Il y a trois ans, Roxton Pond, petite ville des Cantons de l’Est, se faisait dire par la Santé publique que son eau souterraine était contaminée et que le problème s’étendait.

Mulcair coupe le sifflet aux groupes environnementaux

C’est en creusant un puits pour alimenter une école que l’on a constaté les dégâts. Dès lors, notre valeureux ministère de l’Environnement a demandé au supposé « pollueur payeur », la Stanley Canada Corporation, de faire des tests sur l’eau souterraine sous ses anciens terrains de production des fameux outils au sigle jaune.

Les résultats ont été tellement épouvantables que la Santé publique est intervenue et a empêché les résidents de boire l’eau, de s’en servir pour se brosser les dents ou de se doucher, sans une ventilation appropriée. Comme par magie, les citoyens sinistrés reçoivent de l’eau en cruche payée par qui ?...mais par la Stanley qui, sur la place publique, prend bien soin de ne pas reconnaître sa responsabilité.

Pourtant, les polluants portent sa signature. Cette entreprise fut la seule usine du village utilisant des produits chimiques retrouvés dans l’eau. Cette eau qui a percolé du sous-sol vers la nappe souterraine dépasse de 55 fois la norme de pollution normalement tolérée par le ministère de l’Environnement.

Alors ce même ministère, sans impliquer la ville, entreprend des négociations avec la multinationale. Trois ans de négociations qui n’ont été d’aucun secours permanent aux sinistrés de la ville. Aujourd’hui, la question centrale à cette situation se pose simplement : qui paiera pour l’aqueduc municipal qui devra remplacer les puits artésiens ?

La Loi de l’environnement pose le principe que nul n’a le droit de polluer au Québec. Cependant, le ministère de l’environnement a le pouvoir d’émettre des autorisations de polluer dans des limites scientifiquement acceptables.

La compagnie Stanley existe depuis 1907 et a fermé ses portes en 1984. Le ministère de l’Environnement fut créé en 1979. De sa création jusqu’à la fermeture de l’établissement de la multinationale, n’y a-t-il pas eu d’inspection ou d’émission de permis de polluer ? N’était-ce pas la responsabilité du ministère de s’assurer de la non-pollution de l’eau ?

Que fait la Santé Publique du Québec depuis ? Où est le programme de suivi de l’état de santé de la population qui boit de l’eau contaminée depuis « personne ne sait quand » ?

Las des atermoiements des pouvoirs publics, et décidés à se prendre en main, des citoyens et citoyennes ont créé le « Comité pour une eau de qualité à Roxton Pond », qui s’est affilié à la Coalition Eau Secours!.

Une membre du comité, Nicole Bruneau, se rappelle qu’à l’automne 2001, lorsque les résidents, rassemblés dans le centre communautaire, se sont fait annoncer que leur eau était contaminée, une femme enceinte de six mois pleurait. Personne ne pouvait lui dire depuis quand l’eau qu’elle buvait était contaminée par des produits cancérigènes et d’autres produits connus pour causer des malformations à la naissance.

Cela fait maintenant trois ans que le ministère de l’Environnement et celui des Affaires municipales tournent en rond pour éviter de payer la facture liée à la construction d’un réseau d’aqueduc. Pourtant, les problèmes de santé énumérés par la Santé Publique parlent de cancer du pancréas, de tumeurs. Les métaux lourds tels le plomb, le mercure, le chrome et des produits chimiques tels l’arsenic, le trichloréthylène, le dichloroéthylène, le chloroforme, le cyanure et le dichlorobenzène, retrouvés dans l’eau, portent l’empreinte de 75 ans de production manufacturière de la Stanley.

Le ministère s’est tellement désisté du problème que c’est la ville qui doit poursuivre en cour la multinationale.

Évidemment, un titulaire de ministère qui se satisfait de coupures de 14 millions à son budget n’a pas tellement les moyens de ses discours. Cependant, le ministre Thomas Mulcair, astucieux politicien, pense avoir trouvé une façon de ne pas être dénoncé sur la place publique.

Il a donc dé-financé les 13 grands groupes environnementaux nationaux qui sont les porte-parole de la population, les alarmes qui permettent d’éviter des catastrophes.

Incapable d’accepter que les citoyens prennent part au débat public, le ministre tente, à tort, de les faire taire. En effet, si la situation n’est pas rétablie dans les mois qui suivent, plusieurs des 13 groupes dé-financés se verront contraints de fermer. Ce qui fait dire au président du Réseau québécois des groupes écologistes, François Patenaude : « qu’ils en ont vu d’autres et que jamais ils ne se tairont ».

Avec le cas de Roxton Pond, nous savons maintenant de quel bois se chauffe le valeureux ministre. Au lieu de poursuivre le pollueur, le ministre annonce que, pour construire l’aqueduc nécessaire aux citoyens, son gouvernement contribuera pour un tiers de la facture (nos taxes), le gouvernement fédéral pour un tiers de la facture (nos taxes) et la ville devra poursuivre la Stanley pour l’autre tiers.

Ainsi au départ, la Stanley sauve 66 % du coût de la construction d’un aqueduc. Au lieu de payer, la compagnie reçoit un cadeau pour lui éviter la facture d’un réel dédommagement. Si la ville perd son procès, ce sont des augmentations de plus 100 % de la taxe foncière qui se profilent à l’horizon.

Voilà donc le vrai visage de la politique gouvernementale. Éviter de punir comme il se doit les entreprises polluantes en transférant le fardeau de la preuve aux municipalités. Ces dernières, n’ayant pas les moyens de se perdre dans d’éternelles poursuites juridiques, seront des proies faciles pour les multinationales. Les grands groupes environnementaux n’étant plus dans le paysage pour dénoncer la situation, le ministre pense s’en sortir.

Mais comme l’affirmait Martine Ouellet, vice-présidente d’Eau Secours! : « Sa stratégie fera boomerang, car nous sommes fondamentalement des bénévoles et nous ferons la bataille avec les autres groupes environnementaux pour retrouver le financement modeste de la mission des organismes et nous ne cesserons de dire que le roi-ministre est tout nu chaque fois qu’il le sera, que cela lui plaise ou non ! »

Note au lecteur : Afin de faciliter la lecture, chacune des références précises n’apparaît pas dans le texte. Elles proviennent des documents déposés au Palais de justice de Granby, du Comité pour une eau potable de qualité de Roxton Pond et du site de référence d’Eau Secours! – La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau à : www.eausecours.org