L’Islam n’est pas qu’une question musulmane

Pourquoi pas un non aux tribunaux religieux ?

*Je suis musulman. Pas pratiquant ni croyant. Je ne porte pas de barbe. Ma femme ne porte pas le voile. On peut me qualifier de musulman moderne ou modéré et je suis bien sûr, comme tout citoyen laïc qui se respecte, contre tout tribunal religieux qu’il soit islamique, juif ou catholique. Et pourtant, je n’arrive pas à saisir la pertinence de cette résolution de l’Assemblée Nationale du Québec adoptée le 2 juin dernier, qui s’oppose « à l’implantation des tribunaux dits islamiques au Québec et au Canada ».

L’initiatrice de cette résolution est Madame Fatima Houda Pépin, députée de la Pinière. À deux reprises, la semaine dernière, elle est venue jouer la musulmane modérée de service à l’émission Pourquoi pas dimanche et Indicatif Présent de la radio de Radio-Canada. Par les deux animateurs, sa démarche a été qualifiée de courageuse et héroïque !

Les membres de l’Assemblée Nationale croient-ils donner plus de crédibilité à cette résolution parce que c’est une députée musulmane qui la présente ? Croient-ils, de cette manière, mieux se rapprocher de la communauté musulmane du Québec !?

Quant à adopter une résolution pour renforcer le principe de l’égalité de toutes et tous devant la loi et par l’occasion même, celui de la laïcité, pourquoi aucun des députés n’a eu l’idée de proposer un amendement pour remplacer le mot « islamique » par le mot « religieux »..?

La résolution adoptée le 2 juin dernier à l’Assemblée Nationale vise une communauté en particulier au lieu d’aborder le problème dans sa globalité. En France, si le voile est interdit à l’école c’est pour se conformer à une loi qui interdit tout « signe ostensible de religion ».

Je ne peux pas reprocher à Madame Houda Pépin son ambition de devenir la prochaine Ministre de l’Immigration, mais avec un tel manque de nuance et d’élégance, elle risque plutôt de perdre la confiance de plusieurs membres de sa propre communauté.

À la place de la députée de La Pinière, en tant que démocrate, je militerais plutôt pour un renforcement des lois du Québec pour décourager toute valeur rétrograde venant de quelque religion que se soit. Je militerais pour une laïcité qui ne doute pas d’elle même. Une laïcité qui tuerait dans l’œuf toute intrusion qui ferait reculer les droits acquis des femmes. Une laïcité contre la montée du communautarisme. Dans le contexte qui nous occupe, ça ne serait ni héroïque ni courageux. Ça serait simplement la suite logique des choses.

Au Québec, les tribunaux rabbiniques ont droit de cité. Selon la loi québécoise, les beth din – expression signifiant « maison de la loi », en hébreu – sont en effet habilités à dissoudre des unions sur le plan religieux. Les beth din tranchent aussi des disputes touchant la garde des enfants ou le partage des biens. Dans le site Internet (www.mk.ca), on présente d’ailleurs ses tarifs et la liste de ses services d’arbitrage, en matière commerciale mais aussi matrimoniale.

Que doit-on retenir d’une résolution qui interdit à une communauté ce que la loi tolère déjà pour une autre ? Sommes-nous vraiment, toutes et tous, égaux devant la loi ?

Dans ces deux entrevues sur les ondes de Radio-Canada, Madame Houda Pépin a répété à plusieurs reprises le mot « rétrograde » en parlant de l’islam. C’est le mot qu’on veut entendre d’un musulman ou une musulmane modérée. Le mot qui dit tout haut ce que certains Québécois bien pensants pensent tout bas. Je répète, je ne suis ni pratiquant ni croyant, mais je connais assez bien l’islam pour ne jamais le réduire à un mot. Surtout en sachant que je m’adresse à des auditeurs dont la plus part ne savent plus quoi penser d’une religion perçue principalement à travers les conflits du Moyen Orient.

*Journaliste et Réalisateur radio, Souverains anomymes