Ça s'en vient, « mes p'tites madames », votre équité

Dans le dossier des CPE, la commission tergiverse depuis 1996

Plusieurs événements ont chambardé le dossier de l'équité salariale durant le mois de janvier. Le 7 janvier, la Commission sur l'équité salariale déclare que 164 caisses populaires Desjardins ne respectent pas les normes de la Loi sur l'équité salariale et les somme de s'y conformer.

Le 9 janvier, une décision de la Cour supérieure invalide les programmes d'équité salariale adoptés avant 1996, dont ceux de Desjardins, car ils ne respectaient pas les droits prévus par la loi sur l'équité salariale. Une décision historique pour 500 000 femmes.

Le 16 janvier, 6 500 techniciennes en garderies des CPE (Centre de la petite enfance) descendent dans la rue pour réclamer l'application de l'équité. La même journée, elles votent la possibilité de faire cinq autres jours de grève. Ah ! Si janvier pouvait faire l'année !

Dans le dossier des CPE, l'équité salariale s'y applique différemment de la plupart des autres secteurs. Ce sont des emplois à prédominance féminine, c'est-à-dire sans comparateur masculin. La loi spécifie que l'équité salariale entre en vigueur deux ans après que la Commission aura convenu d'un règlement. Ce qui explique le peu d'empressement du gouvernement libéral. Jean Charest leur dit en quelque sorte: « Mes p'tites madames, vous allez poireauter ! »

« C'est une situation absurde », nous explique Judith Carole, spécialiste des questions sur l'équité salariale dans le secteur public à la CSN. Pour les CPE, un secteur exclusivement féminin, « la Commission sur l'équité salariale a le mandat de réglementer pour que l'employeur, c'est-à-dire le gouvernement, mette en place l'équité ». La Commission n'a rien fait.

« Dans l'esprit du législateur, précise Judith Carole, le règlement aurait dû intervenir en 1996, 1997 ou 1998. Deux ans devaient suffire pour appliquer les ajustements salariaux, qui plus est dans un milieu exclusivement féminin ! ». Les travailleuses en CPE sont victimes du laxisme de la Commission.

Si un règlement était adopté en 2004, l'application de l'équité pour les travailleuses en CPE pourrait ne survenir qu'en 2006 ! « Nous ne voulons pas d'un régime à deux vitesses, d'expliquer Judith. Que le gouvernement s'engage à payer les ajustements salariaux rétroactivement au 21 novembre 2001 à la même date que pour les autres femmes du Québec. »

D'autres travailleuses se trouvent dans la même situation. Selon Judith Carole, « certaines entreprises de plus de 10 salariées dans les secteurs du textile, de la coiffure ou des maisons d'hébergement sont en attente et les employeurs n'ont aucune obligation salariale envers ces femmes ».

Revenons sur le jugement de la juge Carole Julien de la Cour supérieure qui a sommé le gouvernement de modifier le chapitre 9 de la Loi sur l'équité salariale. Déclarée inconstitutionnelle, la clause permettait carrément aux employeurs ayant adopté un programme d'équité avant novembre 1996 d'escamoter les obligations de la Loi sur l'équité salariale.

La juge Julien affirme qu'un « effort d'honnêteté serait nécessaire » de la part du gouvernement, car le chapitre 9 entraîne une équité salariale « à rabais ». Bref, tous les programmes mis en place avant 1996 sont invalides. Les 120 employeurs devront donc se conformer au régime général de l'équité salariale.

Plusieurs employeurs très connus se sont prévalus de cette clause échappatoire, dont le gouvernement du Québec dans les secteurs public et parapublic – 350 000 femmes touchées –, le Mouvement Desjardins, la plupart des universités, de grosses compagnies d'assurances comme La Capitale et des entreprises comme Provigo.

La décision de la juge Julien met toutes les salariées sur un pied d'égalité. Le jugement stipule que le chapitre 9 rend la Loi de l'équité salariale incohérente « puisqu'il dilue le droit qu'elle devait protéger » et « maintient l'écart salarial entre les hommes en emploi et les femmes visées par ces programmes ».

La juge Julien dans son rapport ne ménage pas la Commission sur l'équité salariale qu'elle accuse d'avoir approuvé unilatéralement des programmes en supposant qu'ils seraient conformes à la Loi. Avant 1996, plusieurs syndicats se sont fait imposer par la Commission les programmes des employeurs. Le jugement stipule que les travailleuses ont été « écartés odieusement du processus qui les concerne », car la Commission ne leur accordait aucun recours.

« Malheureusement, reconnaît Judith Carole, il y a fort à parier que le gouvernement, qui est à la fois législateur et employeur, ira en appel. »