Pour faire simple : bélugas et syndicats, même combat

Poumons et vessie sont les cancers de l'aluminerie

Le journal Le Devoir titrait en date du 21 janvier 2005 : Cancérigène, le téflon ? L’article référait à une poursuite intentée en décembre dernier par le ministère fédéral de l’Environnement aux États-Unis (Environmental Protection Agency (EPA)) contre la multinationale DuPont, accusée d’avoir dissimulé des informations importantes sur les risques courus par les humains exposés aux acides perfluoro-octanoniques (APFO).

Ces molécules à risque, présentes entre autres dans les antiadhésifs appliqués sur les poêlons et casseroles, dans des produits imperméabilisants, des lubrifiants et même dans la chaîne de production alimentaire, pourraient être responsables de certains cancers, de malformations congénitales et d’autres maladies et problèmes environnementaux.

Un phénomène semblable au sujet de l’aluminium au Québec a été mis en lumière lors d’une session sur la contamination de la chaîne alimentaire, lors du Colloque international sur la Santé des femmes et l’environnement, qui s’est déroulé ces 20, 21 et 22 janvier à l’Hôtel Hyatt-Regency, à l’initiative du Réseau Québécois des femmes en environnement (RQFE).

Cette séance, intitulée Beluga, cancer et polluants était animée par Daniel Martineau, chercheur et professeur de la Faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Selon les résultats des études et examens réalisés par son équipe sur les bélugas échoués sur les côtes entre 1983 et 2002, « les alumineries créent beaucoup de pollution. Dans le golfe du Saint-Laurent, on retrouve 10 % des compagnies productrices d’aluminium au monde. On peut retracer d’où vient le mammifère repêché seulement par le niveau de toxicologie de ses tissus. Ce niveau est 10 fois supérieur dans les eaux du Saint-Laurent que dans l’Arctique ».

Précisons que les mammifères au sommet de la chaîne alimentaire (ex. : le béluga et l’humain), consomment toutes les substances toxiques accumulées dans le poisson et autres organismes qu’ils ingèrent. Comme l’explique Daniel Martineau : « Les substances toxiques s’accumulent dans les tissus graisseux. On constate une bioaccumulation importante des contaminants dans l’organisme du béluga, qui, comme celui de l’humain, contient une plus grande quantité de lipides que n’importe quel autre organisme des maillons inférieurs de la chaîne alimentaire. Les femmes en absorbent également plus que les hommes. La mère transfère ces contaminants au nouveau-né par le lait maternel, qui devient donc l’être le plus contaminé de toute la chaîne ».

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) constituent une famille de composés dont les membres sont présents en quantité abondante dans l’environnement des bélugas. D’après les résultats des chercheurs de la Faculté de Médecine vétérinaire : « la plus grande partie des HAP trouvés dans le Saguenay provient des alumineries situées en amont. Ils sont émis dans l’atmosphère durant l’électrolyse de la bauxite. La formation de HAP dérive de la combustion incomplète des matières organiques. (Les matières organiques sont composées en grande partie de carbone). Ainsi, les feux de forêt, les volcans, la cigarette mais également plusieurs procédés industriels sont tous des sources de HAP dont certains sont utilisés pour la production d’aluminium ».

La zone du Saint-Laurent la plus concentrée en produits toxiques dérivant de la transformation de l’aluminium, selon cette étude, se situe entre les villes de La Baie et de Chicoutimi. Pas étonnant alors qu’une proportion élevée de cas de cancers du poumon et de la vessie ait été détectée chez les travailleurs de l’aluminium en amont de la rivière Saguenay, maintenant couverts par la CSST. Le même rapport quant au taux et à la nature des cancers a été observé chez les 100 bélugas examinés par l’équipe entre 1983 et 2002.

L’aluminium est le métal le plus abondant sur la terre; on le retrouve dans le sol, dans l’eau et dans l’air. On utilise également l’aluminium et ses composés dans les produits alimentaires, dans les médicaments, dans les produits de consommation (ex. : les ustensiles de cuisson et le papier d’aluminium) et pour le traitement de l’eau potable.

Malgré le peu de données fiables disponibles afin d’établir la nature des effets de l’aluminium absorbé par l’organisme, on peut lire sur le site Internet de Santé Canada que « de nombreuses données indiquent maintenant que l’aluminium peut avoir des conséquences néfastes pour le système nerveux des êtres humains et des animaux ».

Environnement Canada abonde dans le même sens : « une grande partie des produits chimiques qui pénètrent dans l’eau, même en quantité minime, sont toxiques pour l’être humain, les plantes et les animaux. Les BPC et les PPC (phénols polychlorés) en sont des exemples typiques ». L’aluminium, l’arsenic et les sous-produits du chlore font également partie de cette soupe chimique à laquelle nous nous abreuvons.

Aux États-Unis, plus de quarante ans se sont écoulés entre les premiers avertissements servis à la compagnie DuPont quant aux risques de contamination des humains exposés aux APFO et l’intervention officielle du ministère fédéral de l’Environnement (EPA). Combien d’années mettra le Canada pour appliquer sa propre loi rendant obligatoire l’examen de plus de 30 000 produits chimiques d’usage courant ? Le décompte est commencé…depuis 25 ans.