La grenouille serait enfin plus grosse que le boeuf

Si SNC-Lavalin gérait tous nos services publics sans exception2126

Jojo Savard peut bien aller se rhabiller, Guy Saint-Pierre, ex-ministre libéral du Québec et ex-président et chef de la direction de SNC-Lavalin est notre devin par excellence. Dans un texte du journal Les Affaires du 31 décembre 1994 intitulé « Les dix commandements pour un Canada plus prospère » de Guy Saint-Pierre, un de ses dix commandements prônait pour « un État plus léger et plus efficace et la revue du rôle et du fonctionnement du dit État ». Eh bien, que vois-je en page couverture du même journal 10 ans plus tard, soit le 15 mai 2004 : « Un gouvernement allégé et plus agile ». Ça parle au diable, le gouvernement libéral du Québec de Jean Charest a adopté tel quel le commandement de Saint-Pierre.

Dans un article du Devoir du 16 octobre 1997 titré : « Privatisations tous azimuts - Le président de SNC-Lavalin croit que le Québec devrait s’inspirer du Royaume-Uni ». Eh bien joualvert, c’est en plein le Royaume-Uni qui inspire Jean Charest et sa matante Monique Jérôme-Forget.

Enfin, dans un article du Journal de Montréal, également daté du 16 octobre 1997, et intitulé : « La privatisation, source de développement économique », le grand boss de SNC-Lavalin a clamé cette fois très haut et très fort que « Le Québec est encore trop attaché au concept des années 60 où l’État devait tout faire ».

Faudrait dire au petit monsieur que l’État n’a jamais tout fait seul et lui dire aussi que si son entreprise d’ingénieurs-conseil est rendue là où elle est aujourd’hui, c’est uniquement grâce à l’État des années 60 en général et à Hydro-Québec en particulier qui l’ont inondée de juteux contrats. Maintenant, la créature de l’État veut se substituer à ce dernier et exige qu’on lui donne nos services et nos biens publics. On appelle ça de l’entrepreneurshit et non de l’entrepreneurship, dixit mon ami Michel Chartrand.

Il me semble que quelqu’un qui dit que l’État ne peut pas tout faire devrait, au nom de l’élémentaire décence, ne pas lui-même avoir la prétention de tout pouvoir faire. Car si l’État ne doit pas tout faire, SNC-Lavalin peut et doit tout faire.

Dans un article de Claude Turcotte du Devoir daté du 12 novembre 1993 et intitulé « SNC-Lavalin a l’œil sur les infrastructures », Guy Saint-Pierre, l’ex p.d.g. de cette B.S. de luxe a alors supplié ses camarades politiciens de lui privatiser les aqueducs, les autoroutes, les tunnels et les ponts. Dans ce texte, le p.d.g. a dit : « Comme les gouvernements sont trop fauchés, le secteur privé pourrait participer au financement des infrastructures publiques ». En pleine période de croissance fulgurante de l’économie qui dure depuis plus de 20 ans, nos gouvernements sont toujours fauchés. Vraiment bizarre !

C’est simple, on appauvrit volontairement les services publics, que ce soit la santé, les autoroutes, le transport en commun, l’éducation, les aqueducs, etc., pour dire ensuite que l’État n’a plus les moyens d’assurer à la population ces services publics et imposer leur privatisation.

Dans un article du Journal de Montréal du 21 février 1994 et titré « Guy Saint-Pierre - La maison s’intéresse aux privatisations », le premier paragraphe ne peut être plus clair sur la véritable nature de ces profiteurs : « Comme les grands projets industriels ou hydroélectriques, à la Baie-James et ailleurs, se font plus rares, l’entreprise s’intéresse maintenant de très près à la nouvelle tendance : la privatisation de services autrefois assumés par l’État ». En fin de compte, ça revient à dire, comme notre firme reçoit moins de contrats de consultation de l’État et d’Hydro-Québec et que l’argent rentre moins, c’est simple, on va tout simplement s’accaparer des biens et des services publics pour faire encore plus d’argent sur le dos de la population. Fallait juste y penser.

Dans ce texte, SNC-Lavalin disait avoir fait ses premières percées, sous-entendu avoir obtenu ses premières privatisations, dans le secteur de l’assainissement des eaux et celui de petites centrales de production d’électricité sur la rivière Sainte-Anne-de-la-Pérade. Et monsieur Saint-Pierre disait aussi s’intéresser vivement au réseau autoroutier québécois comme par exemple l’autoroute des Cantons de l’est, l’autoroute des Laurentides, l’autoroute Jean-Lesage entre Québec et Montréal, l’autoroute Métropolitaine, et un coup parti, on pourrait lui céder aussi les trottoirs, les rues, les ruelles, les nids-de-poule, les parkings, les ponts, les viaducs.

« Sur le marché intérieur, explique Guy Saint-Pierre, l’État sera appelé à privatiser de plus en plus de services publics ou d’infrastructures. Nous avons l’intention d’être très actifs là-dedans. » Déjà en 1994, il savait que l’État serait « appelé » à privatiser et effectivement ils sont aujourd’hui « très actifs » dans le démantèlement de nos acquis sociaux et de nos instruments collectifs.

Incapable de se frotter à la concurrence étrangère à l’extérieur de la province, c’est bien plus facile de se rabattre sur les biens et les services publics des Québécois. Avec l’aide de nos politiciens et de nos journalistes, on va tous les endormir et on va leur présenter ça sous forme de « partenariats » entre bons amis qui veulent travailler ensemble pour nous aider, nous enrichir tous en somme pour notre mieux-être collectif, pour le bien commun et pour les générations futures, amen.

Imaginez, en 1994, Sam Elkas, le ministre québécois libéral des Transports a eu la très bonne idée de confier à la firme SNC-Lavalin une étude sur le financement et la gestion de nos infrastructures routières. Confier une étude sur le financement et la gestion de nos services publics à une entreprise comme SNC-Lavalin est encore moins objectif que de retenir les services de Maurice « Mom » Boucher pour effectuer une recherche sur les libérations conditionnelles.

Ce qui devait arriver arriva, comme en fait foi le titre et le contenu d’un article du journal Les Affaires du 31 décembre 1994 : « Une étude de SNC-Lavalin recommande de réintroduire le péage sur les autoroutes ». Dans l’article, SNC-Lavalin suggère au gouvernement libéral du Québec de confier au secteur privé la construction, le financement et l’exploitation de nouvelles infrastructures routières et de privatiser au complet l’entretien du réseau routier.

Vous le saviez peut-être pas, mais SNC-Lavalin est co-propriétaire de l’autoroute 407, située au nord de Toronto, que l’ancien premier ministre très à droite de cette province, Mike Harris, avait privatisée en 1997 à SNC-Lavalin par l’octroi d’un bail de 99 ans. Depuis 1997, l’autoroute est très rentable pour SNC-Lavalin grâce à des frais de péage très élevés imposés par le gestionnaire privé, qui relèvent carrément du vol, si bien que le gouvernement ontarien veut amener son « partenaire » SNC-Lavalin en Cour afin de faire baisser les prix et obtenir un droit de regard sur les hausses de tarification décrétées régulièrement par le consortium privé.

SNC-Lavalin s’intéresse aussi à la privatisation de la voie maritime tel qu’illustré par cet article du journal Les Affaires du 3 juin 1995, intitulé : « Commercialisation de la voie maritime : les visées de SNC-Lavalin suscitent des critiques ». Les firmes privées qui utilisent fréquemment la voie maritime du Saint-Laurent s’inquiétaient alors grandement qu’elle soit cédée à SNC-Lavalin qui voulait financer le tout par le biais d’imposition de tarifs et de droits d’éclusage. En lieu et place de la privatisation à une firme privée, les utilisateurs de la voie maritime ont demandé la création d’une société sans but lucratif, ce qu’ils ont obtenu du gouvernement libéral.

Imaginez si les firmes privées qui empruntent le service public qu’est la voie maritime s’opposent à la privatisation ou à un partenariat public-privé avec un des leurs du privé comme SNC-Lavalin, pourquoi donc alors ne serait-il pas aussi néfaste pour les utilisateurs publics, c’est-à-dire la population, d’un service public de privatiser ou d’impartir ce dit service public à une firme privée ?

En somme, au dire même des dirigeants de SNC-Lavalin, l’État ne peut tout faire, mais SNC-Lavalin le peut. SNC-Lavalin gère où s’est montrée intéressée à gérer les services publics suivants : eau, aqueducs, transport en commun, autoroutes, ponts, tunnels, prisons, hôpitaux, aéroports, voie maritime, production et distribution d’électricité et de production et de gaz naturel, immeubles et parcs, camps militaires, fabrication d’armement, entre autres, de munitions.

Soyons toutefois positif, l’avantage de voir SNC-Lavalin gérer tous nos services publics sans exception, ferait que nous recevrions une seule facture par mois pour notre utilisation de tous ces services. C’est ce qu’on appelle le guichet unique.