Un scrutin truqué en Floride

Le livre noir de la censure

Le journaliste américain Greg Palast, collaborateur aux quotidiens londoniens The Guardian et The Observer, et reporter pour Newsnight, le magazine politique de la BBC, a effectué une enquête sur l'élection présidentielle américaine de novembre 2000 qui l'a forcé à quitter la Californie pour trouver refuge à Londres, où il a sollicité « l'asile éditorial ».

Au cours des mois précédant l'élection présidentielle, le gouverneur de l'État de Floride et frère cadet de l'actuel président américain, Jeb Bush, et sa secrétaire d'État, Katherine Harris, ont ordonné à la commission électorale locale de rayer de ses listes cinquante-huit mille électeurs, sous prétexte qu'il s'agissait de repris de justice qui avaient été déchus de leur droit de vote. Parmi ces électeurs rayés des listes, qui ont coûté à Al Gore la présidence des États-Unis, 54 % étaient Afro-américains, et les autres, pour la plupart, des sympathisants démocrates, blancs ou hispaniques. Ces révélations ont fait la une du plus grand quotidien et de la principale chaîne de télévision… britanniques. Aux États-Unis, elles sont passées complètement inaperçues.

Alors que Palast s'évertue à rendre publique l'affaire du scrutin truqué en Floride, il se heurte à une multinationale ayant des intérêts auprès de la famille Bush, la Barrick Gold, qui décide d'utiliser la législation britannique pour le faire taire.

Pourtant, à sa grande satisfaction, le rédacteur en chef du Guardian refuse de signer la rétraction demandée par les avocats de la multinationale. Enfin, en mai 2001, la Commission américaine des droits civils rend public son rapport sur les résultats du scrutin dans l'État de Floride. Ses conclusions sur l'éviction abusive de plusieurs milliers d'électeurs s'appuient largement sur les révélations de la BBC. Un mois plus tard, le Washington Post publie à la une l'article de Palast sur le nettoyage des listes électorales. Sept mois après le recomptage des bulletins.