Une bombe qui va péter dans la face de Wal-Mart

Les Québécois allergiques à l’anti-syndicalisme

En septembre 2004, le monde apprenait que le Wal-Mart de Jonquière était le premier magasin de cette chaîne à être syndiqué. Cinq mois plus tard, le 9 février 2005, Wal-Mart annonçait la fermeture, pour piètre performance financière, de son magasin de Jonquière, mettant ainsi à la rue 190 travailleuses et travailleurs en mai prochain.

Cette décision de Wal-Mart a soulevé la colère et l’indignation de l’opinion publique québécoise si bien que Wal-Mart a dû payer des pages de publicité dans tous les médias québécois sauf dans la région de Chicoutimi. En fait les Québécois sont allergiques à l’anti-syndicalisme, particulièrement lorsqu’il est pratiqué par des multinationales qui utilisent le terrorisme économique pour bloquer la syndicalisation de leurs travailleurs.

Rappelons-nous McDonald de St-Hubert et McDonald sur la rue Peel à Montréal : « tu te syndiques, je t’enlève ton pain sur la table ». Tel est le message que McDonald et maintenant Wal-Mart envoient aux travailleuses et travailleurs qui veulent se syndiquer.

Cependant, personne au Québec ne croit aux difficultés économiques du magasin de Jonquière. C’est plutôt la demande syndicale d’arbitrage de première convention collective qui a amené Wal-Mart à porter son grand coup de façon à déstabiliser le syndicat TUAC-FTQ de Jonquière et de St-Hyacinthe (le 2e magasin syndiqué) ainsi que les sept autres démarches de syndicalisation du plus gros détaillant au monde sur le territoire québécois. Heureusement, selon les dirigeants des TUAC-FTQ au Québec, l’opération signature de cartes se poursuit et Wal-Mart s’est entendu avec le syndicat TUAC sur le choix d’un arbitre pour l’arbitrage de la première convention collective à Chicoutimi. Même si la fermeture du magasin est annoncée pour mai prochain, une première convention collective pourrait servir de modèle pour la campagne nationale que mènent les TUAC. Présentement, la Saskatchewan est ciblée et il y a sept tentatives en Colombie-Britannique.

En 2004, Wal-Mart a annoncé une progression de 13 % de ses profits nets soit 10,2 milliards et 285 milliards de ventes. Face à ces résultats faramineux, le président Lee Scott a déclaré « on peut faire mieux ». Ce dernier gagne 5,74 millions par année alors que les « associés » empochent 8,23 $ l’heure pour un salaire annuel de 13 861 $, soit près de 1 000 $ sous du seuil de pauvreté pour une famille de trois personnes aux États-Unis. Rappelons qu’un « associé » qui a un poste régulier temps plein chez Wal-Mart travaille 28 heures par semaine.

Dans les faits, la politique d’exploitation de ses « associés » est une véritable bombe à retardement. Wal-Mart est l’objet d’une quarantaine de poursuite pour avoir imposé du temps supplémentaire sans salaire et pour discrimination salariale dans le traitement appliqué aux femmes par rapport aux hommes et ce depuis 1998. Le recours collectif touche 1,6 millions de travailleurs. C’est le plus important recours collectif jamais engagé aux États-Unis en matières de droits civils.

De plus, Wal-Mart embauche des immigrants illégaux. La police des États-Unis a dû procéder à 300 arrestations et 1 436 infractions aux lois et règlements concernant l’emploi d’enfants ont été recensées selon des informations disponibles sur Internet à propos de Wal-Mart. Une enquête a aussi révélé que trois employés sur cinq ne peuvent pas se payer le plan d’assurance-maladie de la compagnie.

Les femmes, qui représentent 72 % des employés de Wal-Mart, sont payées 6 % de moins que les hommes. Aux États-Unis les 750 000 vendeuses « associées » reçoivent 7,63 $ l’heure. 90 % des gérants sont des hommes et les plus haut postes de gestions dans la hiérarchie occupés par des femmes sont payés 30 % de moins que les hommes. La femme salvadorienne qui produit le pantalon vendu 16,95 $ pièce aux États-Unis est payée 15 ¢ pour son travail.

La politique de bas prix de la compagnie saigne aussi ses fournisseurs. Plusieurs ont dû fermer leurs portes ou délocaliser leur entreprise pour faire face aux objectifs de Wal-Mart qui dicte les prix, la production, les dates de livraison, l’emballage, la qualité, le volume… Dans les faits, c’est tout le plan d’affaire qui est sous la botte du géant. Coke a dû s’adapter et livrer le dimanche, Procter & Gamble a dû installer ses centres de distribution à proximité des sites de la compagnie. D’autres fournisseurs sont devenus des distributeurs de produits chinois.

Sur le déficit de 500 milliards de la balance commerciale des États-Unis en 2003, Wal-Mart importait pour 12 milliards de produits chinois.

En février dernier, on apprenait que la ville de Beloeil empêcherait Wal-Mart de s’installer sur son territoire. Ce phénomène se développe aussi aux États-Unis où des villes et États bloquent le développement de Wal-Mart : Oakland, Chicago, Kansas City, le Massachusetts, la Floride, l’Iowa, l’Illinois, le Texas, New York et Milwaukee.

De plus en plus de citoyennes et citoyens, d’États, de villes, de provinces constatent que les bas prix de Wal-Mart, qui s’appliquent à seulement 10 % de leurs produits, ne sont qu’un leurre nuisible à l’économie et à la société dans une perspective à moyen terme.

Les cinq membres de la famille Walton qui contrôlent les 90 milliards de Wal-Mart ne sont en fait qu’une partie du visage hideux de la mondialisation néo-libérale.