deux ambassades des États-Unis en Afrique, attribué à al-Qaïda.

Le conglomérat Mahfouz, propriétaire de la plus grande banque d’Arabie saoudite, la National Commercial Bank, s’apprêtait à injecter de l’argent dans le projet du pipeline transafghan. (Pour plus de détails voir le chapitre VI de Guerre et mondialisation par Michel Chossudovsky.) Delta-Hess était aussi en 1998 sur le point de se lancer dans la prospection et la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières du bassin de la mer Caspienne.

On se demande bien pourquoi l’administration Clinton aurait ordonné de bombarder une usine qui était dirigée par un partenaire commercial d’Unocal et d’Amerada-Hess !

[Traduction l’aut’journal]