La réingénérie frappe d’abord les précaires

Coupures de 16 000 postes, révision de 188 organismes

Coupures de 16 000 postes dans la fonction publique », « révision de 188 organismes gouvernementaux » et « partenariats public-privé », le plan de réingénierie de la ministre Monique Jérôme-Forget a fait soupirer de bonheur les éditorialistes et les chroniqueurs. Mais Carole Roberge du SPGQ et Michel Sawyer du SFPQ voient mal comment on peut conserver la qualité des services aux citoyens en coupant 20 % des effectifs de la fonction publique. D’autant plus que pour atteindre l’objectif de 700 millions en économies en dix ans, il faudra faire plus.

« Réduire les coûts nous apparaît farfelu, affirme la présidente du Syndicat des professionnels du gouvernement (SPGQ). Les salaires des professionnels de la fonction publique sont déjà de 8,5 % inférieurs à ceux du secteur privé. » Michel Sawyer, le président du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), renchérit en donnant l’exemple de l’entretien des routes donné en sous-traitance au privé en Colombie-britannique. « C’est un échec, dit-il. La première année, les coûts ont été moins élevés, mais l’année suivante, en 2003, l’entretien du système par le secteur privé coûtait 4 159 $ du kilomètre, comparativement à 4 012 $ pour le secteur public. »

Les fameux PPP (partenariats privé/public) ne trouvent pas non plus grâce à leurs yeux. « C’est de la sous-traitance sur une longue période ; les firmes obtiennent des contrats pour une durée de 50 à 75 ans, sans engagement précis de leur part en retour », de dire Carole Roberge en donnant l’exemple d’une autoroute à péage donnée à SNC-Lavalin dans la région de Toronto. « Le prix du péage est devenu exorbitant », souligne-t-elle. Michel Sawyer y voit une démission du gouvernement. « Le gouvernement ne pourra plus rien imposer aux compagnies. À partir du moment où elles ont le contrôle, elles en profitent. »

M. Sawyer n’est pas tendre à l’égard du gouvernement et de son entreprise de démolition. « Nous faisons face à une contre-révolution tranquille. Tout ce qui fait le Québec d’aujourd’hui est remis en cause. Le contrôle des ressources, de la machinerie et de l’expertise passe au privé. On avait choisit d’être maîtres chez nous, avec les partenariats public/privé, on redevient locataires. »

Dans les négociations en cours, la sécurité d’emploi dans la fonction publique est un enjeu majeur. Au SFPQ, 35 % des membres sont des employés à statut précaire. Que le plan de réingénierie de ministre Jérôme-Forget n’aborde pas la question des fonctionnaires sans sécurité d’emploi inquiète les syndicats, car on assiste présentement à de nombreuses mises à pied chez les employés à statut précaire.

Au sein de la fonction publique, la sécurité d’emploi est essentielle. « Dans les années 1960, rappelle Mme Roberge, la sécurité d’emploi des fonctionnaires visait à pallier l’embauche arbitraire pour assurer l’intégrité et l’impartialité de la fonction publique, son indépendance face au pouvoir politique, en rupture avec les pratiques de patronage que nous avions connues au temps de Duplessis ! »

Le plan de regroupement des administrations de Mme Jérôme-Forget inquiète Carole Roberge. « Comment se fera le regroupement de la gestion des ressources humaines, des ressources matérielles et des ressources financières ? Le plan comporte beaucoup d’éléments flous », nous dit-elle. « Avec la centralisation de la fonction publique, nous craignons pour l’indépendance des ministères, nous craignons la politisation de la fonction publique. »

Le mépris bien affiché de la ministre Jérôme-Forget à l’égard de la fonction publique provoque la grogne des fonctionnaires. Ils n’ont pas oublié qu’en 1995, une entente intervenue entre les fonctionnaires et le gouvernement pour améliorer la qualité des services avait rendu la fonction publique plus productive. Les sacrifices consentis et le dévouement sont aujourd’hui balayés du revers de la main.

L’automne promet d’être chaud. Le SFPQ qui représente 41 00 membres a déjà son mandat de grève sociale de 24 heures. Le SPGQ représente 18 000 membres et est présentement en tournée afin d’obtenir un mandat de grève de 48 heures. Les résultats s’annoncent positifs « les gens se déplacent en grand nombre pour voter. À Montréal, le Spectrum était rempli », nous confie Mme Roberge.