L'auto est la deuxième priorité québécoise

Seules les dépenses de la santé croissent plus rapidement

De 1997, année de la signature du Protocole de Kyoto, à 2003, les dépenses du secteur de l'automobile au Québec ont augmenté de 26,2 % une fois l'inflation soustraite. En 2003, les Québécoises et Québécois ont dépensé 30,4 milliards $ dans ce secteur. À titre indicatif, le Québec n'a consacré que 26,6 milliards $ à la santé, 13,7 milliards $ à l'éducation et 1,1 milliards $ au transport collectif la même année. Ces données sont calculées par Richard Bergeron, auteur du Livre noir de l'automobile et de L'économie de l'automobile au Québec, que nous avons rencontré à Montréal.

Richard Bergeron nous explique que « depuis 1997, seule les dépenses en santé ont connu une croissance plus rapide que celles dans l'automobile. Cela signifie que l'automobile est la deuxième priorité de la population québécoise. » Situation qui peut facilement être expliquée par le milliard $ annuellement dépensé au Québec en publicité automobile. Richard Bergeron fournit un exemple : « Le quotidien La Presse reçoit plus de 50 millions $ en publicité de cette industrie chaque année. Cette somme surpasse ses recettes découlant des ventes de journaux et d'abonnements. »

L'automobile accapare nos surplus. On choisit d'acheter de plus grosses voitures, plus performantes et plus énergivores. Ce nouveau besoin est créé par le lobby publicitaire et les conséquences environnementales sont évidentes. De plus, Bergeron explique que l'industrie automobile bénéficie peu à l'économie québécoise.

« Sur chaque dollar dépensé en rapport avec l'automobile au Québec, il en reste 55¢ ici et 45¢ quittent la province. » Le spécialiste explique que ces 45 ¢ créent principalement des emplois de bonne qualité liés à la conception – fabrication de voitures et à l'extraction et au raffinage du carburant. Ces industries sont absentes du Québec, d'où la nécessité d'avoir recours au marché extérieur.

Le 55 ¢ qui est dépensé au Québec crée 260 000 emplois localement. Richard Bergeron critique la situation : « Chaque emploi créé ici nous coûte 180 000 $. Ce montant est élevé quand on pense que la majorité des travailleurs du secteur sont pompistes au salaire minimum, vendeurs d'automobiles ou encore garagistes. »

L'automobile crée tout de même 65 000 emplois de qualité au Québec. Ironiquement, ils sont principalement liés aux secteurs de la santé et de la finance. « 8 % de nos dépenses en santé sont attribuables aux accidentés de la route. Les méfaits de l'automobile accaparent les services de nos meilleurs médecins, comme les chirurgiens. » Bergeron trouve la situation absurde et préfèrerait voir ces professionnels occupés à d'autres missions.

Richard Bergeron aborde ensuite le transport collectif : « Sur chaque dollar dépensé dans ce secteur, 95 ¢ demeurent au Québec. Les autobus sont par exemple assemblés ici même. » Chaque emploi créé coûte deux fois moins cher. De plus, ces emplois sont de plus grande qualité.

À l'aide d'une méthode englobant tous les aspects du problème, Bergeron conclut que le transport collectif coûte près de trois fois moins cher que l'automobile : « Un déplacement moyen par personne en voiture coûte 6,98 $, tandis qu'en transport collectif il n'en coûte que 2,54 $. » Davantage de transport en commun coûte moins cher, crée plus d'emplois au Québec, et de meilleure qualité. Les titanesques dépenses publicitaires du cartel automobile se comprennent aisément et il ne fait nul doute que le Québec à tout à gagner à développer ses réseaux de transport collectif.

Bergeron donne en exemple le projet d'un train à grande vitesse reliant Montréal à Québec : « Ce projet coûterait 3 milliards $, permettrait aux passagers de se transporter en 48 minutes d'un arrêt à l'autre et de filer à 350 km/h. En comparaison, le trajet prend 2h20 en voiture roulant 120 km/h, sans compter tout le trafic dans les deux villes allongeant lourdement la durée du parcours. »

Richard Bergeron voudrait qu'on donne le choix à la population : ou prendre la voiture, ou pouvoir prendre le TGV. Le coût d'un tel projet est intéressant quand on note qu'on a dépensé, en termes réels, 6,3 milliards $ de plus en 2003 qu'en 1997 dans l'automobile, principalement afin d'augmenter la grosseur et la performance des engins. Il faut aussi garder à l'esprit que les infrastructures d'un TGV ont une très longue durée de vie et que les wagons et locomotives ont une durée de vie d'au moins 30 ans.

Les expériences européennes de TGV ont été de francs succès. La modernisation et le développement des tramways l'ont été davantage. Richard Bergeron voit dans les tramways l'avenir du transport collectif montréalais : « Un tel projet est abordable, rentable et permettrait de réduire le nombre de voitures dans le centre-ville tout en garantissant son accessibilité. La qualité du milieu serait rehaussée. »

Le docteur en aménagement urbain est déçu de l'inaction des autorités politiques : trop de promesses et pas assez de réalisations. C'est pourquoi il a choisi de se joindre au nouveau parti politique municipal, Projet Montréal, qui vise, bien entendu, à développer le transport en commun dans la métropole.

Les avantages environnementaux du développement de nos réseaux de transports collectifs sont bien connus. En tenant compte de notre expertise et de nos secteurs industriels, ils sont aussi économiques.