La Colombie a-t-elle intérêt à faire la guerre au Venezuela ?

Une guerre entre les deux républiques sœurs ruinerait les deux pays et créerait un nouveau Koweït avec presque tout le pétrole de l'hémisphère.

Depuis la fin de 2003, plusieurs soldats vénézuéliens ont été tués par des inconnus le long de la frontière colombienne. À chaque fois, écrit le journaliste vénézuélien Luis Britto Garcia, les grands médias de communication inventent des rumeurs d'incursions vénézuéliennes en territoire colombien voire carrément un projet d'invasion.

Quel intérêt aurait Hugo Chavez à faire la guerre à la Colombie, demande Britto ? Cette dernière compte 40 millions d'habitants contre 26 millions pour le Venezuela, elle possède une armée sur-équipée qui se bat depuis plus d'un demi-siècle dans des conflits internes et, de surcroît, est l'alliée des États-Unis.

De son côté, la Colombie a-t-elle intérêt à faire la guerre au Venezuela ? Bien que « toute oligarchie qui vacille invente habituellement un conflit extérieur pour consolider le front intérieur » et que « toute oligarchie qui a besoin des États-Unis soit prête à sacrifier ses compatriotes contre un gouvernement que les États-Unis n'aiment pas », la Colombie n'a rien à espérer non plus à entrer en guerre contre son voisin, répond Britto.

« D'habitude, cela se passe comme pour Saddam Hussein, armé jusqu'aux dents par les États-Unis pour fustiger l'Iran et, plus tard, anéanti par les mêmes États-Unis. »

Le véritable intéressé par une telle guerre, continue le journaliste, est l'Oncle Sam. Il cite un article de David Henriquez (chercheur au Centre Rockefeller d'études latino-américaines de l'Université Harvard) paru dans le numéro du dernier trimestre de 1999 de la revue Foreign Policy du Département d'État états-unien.

Henriquez y écrit que « le but de la majorité des guerres actuelles est de rendre les pays plus petits, pas plus grands » avant d'ajouter que « des régions riches telles que le nord du Mexique, le sud du Brésil ou la ville côtière de Guayaquil (Équateur) se demandent quels bénéfices leur apporte leur identité nationale ».

Britto relie cela aux enquêtes de la presse colombienne, en 1998, sur une partition éventuelle du pays en une entité du gouvernement et une entité de la guérilla et aussi à des articles récents prônant la sécession des provinces vénézuéliennes de Zulia (la plus riche province pétrolière du pays) et de Guayana.

« Pour les empires, poursuit Britto, ces complots séparatistes présentent plusieurs avantages: enrichissement par le trafic d'armes, possibilités de nouvelles aventures interventionnistes et imposition de conditions diplomatiques et économiques draconiennes à chacun des fragments séparés. » L'idéal, pour les États-Unis, serait de faire faire leur guerre contre le Venezuela par la Colombie et, ensuite, de mettre la main sur le pétrole vénézuélien.

Une guerre entre les deux « républiques sœurs », explique Britto, ruinerait les deux pays et l'intervention états-unienne qui suivrait immanquablement « créerait un nouvel État pétrolier formé par le Zulia vénézuélien et le Norte de Santander colombien. Un nouveau Koweït avec presque tout le pétrole de l'hémisphère et presque aucune souveraineté ».

Il y a 150 ans, conclut Britto, « la Colombie était le pays d'Amérique latine le plus riche parce qu'elle possédait le Panama. Puis celui-ci s'est séparé et ni le Panama ni la Colombie n'ont plus jamais été riches ».