Bush et Sharon préparent une opération conjointe

Les États-Unis n’encouragent pas Israël à attaquer l’Iran

Au début du deuxième mandat de Bush, le vice-président Dick Cheney a lancé une véritable bombe. Il a laissé entendre, en termes clairs, que l’Iran était « en tête de liste » des « voyous » ennemis de l’Amérique, et qu’Israël « ferait le bombardement pour nous », sans implication militaire des États-Unis ou « pression de notre part ».

Commentant cette déclaration du vice-président, l’ancien conseiller en matière de sécurité nationale Zbigniew Brzezinski confirmait sur les ondes de PBS que Cheney voulait que le premier ministre israélien Ariel Sharon agisse en sous-main au nom des États-Unis. Selon lui, ces déclarations du vice-président ressemblaient fort à « une justification ou même un encouragement à Israël [pour effectuer les bombardements pour nous] ».

Ces affirmations sont trompeuses. Les États-Unis « n’encouragent » pas Israël. Il s’agit en réalité d’une opération conjointe américano-israélienne visant à bombarder l’Iran, en préparation depuis plus d’un an. Les néoconservateurs au département de la Défense, sous Douglas Feith, ont travaillé assidûment avec leurs homologues israéliens pour identifier des cibles en Iran.

Au cours des deux dernières années, Washington a été impliquée dans des opérations clandestines en Iran. Des agents du renseignement et des forces spéciales américaines et britanniques sont impliqués dans cette opération, en collaboration avec leurs vis-à-vis Israéliens.

CNN rapporte que Téhéran a confirmé qu’elle répliquerait si attaquée, sous la forme d’une frappe de missiles balistiques dirigés contre Israël. Ces attaques cibleraient aussi les installations militaires américaines dans le Golfe, ce qui mènerait immédiatement à une escalade militaire et la guerre totale.

De plus, les attaques prévues contre l’Iran devraient aussi être comprises en relation avec le retrait des troupes syriennes du Liban, qui a ouvert un nouvel espace pour le déploiement des troupes israéliennes. La participation de la Turquie, à la suite d’un accord entre Ankara et Tel Aviv, est aussi un facteur.

Les stratèges américains et israéliens doivent bien soupeser les conséquences de leurs actes.

Cibler l’Iran constitue un projet bi-partisan, qui sert les intérêts des conglomérats pétroliers anglo-américains, de l’establishment financier de Wall Street et du complexe militaro-industriel.

La région du Moyen-Orient élargie et de l’Asie centrale recèle plus de 70 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel. L’Iran possède 10 % du pétrole mondial et se classe troisième après l’Arabie Saoudite et l’Irak pour la taille de ses réserves. En comparaison, les États-Unis possèdent 2,8 % des réserves globales de pétrole.

Selon l’ancien inspecteur en armement Scott Ritter, George W. Bush aurait déjà donné les ordres nécessaires à une attaque aérienne contre l’Iran, planifiée pour juin. Cela ne veut pas dire que l’attaque aura lieu en juin. Il faut plutôt comprendre que les États-Unis et Israël sont prêts et préparés à lancer une attaque dès juin ou à une date ultérieure. En d’autres mots, la décision de lancer l’attaque n’a pas été prise.

Les observations de Ritter concernant une opération militaire imminente devraient neanmoins être prises sérieusement. Au cours des derniers mois, plusieurs indices portent à croire qu’une opération militaire majeure est en préparation.

1- Plusieurs exercices militaires de la plus haute importance ont eu lieu, incluant des déploiements militaires et l’essai de systèmes d’armements.

2- Des réunions de planification militaire ont été tenues entre les parties impliquées. Des responsables militaires et gouvernementaux ont fait la navette entre Washington, Tel Aviv et Ankara.

3- Un changement significatif a été apporté à la structure de commandement militaire israélienne, avec la nomination d’un nouveau chef d’État-major.

4- D’intenses échanges diplomatiques ont été tenus au niveau international dans l’optique de sécuriser des zones de coopération militaire et/ou de soutien aux opérations militaires américano-israéliennes contre l’Irak.

5- Les opérations du renseignement à l’intérieur de l’Iran ont été intensifiées.

6- Fabrication du consensus : la propagande médiatique sur la nécessité d’intervenir en Iran a été intensifiée, avec des rapports quotidiens sur la façon dont l’Iran constitue une menace à la paix et à la sécurité globale.

Au cours des derniers mois, plusieurs initiatives clés ont été prises, qui indiquent elles aussi qu’un bombardement de l’Iran est en vue.

Janvier 2005 : Les États-Unis, Israël et la Turquie tiennent des exercices militaires dans la Méditerranée orientale, au large de la Syrie.

Février : À la suite de la décision prise à Bruxelles en novembre, Israël est impliquée pour la première fois dans des exercices militaires avec l’OTAN, et avec plusieurs pays arabes.

Février : L’ancien premier ministre libanais Rafik Hariri est assassiné. L’assassinat, qui fut blâmé sur la Syrie, sert les intérêts israéliens et américains et a été utilisé comme prétexte pour demander le retrait des troupes syriennes du Liban.

Février : Sharon renvoie son chef d’État-major, Moshe Ya’alon, et nomme à sa place le général de l’armée de l’air Dan Halutz. Il s’agit de la première fois dans l’histoire qu’un général de l’aviation est nommé chef d’État-major.

Mars : Le secrétaire-général de l’OTAN se rend à Jérusalem pour des discussions à la suite de l’exercice conjoint Israël-OTAN de février. Ces liens de coopération militaire sont vus par l’armée israélienne comme une façon d’améliorer « les capacités de dissuasion d’Israël concernant les ennemis potentiels la menaçant, principalement l’Iran et la Syrie. »

Fin mars 2005 : Des fuites médiatiques en Israël, indiquent une « autorisation initiale » par le premier ministre Ariel Sharon d’une attaque israélienne contre l’usine d’uranium enrichi iranienne de Natanz « si la diplomatie échoue à stopper le programme nucléaire iranien ».

Mars-avril : Tenue en Israël d’exercices conjoints avec les États-Unis portant spécifiquement sur le lancement de missiles Patriotes.

Avril : Donald Rumsfeld est en visite officielle en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, au Kirghizstan et en Azerbaïdjan. Ses efforts diplomatiques sont décrits par la presse russe comme « encerclant littéralement l’Iran dans une tentative de trouver la meilleure tête de pont pour une possible opération militaire contre ce pays. »

Avril : L’Iran signe un accord de coopération militaire avec le Tadjikistan, qui occupe une position stratégique près de la frontière nord de l’Afghanistan.

Mi-avril : Le premier ministre Ariel Sharon rencontre George W. Bush à son ranch du Texas. Sa visite fut utilisée pour mener des discussions de haut niveau entre les stratèges militaires des deux pays.

Fin avril : Le président russe Vladimir Poutine est en Israël en visite officielle. Il annonce la décision de la Russie de vendre des missiles antiaériens à courte-portée à la Syrie et de continuer à soutenir l’industrie nucléaire iranienne. Sa visite doit être interprétée comme un « signal à Israël » concernant ses plans d’attaque contre l’Iran.

Fin avril : Les pressions américaines à l’Agence internationale de l’énergie atomique sont exercées dans le but de bloquer le renouvellement du mandat de Mohammed Al Baradei, qui, selon les autorités américaines, « n’est pas assez dur envers l’Iran ».

Fin avril début mai : Le premier ministre turc se rend en Israël, accompagné de son ministre de la Défense, qui rencontre plusieurs dirigeants militaires israéliens. Tel Aviv et Ankara décident d’établir une ligne d’urgence pour partager du renseignement militaire.

Mai : Retrait prévu des troupes syriennes du Liban, menant à un changement majeur de la situation au Moyen-Orient, en faveur d’Israël et des États-Unis.

Les États-Unis ont des troupes et des bases militaires en Turquie, au Pakistan, en Azerbaïdjan, en Afghanistan et, bien-sûr, en Irak. En d’autres mots, l’Iran est entourée de bases américaines. Ces pays, tout comme le Turkménistan, ont des accords de coopération avec l’OTAN.

Nous sommes aux prises avec un scénario potentiellement explosif dans lequel certains pays, incluant plusieurs anciennes républiques soviétiques, pourraient être entraînés dans une guerre des États-Unis contre l’Iran.