Les perruques de Félix

Tous ceux qui n’aiment pas la série de Claude Fournier ont oublié que le Félix Leclerc d’antan n’a pas toujours été le Félix dont on se souvient plus volontiers – celui d’hier. Le Félix autorisé. Le Félix souverainiste. Se rappellent-ils d’avoir lu Adagio (1943), Allegro (1944) et Andante (1944). Et d’avoir eu peur de les recevoir en prix pour une deuxième ou une troisième fois. Inexorablement parce que les prix remis aux étudiants méritants à la fin de l’année scolaire étaient distribués par l’honorable Maurice Le Noblet Duplessis, ou par sa secrétaire, Auréa Cloutier. C’était une manière de commandite pour les bonnes maisons d’édition.

Un bon prix se devait d’être en accord avec la politique d’un gouvernement d’Union nationale qui favorisait une évolution progressive du milieu rural en promettant son électrification progressivement évoluante.

Électeurs, électrices, électricité ! C’est limpide. Votez bleu et vous aurez le courant ! Une rougeur d’hésitation et l’ère de la chandelle et de la lampe à l’huile se prolongera encore quelque temps pour encourager la réflexion. Pas de progrès sans avancement et pas d’avancement sans progrès !

Le premier Leclerc a porté allègrement la perruque de cette électrification partisane tout comme celle de ce retour à la terre défendu par la très orthodoxe maison Fides. C’est ce que racontent les premiers épisodes de la série de Fournier.

Puisse le fils Leclerc découvrir un jour un père tout aussi vrai. Celui d’avant l’Alouette en colère. Celui aussi de toutes ces perruques qu’il a portées et nous a fait porter.

Un classique de ces grands prix fut Les fleurs de la poésie canadienne, publié en 1924 par la maison Beauchemin et imprimé en Belgique. Le droit d’auteur était enregistré comme il se doit en cette époque ruralisante, au ministère de l’Agriculture.