Radier le secteur textile du Québec et du Canada

Un des rares gestes conscients du gouvernement Martin

7 mai dernier, le maire Stéphane Gendron et des citoyens-chômeurs de Huntingdon bloquaient la route 138 durant deux jours pour secouer l’apathie des gouvernements Charest et Martin face au drame social qui se joue dans cette localité mono-industrielle du Suroît. 750 chômeurs en 6 mois à cause de la fermeture de ces deux principales industries : la Huntingdon Mills et la Cleyn & Tinker. La cause : la mondialisation des marchés et de l’industrie textile.

Le problème était connu depuis longtemps et le gouvernement Martin n’a pas levé le petit doigt pour appliquer les mesures de sauvegarde prévues aux accords internationaux dans le but de permettre une transition harmonieuse de l’économie de Huntingdon. Le gouvernement Martin a donc décidé de façon consciente de radier le plus rapidement possible le secteur textile du Québec et du Canada.

Avec la perte de ces 750 emplois variant de 13 $ à 17 $ l’heure, Huntingdon fait donc face à un défi colossal de reconversion de l’économie locale, sans parler des problèmes sociaux engendrés par la crise : plus de 50 familles qui perdent leur deux revenus, des enfants qui arrivent à l’école sans « lunch », en plus des dépressions nerveuses, divorces et idées suicidaires qui font tache d’huile chez plusieurs…

Face à cette crise sociale et économique en développement, les différents acteurs du milieu ont décidé de s’organiser. D’abord chaque syndicat concerné, la CSD pour la Huntingdon Mills et les TUAC-FTQ pour la Cleyn & Tinker, ont mis sur pied leur comité de reclassement, avec l’aide d’emploi Québec, pour trouver de l’emploi aux chômeurs et améliorer leur employabilité par la mise à niveau secondaire V pour ceux qui le désirent.

Ils ont aussi obtenu la mise sur pied d’un programme de soutien aux travailleurs du textile dans le cadre de la sécurité du revenu jusqu’au 31 décembre 2005 pour leur permettre à court terme de passer à travers la crise.

Leurs revendications de remise sur pieds du programme P.A.T.A. (Programme d’Aide aux Travailleurs Âgés) aboli en 1998, afin de permettre aux travailleurs et travailleuses licenciés de plus de 50 ans, de façon à faire le pont jusqu’à l’âge normal de la retraite, est demeuré lettre morte. Les gouvernements prétendant favoriser les mesures dites « actives » pour relancer l’emploi. Le P.A.T.A. est vu comme une mesure « passive » et a été abandonné en 1998 pour cette raison. Cette politique ne tient absolument pas compte du drame des travailleurs âgés qui n’ont pratiquement pas de chance de se trouver un emploi. Huntingdon compte 250 chômeurs dans ce groupe. Trop vieux pour retourner sur les bancs d’écoles, usés par le travail, ils sont plus fragiles aux accidents du travail et à la maladie, ils sont évalués comme trop coûteux pour les employeurs.

La décision la plus structurante pour relancer l’emploi a été celle prise par les autorités municipales d’acheter les bâtiments de la Cleyn & Tinker pour les transformer en condos industriels. Des projets intéressants sont en marche et devraient créer une centaine d’emploi d’ici décembre, selon le maire.

Du côté des gouvernements, tout ce que à quoi les citoyens avaient eu droit, ce sont des promesses et du vent. De là le blocage de la 138 les 7 et 8 mai derniers.

En décembre, le ministre de l’Industrie et du Commerce du Québec, M. Audet, promettait la mise sur pied d’un fonds F.I.E.R. (Fonds d’Intervention Économique Régional) de 3 millions pour relancer l’économie de Huntingdon. Le ministre Jean-Marc Fournier, alors ministre des affaires municipales, promettait un million en subventions d’aide à l’achat des bâtiments de la Cleyn & Tinker pour les transformer en condos industriels. Six mois plus tard, le dossier dort dans les méandres du Conseil du Trésor et aucune nouvelle du fond F.I.E.R.

Avec les dernières mises à pied de la Cleyn & Tinker le 27 mai, la fin du chômage pour les travailleuses et travailleurs de la Huntingdon Mills en juin prochain et l’aide à l’investissement qui ne se matérialisait toujours pas, le conseil municipal m’a mandaté, le 2 mai dernier, pour agir comme porte-parole de la ville de Huntingdon pour créer une large coalition intersyndicale afin de faire avancer les revendications du programme d’aide pour les travailleurs âgés et pour bâtir les actions de lobby et de pressions intersyndicales pour la reconversion économique du milieu.

Quelques jours plus tard, le maire et les chômeurs bloquent la route 138 et le 13 mai dernier, le ministre Béchard du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, se déplace au CLD du Haut Saint-Laurent pour annoncer un fond d’investissement de 1,5 million (fonds F.I.E.R. région Haut Saint-Laurent). Un premier pas et en même temps une goutte d’eau face au défi de remplacement des 750 emplois perdus.

Du côté intersyndical, les différentes organisations (CSQ – FTQ – CSN) se réunissaient le 12 mai pour jeter les bases de la coalition qui portera les revendications du milieu pour les mois à venir. Cette coalition travaillera avec les intervenants sociaux réunis autour de la table de concertation action Haut Saint-Laurent.

La coalition intersyndicale entend intervenir publiquement régulièrement tant qu’elle n’aura pas eu gain de cause sur l’aide aux travailleurs âgés, la relance de l’emploi et l’aide gouvernementale aux actions structurantes menées par le Conseil Municipal de Huntingdon.