29 millions $ pour financer l’opposition démocratique

La Commission d’assistance à un Cuba libre

En mai 2004, la Commission d’assistance à un Cuba libre, dirigée par l’ex-secrétaire d’État de George W. Bush, Colin Powell, rendait public un rapport qui n’attribue aucun rôle à la « société civile » et aux « dissidents » cubains.

En effet, le rapport recommande que des comités états-uniens pilotent la « transition vers la démocratie » en définissant tout: constitution cubaine, modèles de production et de distribution des biens, normes électorales, institutions (étatiques, régionales, locales) et conversion en propriété privée de toute propriété collective.

Malgré ça, nous dit Salim Lamrani, chercheur français spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis, les seuls dissidents qu’on trouve à Cuba appuient furieusement les États-Unis et ont le culot d’affirmer au monde entier représenter « le peuple de Cuba ».

C’est que certains de ces « dissidents » sont très grassement rémunérés pour leurs activités. Depuis la commission Powell, une somme annuelle de 29 millions de dollars pour l’organisation d’une « opposition démocratique cubaine et d’une société civile » s’ajoute aux 7 millions $ déjà gérés par l’Agence états-unienne pour le développement international (USAID) depuis la loi Helms-Burton, en 1996.

La Section des intérêts nord-américains (SINA), sorte de consulat états-unien dirigé à La Havane par James Cason, est chargée de fédérer toutes les forces d’opposition, tracer les directions à suivre et voir à la bonne marche du processus de subversion dans son ensemble.

En mars 2003, quand les autorités cubaines ont arrêté et emprisonné 75 « dissidents » et que la presse occidentale a aussitôt dénoncé les sanctions contre des « militants pacifiques et journalistes indépendants », on a appris que presque tous les condamnés n’exerçaient aucune profession et vivaient de l’argent offert par les États-Unis.

Leurs honoraires élevés en comparaison du niveau de vie de la société cubaine, nous apprend Lamrani, ont conduit certains d’entre ces « dissidents » à accumuler de petites fortunes personnelles (jusqu’à 16 000 $) dans un pays où le salaire moyen oscille entre 15 et 20 $ par mois.

« Ils menaient un train de vie bien supérieur à celui des Cubains, poursuit Lamrani, en plus de profiter des incomparables privilèges garantis par un système social par ailleurs tant vilipendé par ces mêmes mercenaires ».

« Par exemple, avec un dollar, un cubain peut acheter 104 litres de lait, 45 kilos de riz, entre 5 et 26 billets de baseball, théâtre ou cinéma, 5200 kilowatts d’électricité ou cinq cours d’anglais télévisés d’une durée de 170 heures chacun ».

« À cela s’ajoute la gratuité des services d’éducation, de santé et des activités sportives en plus du fait que 85 % des Cubains sont propriétaires de leur habitation et ne paient aucun loyer, que l’impôt n’existe pas à Cuba et que les médicaments achetés en pharmacie coûtent 50% de moins que ce qu’ils valaient il y a cinquante ans ».

Le cas du « poète et libre penseur» Raul Rivero, le plus illustre des « dissidents » de 2003, montre l’ampleur de la campagne de désinformation contre Cuba. Condamné à 20 ans de prison, Rivero est libéré après seulement 18 mois pour des raisons humanitaires.

Pendant son emprisonnement, l’épouse de Rivero, Blanca Reyes, déclare à Reporters sans frontières que son mari se trouve « dans des conditions de détention infra-humaines ». Elle ajoute devant une presse internationale qui boit ses paroles: « Je veux qu’on sache qu’il a faim, qu’il se meurt de faim ! »

Mais le Rivero qui sort de prison en novembre 2004 est en excellente santé, comme n’avaient cessé de le dire les autorités cubaines. Il étrenne même un peu d’embonpoint et raconte avoir dévoré le dernier roman de Gabriel Garcia Marquez.

Une autre « innocente dissidente cubaine » est la neurochirurgienne Hilda Molina, fondatrice du Collège médical indépendant de Cuba (CMIC), financé par la SINA de James Cason.

Deux jeunes Cubains, Pedro Luis Veliz et Ana Rosa Jorna Calixto, ont infiltré l’organisme « indépendant » et leurs découvertes sont rapportées dans le livre Disidentes de Luis Baez et Rosa Miriam Elisalde. Alors que les chiffres de la SINA parlent de 800 membres, les deux infiltrateurs cubains n’en ont jamais dénombré plus de 20 dans toute l’île.

Veliz se voit même offrir la présidence du CMIC quand son prédécesseur (Augusto Madrigal, médecin sanctionné pour corruption) est envoyé au Chili par Timothy Brown, agent de la CIA notoire travaillant à la SINA. La mission de Madrigal : convaincre des professionnels chiliens de la santé d’appuyer les « médecins cubains dissidents » et d’exiger publiquement de Cuba des « élections libres » et le « respect des droits de l’homme ».

Dès son entrée en fonction, Veliz reçoit un coup de téléphone de Manuel Alzugaray Perez de la Miami Medical Team Foundation. Ce dernier propose alors à Veliz un projet baptisé « Réveiller les sourires » qui consiste à faire sortir de Cuba des enfants malades afin qu’ils soient opérés à l’étranger.

Le collège médical soi-disant « indépendant » doit recruter des familles volontaires avec l’aide de Radio Marti, la radio clandestine émettant sur tout le territoire cubain, et le projet est suivi de près par Roger Noriega, assistant secrétaire d’état états-unien aux affaires de l’hémisphère ouest.

Mais les arrestations de 2003 mettent fin aux activités du CMIC de Mme Molina. Pressée de faire connaître les « persécutions » dont elle est une « victime innocente », la neurochirurgienne se désigne alors un porte-parole mondial en la personne de Wilfredo Ventura, président de World Health Care (Santé mondiale).

Ce dernier se vante que son organisme a récemment proposé au gouvernement cubain de lui fournir gratuitement et à toutes les huit ou douze semaines entre 300 et 500 tonnes de médicaments, équipements médicaux, aliments pour enfants et autre matériel reliées à la santé.

Il y avait toutefois une condition attachée à cette générosité: l’aide devait être distribuée aux quatre coins du pays par des « ONG cubaines » telles les associations catholiques, juives, maçonniques ou protestantes, les syndicats « indépendants » et les organismes « dissidents » tels le CMIC.

Non seulement, dit Lamrani, cette condition profite « à merveille » de l’embargo états-unien qui fait souffrir toute une population, mais tous ces « projets humanitaires » cherchent à ternir l’image de l’une des plus belles réussites de la révolution cubaine: son système de santé.

Pour sa part, une autre « militante pacifique du changement et des réformes », l’économiste cubaine Marta Beatriz Roque, de l’Institut cubain des économistes indépendants (autre récipiendaire de l’argent de Washington), annonce la tenue d’un congrès pour le 20 mai 2005 soulignant le 103e anniversaire de la fondation de la République de Cuba.

Or, cette « fondation » incorporait l’amendement Platt qui faisait de l’île cubaine un quasi-protectorat états-unien. Plus personne ne célèbre ce traité à l’exception de l’extrême droite cubaine de la Floride et des « militants des droits humains » comme madame Roque.