Mulcair vient à la rescousse avec ses PPP clés en main

Quand la privatisation ne fonctionne plus

Le 5 mai 2005, l’Assemblée nationale du Québec a voté à l’unanimité le projet de loi 62 permettant aux municipalités et MRC de réaliser des Partenariats public-privé (PPP) dans le domaine de l’eau sous le vocable de « clé en main ». Une porte ouverte aux villes affamées de revenus et aux multinationales de l’eau pour qu’elles gèrent les Services d’eau de nos villes sur des périodes de 25 ans, en fournissant du capital, et en se faisant rembourser par des taxes spéciales imposées aux citoyens et citoyennes.

De plus, la même loi concrétise une autre contribution à la dénationalisation partielle de la production de l’électricité en permettant aux villes et MRC de s’associer en PPP avec des producteurs privés pour produire de l’électricité au détriment des revenus d’Hydro-Québec

Comment en sommes-nous arrivés là ? D’un côté, depuis 1980, l’État central se retire de plus en plus de la prestation des services publics. Les villes et MRC ont un fardeau de plus en plus important de responsabilités sans avoir en main la totalité des budgets correspondants. Ce manque d’argent les affame. Depuis, elles acceptent n’importe quoi pour éviter d’augmenter la taxe foncière tout en maintenant le niveau des services à la population.

D’un autre côté, depuis les premières vagues de privatisation lancées au Chili et en Angleterre, les multinationales ont bénéficié, grâce à la complicité de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, d’une manne financière qui s’est retournée contre eux.

Prenons le cas de l’eau. Les investissements furent si importants que les multinationales ont compris que le fait d’acheter des installations privatisées menait leurs filiales locales à la faillite. En effet, comment être propriétaire et payer pour tout, lorsque le locataire ne peut tout simplement pas payer la facture. Les entreprises n’avaient pas prévu que les populations d’Amérique du Sud ou d’Afrique étaient si pauvres que, devant des hausses de prix de plus de 100 %, elles se rebifferaient, comme le font présentement les citoyens et citoyennes d’El Alto, en Bolivie.

Malgré les appels du Conseil mondial de l’Eau pour que ces pays restructurent leur économie de manière à garantir la sécurité des investissements des multinationales, une autre stratégie devait être mise au point par les multinationales pour s’enrichir, car la privatisation ne fonctionnait plus. Il fallait transférer le risque aux États. Ainsi naquirent les Partenariats public-privé (PPP).

Pendant ce temps, au Québec, les multinationales avait placé leurs pions, tel Yves Séguin, qui était directeur général de la Générale des eaux pour le Canada. C’est ainsi que le plan de privatisation du service de l’eau de Montréal, tel qu’orchestré par Lucien Bouchard, Rémy Trudel et Pierre Bourque, se heurte à Eau Secours! et tomba à l’eau. Les promoteurs du secteur privé se dirent que si c’était très difficile de ce côté, pourquoi ne pas essayer l’électricité, puisque les Libéraux avaient vendu plusieurs dizaines de barrages au secteur privé. La critique était vive et on accoucha même de la Commission Doyon qui, à plusieurs égards, condamna cette pratique de privatisation de barrages hydroélectriques.

Connaissant dorénavant la formule du Partenariat public-privé qui ferait avaler la pilule beaucoup plus facilement à la population, le premier ministre Bouchard confia à Guy Chevrette, « futur » ancien ministre des Ressources naturelles, le même qui aujourd’hui se présente comme Président directeur-général de l’industrie forestière et papetière du Québec., le mandat de concocter, selon les règles des PPP, un nouveau plan de production privé d’électricité par petits barrages sur nos rivières. Encore une fois, la Coalition Eau Secours!, par son programme d’ « Adoption de rivières », évite le pire et empêche la construction de 35 petits barrages privés sur 36 prévus par le plan Chevrette-Brassard-Bouchard.

Après les progressistes-conservateurs de Bouchard arrivent les libéraux-conservateurs de Charest. Tout l’État est remis en question et tous les secteurs de l’économie sont maintenant dans la mire de l’opération PPP. En décembre 2004, le ministre de l’Environnement Thomas J. Mulcair affirme qu’« Il n’a jamais été question de privatiser l’eau au sein de notre gouvernement (...). Il n’est pas question de partenariat public-privé dans la gestion de l’eau…il est fort probable que, si on pouvait partager le risque, parce que c’est l’essence même d’un partenariat public-privé, pour les infrastructures c’est une chose. Mais pas pour la gestion de l’eau et pas pour la propriété de l’eau ». Il faut avouer que cet homme avance des pensées « songées », déjà que les infrastructures en général sont conçues et construites par le secteur privé. Le louvoiement de sa langue de bois parle de quoi au juste ? Mais de PPP, voyons !

En effet, il était brillant de passer un premier projet de loi (61) pour établir une règle générale en créant la loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec. Pour ensuite cacher dans une autre loi, municipale cette fois, les PPP sous le nom de « Clés en main » et de confirmer le programme de production privée d’électricité par petits barrages privés sur nos chutes.

Pour s’assurer d’être bien comprise, dans son mémoire aux députés de l’Assemblée nationale, Eau Secours! déclare : « Toute autre distinction qui renvoie l’étiquette privatisation uniquement à la vente d’actifs nous semble une façon de jouer sur les mots et de tromper la population. »

Dès lors, Eau Secours! fait parvenir à tous les députés autant à l’Assemblée nationale qu’à chacun de leurs bureaux de comté des analyses quant aux effets pervers de ces projets de loi. La Coalition va jusqu’à inviter en sol québécois des représentants des mairies de France, qui s’étaient départis des PPP, pour expliquer aux Québécois et Québécoises les affres de ces contrats iniques vécus en France depuis 25 ans. La ministre des Affaires municipales, invitée à rencontrer la Coalition, se défile et tous s’attendent à ce que l’opposition officielle démasque la supercherie du projet de loi 62.

Pourtant bien au courant qu’il ne s’agit pas de vente d’actifs mais bien de PPP, le représentant de l’opposition officielle, Richard Legendre, lors de l’adoption de la loi en 3e lecture par l’Assemblée nationale, dit : « On nous a rassurés (il parle du Parti libéral du Québec) qu’il n’y avait pas d’intention de privatisation de ce côté-là.... », il ne dénonce pas, il invoque seulement le non-éclaircissement de l’article 34 de la loi et ne dit pas un mot sur la privatisation de la production hydroélectrique. Le voilà rassuré de ce qui n’était même pas un débat. Quelle flagornerie !

Pour l’avenir, la lutte se fera ville par ville, chute par chute… À moins que d’autres personnages politiques ne mettent bientôt à la poubelle de l’histoire ces politiques néo-conservatrices en espérant que ce ne soit pas une poubelle de rebuts recyclables !