La CSST doit rappeller le patronat à l’ordre

Un déficit de 674 millions pour 2003

L'aut'journal a appris de différentes sources internes à la CSST que le président de la Commission de la santé et sécurité au travail, M. Jacques Lamonde, lors de sa tournée annuelle du personnel dans les différentes régions du Québec, avertit les fonctionnaires que la CSST générera un déficit de 674 millions pour l'année 2003.

Rappelons-nous que le déficit de la CSST pour 2002 avait été de 450 millions et avait amené le gouvernement à sortir la CSST du périmètre comptable du gouvernement afin de maintenir les finances de l'État sur l'objectif du déficit zéro.

Les causes du déficit de 2002 étaient le ralentissement économique à la suite des événements du 11 septembre, les rendements négatifs de la caisse de dépôt (où la CSST a environ 8 milliards d'investissements) et la baisse des cotisations pour les employeurs, décrétés même si les déficits étaient prévisibles et en dépit de l'opposition de la partie syndicale (FTQ - CSN - CSD).

À ce moment-là, le p. d.-g. de la CSST, Trefflé Lacombe, avait voté avec les employeurs pour la baisse de cotisations. Pour les organisations syndicales, cela avait pour effet de soumettre le régime d'indemnisations à des pressions économiques indues et de donner aux employeurs des arguments favorables à la diminution des indemnités des accidentés de 90 % à 80 % du salaire net.

Avec les pressions actuelles sur le régime, cette campagne patronale risque de prendre de l'ampleur. Rappelons-nous qu'au début des années 1990, les employeurs et le gouvernement libéral de Bourassa avaient profité du déficit de plus de 2 milliards de la CSST pour faire adopter la loi 35 qui rendait plus facile et moins coûteuse pour la CSST la judiciarisation des cas d'accidentés du travail. Il ne faudrait pas se surprendre, dans la conjoncture actuelle, que le conseil du patronat reprenne le bâton du pèlerin auprès du gouvernement Charest pour amener ce dernier à réduire les indemnités des accidentés du travail.

Dans sa tournée régionale, le président de la CSST M. Jacques Lamonde ramène à quatre causes les difficultés économiques de la CSST.

Premièrement, 33 % des coûts du régime ne sont pas imputés aux employeurs qui génèrent les accidents du travail, mais sont à la charge du régime général, c'est-à-dire de tous les employeurs. Cette pratique emprunte trois avenues. Les employeurs demandent plus souvent un partage de coût pour leurs accidents de travail. S'ils ne sont pas satisfaits de la réponse, ils la contestent de plus en plus fréquemment devant la Commission des lésions professionnelles (CLP). Finalement, il y a de plus en plus d'ententes qui interviennent à la CLP, suite à une démarche de conciliation, qui dégagent les employeurs des coûts de leurs accidents de travail.

Deuxièmement, le régime est capitalisé à 80 %, c'est à dire qu'il manque 20 % pour assumer toutes ses obligations futures. En 2000, il était capitalisé à 100 %. Cette capitalisation est tombée à 92 % en 2002 après qu'on eut recréé la réserve pour rendements négatifs pour faire face aux déboires de la Caisse de dépôt de 2002.

Depuis, la situation de la capitalisation a continué à se détériorer et la CSST devra hausser son taux de cotisation.

Troisièmemement, avec le phénomène de l'assignation temporaire pratiqué abusivement par les employeurs, ces derniers pratiquent de façon illégale de l'auto-assurance. Par exemple, on assigne un travailleur deux jours par semaine et l'employeur assume 100 % du salaire pour cinq jours et les coûts des soins du travailleur accidenté.

Cette pratique a pour effet de priver la CSST de revenus de cotisations pour les trois jours où le travailleur accidenté aurait dû être compensé par la CSST. La CSST connaît très bien ce phénomène et le tolère même si cette pratique entraîne un manque à gagner pour elle et est complètement illégale.

Quatrièmement, les baisses d'impôt du fédéral et du provincial que nous avons connues au cours des dernières années ont eu pour effet d'augmenter le salaire disponible (salaire net). La CSST indemnise les accidentés sur la base de 90 % du salaire net. Ces baisses d'impôt ont donc eu pour effet d'augmenter les coûts de l'indemnisation pour la CSST. Le ministre Séguin parle de baisser à nouveau les impôts des Québécois, alors…

Enfin, avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les normes du travail accordant une protection aux travailleurs et travailleuses victimes de harcèlement psychologique, on peut s'attendre à une augmentation des réclamations à ce chapitre. À l'heure actuelle aucune précision de l'augmentation des coûts pour ces lésions n'a été intégré au régime.

Selon M. Lamonde, la CSST est conviée à des rendez-vous importants : 1. Revoir la cotisation des employeurs; 2. Revoir le régime d'imputation des coûts; 3. Procéder, idéalement, à une refonte complète de la loi sur la santé-sécurité au travail et de la loi sur les lésions professionnelles.

Pendant que la fonction prévention est anémique à la CSST et que seulement 3 à 4 % des employeurs sont visités par les inspecteurs à chaque année, les pressions économiques sur le régime d'indemnisation risquent de propulser à l'avant-scène la question des droits des accidentés du travail.

Le Conseil du patronat – dont le président Taillon siège au conseil d'administration de la CSST – et le gouvernement Charest se feront sûrement un devoir d'attaquer les travailleurs et travailleuses accidentés sous prétexte que le Québec, pour demeurer compétitif dans le contexte de la mondialisation, n'a plus les moyens de ses lois en santé-sécurité. C'est à suivre…