De l’avis du président de la FTQ, c’est une décision torchonnée

L’arbitrage Lavoie est une arme de destruction massive2090

Le 2 octobre dernier, après plusieurs mois d’attente, l’arbitre Gilles Lavoie rendait sa sentence quant au différend qui oppose la Ville de Montréal au Syndicat des cols bleus regroupés (SCFP local 301). La décision, qualifiée de « torchon » et de « piece of shit » par le président de la FTQ, Henri Massé, reprend presque intégralement les propositions patronales, et passe à la tronçonneuse la convention des syndiqués.

Même si plusieurs personnes se plaisent à constamment mettre en opposition les intérêts des employés municipaux et ceux du reste des contribuables, c’est bien l’ensemble de la population qui est menacée, suite à cette décision. Parmi les nombreux reculs imposés aux cols bleus, on note l’abolition des protections contre la sous-traitance et la diminution du plancher d’emplois. L’arbitre ouvre donc toute grande la porte au secteur privé, qui rêve depuis longtemps de mettre la main sur les services publics, à Montréal.

« C’est dangereux sur plusieurs plans, explique Michel Parent, président du syndicat. Depuis des années, le ministère des Affaires municipales cherche à privatiser beaucoup d’emplois à Montréal. La ville est vue comme le pactole des entrepreneurs. Que ce soit dans le domaine de l’eau, de l’entretien des immeubles, de la voirie, ils veulent dilapider nos biens publics. »

Le président explique que plusieurs administrations municipales ont essayé d’aller de l’avant avec la sous-traitance à outrance et le recours au secteur privé. Jusqu’ici, le syndicat des cols bleus avait toujours bloqué leurs plans, agissant comme un véritable bouclier contre les privatisations et les partenariats public-privé.

La décision de l’arbitre a aussi surpris la FTQ, à laquelle est affilié le syndicat des cols bleus. « Par rapport à la sous-traitance, j’étais moins inquiet pour le secteur public, parce que les syndicats avaient des dispositions contre ça dans leurs conventions, a affirmé Henri Massé. Mais là, l’arbitre a complété le travail amorcé avec les modifications de l’article 45 du Code du travail. »

Auparavant, la convention des cols bleus stipulait qu’au moins 50 % des travaux devaient être réalisés à l’interne. L’arbitre Gilles Lavoie a tout simplement biffé ces passages. De plus, alors que la ville emploie actuellement 5325 cols bleus, le nouveau plancher d’emploi est fixé à 3837. Pour les années à venir, chaque fois qu’un membre du local 301 prendra sa retraite, un contracteur privé pourrait prendre sa place.

L’ancien président du syndicat, Jean Lapierre, a évoqué l’idée que cette sentence aurait pu être « commandée » par les libéraux de l’Hôtel de ville (Tremblay, Zampino) et ceux du gouvernement du Québec. C’est que l’arbitre Gilles Lavoie n’a pas l’habitude d’afficher un tel penchant en faveur du patronat. Il a même déjà été permanent syndical à la CSQ. S’il a quitté cet emploi pour une carrière plus lucrative (ses honoraires sont aujourd’hui de 200 $ l’heure), il semblait jusqu’ici avoir gardé une attitude plus ouverte envers les syndicats.

De plus, il est clair qu’un tel camouflet infligé à l’un des syndicats les plus combatifs au Québec aurait pu être souhaité par le gouvernement Charest, qui se prépare à de dures négociations avec la fonction publique québécoise.

Parmi les autres concessions imposées aux cols bleus, notons la diminution de tous les salaires, certaines personnes perdant jusqu’à 15 000 $ par année. Jusqu’à maintenant, le salaire moyen des cols bleus avoisine les 35 000 $ annuels. De plus, les congés de maladie sont diminués, la semaine de 35 heures sur quatre jours est perdue et le régime d’assurances collectives est acculé à la faillite. Les lettres d’entente sur les assurances salaires particulières sont éliminées, ce qui poussera plusieurs accidentés de travail vers l’aide sociale. Finalement, le nombre d’emplois précaires sera en hausse, et la période d’attente pour les jeunes avant l’obtention de leur permanence est augmentée.