Le projet Lula commence à renverser la vapeur néolibérale

Claudette Carbonneau salue la présence de syndicalistes brésiliens au Québec

Voilà déjà plus d'un an que la population brésilienne portait au pouvoir Luiz Inacio Lula da Silva et le Parti des travailleurs (PT), premier gouvernement de gauche de ce pays de 172 millions d'habitant. Malgré les critiques, les défections et l'opposition virulente de la droite que doit affronter le gouvernement, la Centrale unique des travailleurs (CUT), principal syndicat de gauche du pays, reste optimiste : « Nous avons confiance que le projet de Lula sera victorieux et va marcher », a déclaré le président de la centrale, Luiz Marinho, de passage à Montréal.

Lors d'une conférence à l'UQAM, Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, a souligné que le contexte était particulièrement approprié pour une visite des syndicalistes brésiliens au Québec. Alors que le Brésil commence à renverser la vapeur après des années de politiques néolibérales débridées, le Québec est aux prises avec un gouvernement qui multiplie les attaques contre les travailleurs et travailleuses, en facilitant par exemple la sous-traitance et les privatisations.

Bien qu'un vent de changement se fasse définitivement sentir au Brésil depuis les dernières élections, nombreux sont ceux qui se disent déçus de la lenteur ou de la timidité des réformes. Luiz Marinho explique toutefois que la CUT continue d'y croire, « si Lula échoue, il n'y aura pas un autre gouvernement de gauche mais bien un retour en force de la droite ».

Marinho cite en exemple la réforme agraire du gouvernement, qui était loin de satisfaire pleinement les demandes du mouvement syndical et populaire. La centrale a tout de même soutenu le projet, car sans appui, « le gouvernement ne pourra même pas faire ce minimum », en raison de l'opposition virulente des grands propriétaires, très bien organisés. Tout en appuyant la présente réforme, le mouvement syndical continue les occupations de terres à la campagne, en collaboration avec le Mouvement des sans-terre.

Par ailleurs, explique Marinho, « la transition de l'économie d'un modèle vers l'autre sera très lente, et le mouvement syndical est bien sûr plus pressé que d'autres ».

Huit années de privatisations et de partenariats public-privé ont laissé l'État brésilien considérablement affaibli, si bien qu'il ne peut agir à sa guise en faveur des classes défavorisées.

La CUT entend donc conserver son appui critique au PT, tout en faisant en sorte que le gouvernement accélère ses réformes. Elle ne se gêne pas pour critiquer très durement la politique économique du gouvernement, qui vient de renouveler un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), mais souligne aussi quand elle le peut ses bons coups, comme une nouvelle politique internationale indépendante des Américains, que Marinho qualifie « d'exemplaire ».

Accusée de complaisance face à un président qui provient de ses propres rangs, la CUT se défend en assurant qu'elle compte « continuer à mener toutes les luttes des travailleurs et travailleuses pour de meilleures conditions ».

Depuis l'élection de Lula, elle a continué à diriger plusieurs mouvements de grève, y compris dans le secteur public. Pour Luiz Marinho, « la meilleure forme de collaboration est de montrer ses erreurs au gouvernement ».

Interrogé sur une histoire de corruption qui a éclaboussé plusieurs membres du PT dont un proche collaborateur de Lula au mois de février dernier, Marinho s'est déclaré favorable à une lutte acharnée contre la corruption, avec peines sévères pour les coupables, peu importe leur allégeance politique. Il refuse toutefois d'utiliser cet événement pour discréditer l'ensemble du gouvernement. « Sur le plan de la corruption, des progrès importants ont été réalisés depuis l'élection de Lula, a-t-il rappelé. De nombreux juges et commissaires de police sont maintenant en prison. »

Ainsi, malgré qu'elle soutienne toujours le gouvernement et son projet de société, la CUT reste vigilante. Son appui lors des dernières élection marquait une préférence pour le PT, et non une soumission ou un chèque en blanc pour ce parti. La centrale syndicale entend continuer de pousser les élus dans la bonne voie. Une voie qui ne s'avère pas toujours facile, dans un pays où 10 % de la population contrôle toujours la moitié des richesses, et n'entend pas lâcher prise si facilement.