Quelques scandales

L’aparté

Cette semaine dans le Hour, le chroniqueur Martin Patriquin se désole de ce qui vient de se passer au cours des dernières semaines pour redonner vie au mouvement indépendantiste. Il cite trois raisons apparentes selon lui : les affirmations racistes de Don Cherry, les blagues anti-francophones du chien en caoutchouc de l’émission de Conan O’Brien, et le scandale des commandites.

C’est bien nos Anglos, ça, incapables de croire que l’indépendance du Québec puisse être motivée par de vraies raisons valables. Pourtant, il affirme que Montréal est la meilleure place au monde où vivre et que c’est en grande partie parce que la culture francophone du Québec lui permet de résister à la drabe et plate culture anglo du reste du Canada et des États-Unis.

Mais de là à vouloir l’indépendance lui aussi, ah non, là, il ne faudrait pas charrier... Comme si les Québécois francophones étaient décoratifs mais incapables de s’administrer eux-mêmes... Enfin, passons. Il a raison sur un point, les événements qu’il cite ont effectivement fait couler beaucoup d’encre et fait vibrer beaucoup d’ondes radiophoniques de lignes ouvertes ces dernières semaines.

D’abord le cas Cherry, que Patriquin compare à un clown. C’est vrai qu’il en a le visage et l’accoutrement. Et ses propos sont stupides et risibles. Si ce n’est d’un point de vue racial, ils le sont déjà au plan hockey et au plan sécuritaire. Cherry trouve les joueurs européens et québécois de la ligue nationale fifs de porter la visière en plus grande proportion. Il apprécie un hockey de « grinders », de toffes qui n’ont pas peur de se battre et qui jouent du coude. C’est son droit. Si Cherry était un personnage de This Hour Has 22 Minutes, il pourrait même aller beaucoup plus loin et on aurait rien à redire.

Sauf que voilà un clown payé par nos taxes et représentant le Canada dans une émission nationale de hockey. C’est là que c’est gênant. CBC est censée servir l’unité canadienne, que diable, et ce n’est pas avec des commentaires pareils qu’on soudera les deux solitudes en une communion totale !

Le problème, c’est qu’il n’a rien d’autre à dire. Il revient toujours à ça. S’il a toujours sa job malgré tout, c’est que ce qu’il dit doit faire plaisir à quelqu’un. Il est donc représentatif. Je tiens donc à ce que Don Cherry continue de rester en ondes et qu’il ait toute la liberté voulue, de façon à ce qu’on n’oublie jamais que ça fait plaisir à bien du monde au Canada anglais de voir les Québécois traités de fifs et de scumbags. Occulter cette réalité ne servirait à rien.

Maintenant, le roi de l’insulte, le chien fumeur de cigare de Conan. J’aime bien l’émission de Conan O’Brien et je connaissais déjà ce chien mal engueulé. Ce n’était pas mon segment préféré de l’émission, je trouvais ça facile et un peu trop gras. Mais ce qui finit par faire rire dans l’exercice, c’est justement cette liberté débridée, cette urgence d’aller drette dans le tabou. Il y a toute une catégorie d’humour comme ça, des blagues sur les handicapés, les malades, les victimes de famine, les nains, les asiatiques, les noirs. Ce qui déclenche le rire, c’est précisément l’étonnement devant l’ampleur de la transgression, la grosseur du cliché. On ne rit pas tant de la blague elle-même que de son aspect épouvantable.

Se crinquer contre ce chien en rubber est ridicule. Comme c’était ridicule de se crinquer contre les propos de Howard Stern il y a quelques années. Car voilà des clowns dûment présentés comme tels qui font l’exercice de leur liberté d’expression. Il faudrait faire attention à ne pas se fabriquer une réputation de susceptibilité exagérée. C’est pire que de passer pour des fifs.

Quant au scandale des commandites, alors là, oui, il y a de quoi nourrir le séparatisme. Surtout que c’est vrai que ce sont là des moeurs politiques québécoises. Sauf qu’il manque une précision : québécoises et fédéralistes. À mon avis, à voir comment quelques politicailleux francophones fédéralistes s’en sont mis plein les poches avec l’unité canadienne, le reste du Canada devrait se séparer du Québec.

Mais que M. Patriquin se détrompe. Si ces événements ont fait jaser, personne n’est subitement devenu indépendantiste à cause de ça. Ça les a peut-être réveillés, mais ça ne prouve qu’une chose : ils ne faisaient que dormir...

Texte lu à l’émission du 21 février de Samedi et rien d’autre animée par Joël Le Bigot sur les ondes de Radio-Canada.