La politique de l’eau sur fond de privatisation

Mulcair présidera-t-il au démantèlement de son ministère ?

Le ministre de l’Environnement déclarait récemment : « Le problème, ce n’est pas un manque de lois, c’est que les lois n’ont pas été appliquées ». Alors qu’attend-il ? Malgré des promesses, il n’y a pas encore de direction des affaires juridiques au ministère. Nous attendons toujours les poursuites contre les pollueurs des lagunes de Mercier (plus de 20 ans).

Il y a des changements qui pressent. Lorsqu’une exploitation agricole reçoit une amende pour avoir dérogé à la loi de l’environnement, c’est déductible des frais d’opération. Pourtant, dans mon cas, lorsque j’ai une contravention de stationnement, elle n’est pas déductible d’impôt…. Il y a des situations qui frisent le ridicule !

Pour évaluer les chances de réussite d’une politique nationale de l’eau, il faut regarder le contexte politique et la première chose que le nouveau gouvernement libéral du Québec a faite pour l’eau, a été de faire disparaître le terme EAU du titre du ministre qui en est responsable. « Avez-vous remarqué que M. Mulcair n’est plus ministre de l’Eau en particulier ? » Sachant qu’en politique il n’y a pas de geste innocent, cela vous replace une priorité!

Le 18 mars 2004, le ministre des affaires municipales a déclaré que la participation du privé dans la gestion de l’eau demeure une priorité pour le gouvernement. Il cherche un investissement, entre 1 et 2 milliards de dollars, dans le domaine de l’eau présentement géré par les villes. La politique s’appliquera donc sur fond de privatisation de la gestion.

Avec la modification de l’article 45 du Code du travail, il y a un grand risque que les professionnels et tous les travailleurs et travailleuses de l’eau dont les emplois vont passer des villes au secteur privé verront baisser leur niveau de vie. Des études l’ont démontré depuis longtemps : dans ce domaine il n’y a que dans les conditions de travail que le privé peut réaliser de réelles économies. Imaginons les perturbations sociales que cela va entraîner.

Le gouvernement fait faire des études par des consultants privés, ne faisant pas confiance à ses fonctionnaires ou à ses propres sociétés d’État. Exemple : l’étude sur les compteurs d’eau réalisée par l’INRS-Urbanisation. Le ministre s’est refusé de la considérer et a confié un mandat à un consultant privé. Encore le 22 mars 2004, lors de la Journée internationale de l’eau, monsieur Thomas Mulcair parlait toujours de faire installer des compteurs d’eau dans toutes les villes et chez tous les citoyens.

Avec la réingénierie dont le gouvernement tente maintenant de cacher le nom, il y a risque que de grand pans du ministère de l’Environnement soient démantelés pour les confier à des organismes privés (même à but non lucratif) – L’exemple de la Société de la faune maintenant gérée par un conseil d’administration privé devrait attirer notre attention. Il y a même des rumeurs, et cela ne vient pas de l’émission de télévision Bunker, mais il y a des rumeurs à l’effet que le ministère serait démantelé pour être réparti dans tous les autres ministères.

Dans son dernier budget, le ministre Séguin ramène le budget du ministère de l’Environnement de 180 millions $ à 166 millions $. Donc l’argent consacré à l’environnement passe de 0,34 % des dépenses totales du gouvernement à 0,31 %. Et pour tenter de faire taire les grands groupes environnementaux qui pourraient être critiques quant à la politique de l’eau, il abolit le financement des 13 groupes provinciaux qui étaient soutenus pour environ la valeur d’un secrétariat. Voilà donc une partie du contexte dans lequel s’appliquera la politique de l’eau.

Pour nous, cette politique sera sérieuse quand un cadre législatif permettra aux citoyens d’avoir des recours lorsqu’une partie de la politique ne sera pas appliquée. Les comités de citoyens en légitime défense contre des projets qui menacent leur environnement devraient avoir accès à des fonds gouvernementaux pour faire réaliser des études indépendantes de celles des promoteurs. Nous parlons ici de contre-expertise et non seulement d’analyse théorique des études des promoteurs.

L’ancien ministre de l’Environnement parlait de droit nouveau en environnement. Il s’agissait d’un amendement au Code civil pour reconnaître, légalement, un statut de patrimoine collectif à l’eau souterraine. Ce qui permettrait au gouvernement d’intervenir légalement en cas de conflit d’usage. Pour le moment l’eau appartient toujours à celui qui est assis sur la nappe phréatique et rien n’est annoncé en ce sens.

Eau Secours! continue de demander un moratoire sur le captage d’eau. Pas de nouveau captage ou d’augmentation de quantité (sauf dans les cas de santé publique) avant que les nappes phréatiques soient identifiées par bassin versant et qu’une caractérisation soit réalisée. Pour l’instant, il y a un seul endroit où c’est fait : c’est à Mirabel.

Il y a des cas où c’est vraiment grossier. Prenez celui de Thetford Mines. Cette ville a des problèmes de qualité d’eau potable et non de quantité. Au lieu de construire une usine de traitement de l’eau potable, elle tente de puiser l’eau dans les milieux humides d’Irlande et de la transporter sur 40 kilomètres. Il n’y a pas eu de caractérisation de la nappe. Le permis de test ne tient pas compte des effets en aval, ni sur les lacs attachés à la nappe. Y aura-t-il quelqu’un à l’écoute?

En janvier 2005, la loi moratoire sur l’exportation de l’eau en vrac prendra fin. Nous n’avons entendu aucune déclaration publique à propos des résultats de la négociation du gouvernement avec les 10 gouvernements limitrophes du Bassin Laurentien. Cette négociation devait se terminer en 2004. Quel impact aura cette négociation sur le renouvellement de la loi ?

Il y a une aberration dans la présente loi pour l’exportation de l’eau en vrac. Si je veux vendre 5 000 litres d’eau par bateau, pipeline ou camion-citerne – c’est interdit. Mais j’ai le droit de vendre 5 000 litres d’eau, pourvu que ce soit par contenants de 20 litres que je pourrais transporter par camion-remorque. Comme les permis sont octroyés sur la capacité d’une nappe phréatique et qu’il se peut que la nappe soit énorme, il n’y a donc pas de limite réelle à exporter de l’eau. Quelle différence y a-t-il entre vider une nappe par vingt litres ou en vrac ? Rien n’est annoncé par le gouvernement.

Le ministère de l’Environnement doit ramener sous son chapeau toutes les lois et règlements qui traitent de l’eau et trouver le moyen de les faire appliquer.

Il faut un projet de loi-cadre sur l’eau avec les règlements, les budgets et le personnel nécessaire pour faire appliquer le tout. Sinon, l’avènement des principes contenus dans la politique nationale de l’eau est programmé pour la semaine des 4 jeudis. Et la météo annonce qu’il ne fera pas beau !