Examen de conscience

Les Nations unies ont, assez courageusement, analysé les raisons de leur lamentable échec au Rwanda. Les Belges ont aussi largement exposé leurs erreurs dans leurs anciennes colonies et tentent de bâtir autrement les liens avec ces pays, aujourd’hui encore déchirés.

Rien ne se passe au Canada. Aucune enquête sur le rôle de la force des Nations unies, commandée pourtant par un général canadien, qui réclamait des ressources à un autre général canadien à l’emploi des Nations Unies, qui les lui a refusées. Rien sur le type d’aide et de soutien que le Québec et le Canada fournissent à ce pays – avec des liens privilégiés – depuis les années 1960. Rien sur le rôle de certaines communautés religieuses canadiennes, sur place pendant les massacres, et soupçonnées de non-assistance à personnes en danger de mort. Rien sur le type d’enseignement mis en place à l’Université de Butare où de nombreux enseignants étaient des Québécois et d’où sont issus les penseurs du génocide rwandais. Rien sur le fait que cette université appliquait à la lettre les quotas racistes du gouvernement en place. Enfin, sommes-nous bien certains de ne pas cacher parmi nous – sciemment ou non – des tortionnaires du régimes de Kigali ? (…)

Aujourd’hui, au Rwanda et à l’étranger, des individus cyniques invoquent le fait que s’il n’y a pas d’ethnie tutsie, il n’y a pas eu de génocide au Rwanda. Cette preuve qui doit être faite de l’existence de l’ethnicité enfonce encore un peu plus les catégories sociales dans l’imaginaire national. Y compris d’ailleurs dans le mode de représentation identitaire des victimes vivant à l’extérieur du Rwanda.

La dérive sanglante du Rwanda, Dominique Payette, Éditions Éco-société, 2004