Reporters sans frontières financé par l’USAID

La prestigieuse ONG n’est pas au-dessus de tout soupçon

De passage à Montréal le mois dernier, le président à vie de la prestigieuse ONG française Reporters sans frontières (RSF), Robert Ménard, a admis publiquement pour la première fois que son organisation est financée en partie par l’USAID, l’agence de développement international des États-Unis, et la National Endowment for Democracy, une organisation du gouvernement américain qui vise la « démocratisation » de la planète.

Ces révélations, qui ont eu lieu lors d’une conférence à l’UQAM, viennent confirmer les thèses du journaliste Jean-Guy Allard, ancien directeur de l’information au Journal de Montréal et aujourd’hui employé du journal cubain Granma internacional. Dans un petit livre surprenant publié chez Lanctôt éditeur, intitulé Le dossier Robert Ménard, pourquoi Reporter sans frontières s’acharne sur Cuba, il accusait carrément RSF et son directeur d’être au service de la politique étrangère de Washington et de la CIA.

L’auteur, spécialiste du terrorisme anti-cubain, explique que l’acharnement de Reporters sans frontières, qui a fait de Cuba son ennemi numéro un, ne tient pas la route. « Dans un continent où plus de 700 de nos confrères ont été assassinés ces quarante dernières années sans qu’un seul ne l’ait été à Cuba, RSF a pourtant choisi cette île des Antilles comme pays à désigner à la vindicte populaire », écrit-il.

En entrevue avec l’aut’journal, il ajoute que la campagne contre Cuba sert clairement des motifs politiques, puisque plusieurs autres pays, dont des alliés des États-Unis, se livrent à des atteintes bien plus graves à la liberté de presse. « Pourquoi est-ce qu’on n’arrête pas d’écœurer Cuba, après avoir vu des scènes de torture de prisonniers irakiens à Abu Ghraib ? Pourquoi est-ce que personne aux États-Unis et à l’ONU n’a protesté lorsque Trudeau a foutu en prison des centaines d’indépendantistes québécois, dont plusieurs étaient journalistes ? » s’interroge-t-il. Jean-Guy Allard souligne au passage que les seuls journalistes emprisonnés à Cuba ont été reconnus coupables de collaboration rémunérée avec une puissance ennemie, un crime passible d’emprisonnement partout dans le monde.

Dans son livre, Jean-Guy Allard rappelle aussi comment RSF était venu appuyer les grands groupes de presse vénézuéliens après leur participation à la tentative de putsch contre le président Hugo Chavez. Le président à vie de Reporters sans frontière, Robert Ménard avait défendu les médias du milliardaire Gustavo Cisneros, parrain de la famille la plus riche d’Amérique latine, qui a déjà fait la manchette des journaux pour avoir empêché la publication d’un livre où l’on attribuait sa fortune à des opérations de blanchiment d’argent. Cisneros et ses collègues putschistes n’ont pas été poursuivis, ni n’ont perdu leur droit d’émettre. Pourtant, Ménard continue à les appuyer face à un Chavez jugé « autoritaire ».

L’auteur du Dossier Ménard souligne aussi la timidité de RSF quand il s’agit de critiquer les États-Unis. Ainsi, la famille du journaliste espagnol José Couso, tué par l’armée américaine en Irak, a rejeté le rapport bâclé de l’ONG sur sa mort, allant jusqu’à demander à Reporters sans frontières de se retirer immédiatement du dossier. Quelques années auparavant, en 1999, quand les missiles de l’OTAN ont tué 16 journalistes serbes à Belgrade, RSF a « oublié » de les comptabiliser dans son rapport annuel.

Jean-Guy Allard n’est d’ailleurs pas seul à s’inquiéter des dérives de l’organisation. Les récents aveux de Robert Ménard sur ses sources de financement ont fait des vagues jusqu’aux États-Unis, où le magazine de la Guilde des journalistes a publié un texte pour souligner le parti-pris et le manque d’objectivité de Reporters sans frontières.