On assiste à la naissance d’une génération politique

Rien à dire du côté de la relève n’a plus cours

*Les événements défilent à un rythme démentiel. Nous assistons, spectateurs ou acteurs, à une période qui tiendra lieu de landmark dans le paysage politique et historique québécois. Le tout, évidemment, bien trop rapidement pour que nous puissions être en mesure d’en évaluer les impacts. Reste que nous avons vécu des moments qui seront au programme des cours d’histoire durant les prochaines décennies. C’est à la naissance d’une génération politique que nous sommes conviés.

L’icône de la génération politique au Québec est sans aucun doute celle de nos parents. La génération qui avait 20 ans en 1968. Ceux-là même qui ont été marxistes-léninistes, indépendantistes, sociaux-démocrates, souverainistes, souverainistes-associationistes, capitalistes, resociaux-démocrates et autres.

Cette génération est encore aujourd’hui, et sans doute avec raison, considérée comme la plus politisée du XXe siècle québécois. C’est d’eux que sont issus nos chroniqueurs journalistiques, nos analystes politiques, nos professeurs, nos modèles. Ils forment notre élite intellectuelle et n’avaient, jusqu’ici, rien à craindre de la relève.

Ce n’est certainement pas la génération des 35-45, la génération X, qui allait sonner le glas de leur règne. Cette frange de la population, en réaction totale face à leurs prédécesseurs, s’est fait un point d’honneur d’évacuer de son horizon tous les héritages possibles des boomers. Ceux-là même qui se réfugient sur les ondes de CHOI ont abdiqué la pensée critique et le raisonnement politique, prenant la gent politique comme responsable de toutes les calamités dont elle a été victime.

Un souffle nouveau émerge. Un virage majeur vient de survenir au Québec, et cela, dans un intervalle incroyablement court.

Les jeunes adultes d’aujourd’hui viennent de prendre le plancher et ils n’entendent pas se laisser marcher sur les pieds. Après avoir été depuis dix ans une génération politisée, elle vient d’éclore en une génération politique. Aujourd’hui, en 2005, les étudiants québécois reprennent leur rôle d’acteurs politiques au niveau national, au niveau du Québec.

Deux éléments viennent expliquer ce fait. Le recentrage de l’altermondialisme primaire vers des intérêts nationaux et la conscientisation au politique sont les causes principales qui expliquent que des centaines de milliers d’étudiants retrouvent une conscience nationale jadis perdue.

Depuis le référendum de 1995, rares étaient les moins de 30 ans captivés par la politique québécoise. Avec le courant de mondialisation des années 80 et le commencement de la dissidence envers cette façon de voir le monde, la junte politisée québécoise s’est réfugiée dans l’international au cours des dix dernières années. Les nationalismes étaient démodés, archaïques et rétrogrades, l’ouverture au monde, le regard tourné vers l’autre et la pensée altermondialiste sinon antimondialiste étaient à la mode. Un total désintéressement de la politique nationale s’est opéré auprès de cette partie de la population, et le terrain politique est resté vacant.

La grève étudiante marque un retournement de situation. Elle bat le rappel des troupes à domicile. Il y a péril en la demeure et il est grand temps de s’en occuper. Avec la mobilisation inégalée des dernières semaines au Québec, l’attention des étudiants s’est portée, chose rare depuis plusieurs années, vers l’intérêt national québécois.

Au cours du dernier mois, des centaines de milliers d’étudiants ont décidé de faire la grève pour défendre un idéal de société. Ils ont choisi de sacrifier une partie sinon la totalité de leur session à la défense d’un modèle de société, le modèle québécois. Sans pour autant être nationalistes, c’est pour défendre la particularité québécoise qu’ils se sont mobilisés.

Cet état de fait pourrait avoir bien des répercussions à long terme. Loin de s’arrêter à la seule rétrocession des 103 millions de dollars, ce mouvement aura jeté les bases de la société politique que sera le Québec des prochaines années. En ramenant l’attention de la jeunesse vers des intérêts nationaux et en politisant une partie de la population jusque-là complètement étrangère à cette sphère, c’est une conscience nationale que le gouvernement vient de créer.

L’ironie du sort veut que ce soit un gouvernement fédéraliste qui ait stigmatisé l’attention de la jeunesse vers la scène politique québécoise et qu’il l’ait fait monter aux barricades pour défendre l’intérêt national. Bob Rae, ancien premier ministre néo-démocrate de l’Ontario et président du conseil d’administration du Conseil de l’unité canadienne vient d’ailleurs de sonner l’alarme. Selon lui, le gouvernement Charest pourrait bien être l’élément gagnant d’un futur référendum sur la souveraineté. Nul doute que l’option souverainiste québécoise se sera trouvé de nouveaux adeptes durant cette grève.

Nos parents nous ont parlé de leur 1968, nous pouvons maintenant parler de notre 2005. Ils nous ont entretenus de leur défaite de 1980, nous pourrions bien leur parler de notre victoire de 2009.

* Étudiant, Science politique, UQÀM