Certains font pipi dedans, d’autres pissent chimique

Nous vivons à plus de 6 milliards dans une grande piscine

C’est l’été et l’eau sera sur tous les fronts, autant en sueurs que politique. D’ici quelques jours, les dernières piscines seront bien remplies de chlore et on ne manquera pas d’expliquer au plus jeune de ne pas faire « pipi dedans ». Leçon de comportement qui semble se perdre à l’âge adulte, surtout lorsqu’on est un propriétaire d’usine qui refroidit ses moteurs à l’eau douce et potable.

Il faut toujours répéter que sur terre il ne se crée pas et ne se perd pas d’eau, donc nous vivons à plus de 6 milliards de personnes dans une grande piscine où les adultes du monde des affaires pissent leurs produits chimiques sans que nos gouvernements interviennent plus qu’il ne faut, soyez-en assurés. D’ailleurs les ministères de l’Environnement se font rares dans le monde et ceux qui existent comme au Québec ou au Canada ont de rachitiques structures dont les hauts fonctionnaires ont identifié les promoteurs d’affaires en tant que clients, et non les citoyens et citoyennes.

Quant aux politiciens, ils n’attendent pas tous d’être passés, comme Guy Chevrette, président directeur-général de l’industrie forestière et papetière du Québec, pour cracher sur la réputation des environnementalistes qui seraient, selon leur savante analyse et connaissance de l’environnement, une cinquième roue de charrette criarde au frottement.

Pourtant ce ne sont pas les environnementalistes qui polluent et gaspillent l’eau. Il ne font que le souligner.

Un coup d’œil à l’échelle mondiale : la palme d’or en matière de gaspillage revient assurément à l’agriculture, qui consomme en moyenne 70 % de l’ensemble des prélèvements d’eau douce et en perd 40 % par le biais de ses systèmes d’irrigation ou 35 % par l’évaporation de l’eau au soleil par le système d’arrosage aérien. (gicleurs). Depuis cent ans, la consommation d’eau par les industries a été multipliée par trente. Les constructeurs ont fait disparaître la moitié des zones humides du globe au cours du XXe siècle.

Aux États-Unis, Silicon Valley compte plus de sites contaminés par l’industrie des technologies que n’importe quelle autre région états-unienne et renferme plus de 150 nappes phréatiques polluées par cette même industrie. En Arizona, 30 % des réserves d’eau souterraines sont contaminées par l’industrie de la haute technologie.

Dans le nord de l’Alberta, l’exploitation d’un site de sables bitumineux ayant la taille du Nouveau-Brunswick recourt à neuf barils d’eau pour produire un seul baril de pétrole.

Au Canada seulement, plus de mille milliards de litres d’eaux usées – un mélange nauséabond d’eau, d’excréments humains, de diluant à peinture, de graisse, d’antigel, d’huile à moteur et de nombreux autres déchets toxiques industriels et domestiques, serait déversé chaque année dans les cours d’eau. On peut comparer ce volume à 7800 kilomètres d’autoroute sur une profondeur de 20 mètres.

Selon une étude du ministère de l’Environnement du Québec, même traitées, les eaux déversées dans les lacs et les cours d’eau demeurent extrêmement toxiques. Quant à l’état des eaux souterraines du Québec, le Ministère fait preuve d’une consternante méconnaissance, ignorant le potentiel des aquifères, leur vulnérabilité, leur recharge et leur qualité.

Mais on sait par contre qu’un grand nombre de matières toxiques ne se décomposent pas et qu’elles remontent la chaîne alimentaire à des concentrations de plus en plus élevées. Selon le ministère de l’Environnement fédéral, manger une truite du lac Michigan équivaut à ingérer plus de BPC que de boire d’eau du lac durant toute sa vie. En 2001, la Food and Drug Administration (É.-U.A.) suggérait fortement de rayer du menu des enfants, des femmes enceintes et de toutes celles en âge de procréer, le requin, l’espadon, le flétan, le tile, le maquereau royal, le thon ainsi que certains poissons d’eau douce tels le brochet, le doré et l’achigan.

Si ce bilan peut paraître catastrophique à ceux qui, pour la première fois, en prendraient connaissance, il n’est qu’alarmiste pour les politiciens qui ne prennent pas le temps de lire les études qu’ils commandent avec nos taxes. Ceux qui s’en donnent la peine perdent leur poste, comme l’ancien ministre fédéral de l’Environnement qui a été remplacé par le plus conciliant Stéphane Dion. Il y quelques semaines à peine, nous apprenions que la Maison Blanche avait réécrit les rapports de son ministère de l’Environnement afin d’amenuiser les résultats des études terrain.

Ici, au Québec, la situation est la même qu’ailleurs. Cependant certains ministres ont fait diversion, grâce à une langue de coton utile à la présentation de grands plans et de grands débats environnementaux, pendant qu’ils acceptaient le définancement du ministère de l’Environnement et le transfert de leurs responsabilités aux municipalités qui n’ont pas l’expertise ni les moyens financiers pour assumer ces responsabilités et aux organismes de bassin versant qui manquent cruellement d’argent.

Aujourd’hui la politique nationale de l’eau ne vaut pas le papier sur lequel elle est écrite. Le dernier rapport publié il y a un mois à peine nous permet de constater que les travaux normaux du ministère de l’Environnement sont répartis selon les rubriques de la politique. Il n’y aurait pas eu de politique que ces travaux auraient quand même été réalisés. Avec cette politique qui n’est jamais devenue une loi, et qui sera bientôt interprétée à travers une loi sur le développement durable et par un comité ministériel « sur la prospérité économique », l’environnement du Québec comptera parmi les pires.

Pour le moment, seule la ville de Montréal a une loi qui contrôle vraiment la grande industrie polluante des eaux. Cependant, nous n’entendons rien du ministère de l’Environnement qui nous indiquerait que la réglementation montréalaise serait étendue à l’ensemble du Québec.

Au moins une bonne nouvelle à l’horizon des économies d’eau. Quelques villes ont constitué leur sympathique police verte qui inspectera les fuites de piscines, donna des avis d’infraction aux arroseurs d’asphaltes et interviendra pour faire arrêter les arroseurs automatiques qui s’enclenchent même lorsqu’il pleut. Les autres municipalités regarderont baisser le niveau d’eau de leur réserve souterraine et crieront au secours pour que le gouvernement les aide à continuer le gaspillage.

Vous verrez, cet été, on vous dira dans les médias que la qualité de l’eau s’améliore, que nous pourrons bientôt nous baigner et qu’il n’y a pas d’abus plus grave que l’enfant qui ne ferme pas le robinet d’eau lorsqu’il se lave les dents.

Le jovialisme reviendrait-il à la mode ?

Note au lecteur : Plusieurs extraits de ce texte proviennent d’un document bientôt publié par Eau Secours! « L’eau, au cœur de nos vies ». Afin de faciliter la lecture, chacune des références précises n’apparaît pas dans le texte. Elles proviennent du site de référence d’ Eau Secours ! - La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau à : ww.eausecours.org