Le PIB ne dépend plus du nombre de travailleurs

Nous n’avons jamais créé autant de richesse par habitant

Plusieurs des conclusions du rapport Ménard sur la pérennité du système de santé québécois sont fondées sur des prémisses erronées. La plus grossière postule que l’impasse financière dans laquelle suffoque l’État québécois dépendrait du coût excessif de son système de santé.

Déjà utilisé à satiété dans le discours très conservateur du Parti libéral et agité en épouvantail pour mieux effrayer, l’autre argument soutient que les personnes âgées seront proportionnellement de plus en plus nombreuses.

Le rapport Ménard prétend que le nombre de travailleurs par personne âgée diminue. Le rapport ajoute que le PIB est lié au nombre de travailleurs. Ce fut vrai, sans doute, il y a encore deux ou trois décennies, mais les chiffres récents démontrent le contraire. Des données du gouvernement du Québec montrent que de 1982 à 2000, le nombre de personnes au travail a augmenté de 22 % alors que le PIB par habitant augmentait de 132 %.

La création de la richesse (PIB) a de moins en moins de lien avec le nombre de travailleurs. En regard de la population totale (incluant les personnes âgées), de 1992 à 1998, la population a augmenté de 3 %, mais le PIB, de 22 %. Donc, nous n’avons jamais créé autant de richesses par habitant.

Cependant, la fiscalité glisse de plus en plus vers les revenus du travail. Sur les prélèvements totaux effectués auprès des entreprises entre 1999 et 2004, l’impôt sur le bénéfice est passé de 27 % à 22 %, la taxe sur le capital de 25 % à 21 %, alors que les taxes sur la masse salariale passaient de 47 % à 57 %. Bref, alors qu’une part de plus en plus grande de la création de la richesse échappe aux travailleurs, la fiscalité glisse de leur côté, privant l’État de légitimes sources de revenu et le plaçant dans l’impasse financière actuelle.

Le comité Ménard recommande aussi le remboursement de la dette. Le prétexte : le Québec aurait atteint le maximum d’imposition, ce qui ne l’empêche pas de recommander des formes régressives de taxation (hausse de TVQ, hausse des tarifs d’électricité) ou une caisse d’assurance contre la perte d’autonomie. Qu’est-ce donc que l’impôt ? Évidemment, l’analyse d’un comité présidé par un patron de banque ne pouvait qu’exclure une augmentation des impôts des entreprises. Or, les données du gouvernement montrent qu’elles sont moins taxées ici que chez nos voisins.

Mais puisque les intégristes de l’idéologie du marché veulent réduire sinon interdire à l’État sa fonction de redistribution sociale, on s’en prend aux « générations » pour les appeler à leur sens des solidarités et des responsabilités. Les marchands de pilules et vendeurs d’assurances ont les recettes faciles pour sauver le système de santé : recours au privé, payer la dette, taxer la consommation. Le premier remède, le mantra des partenariats public-privé, est très cher au grand patronat québécois ; le deuxième est le credo néolibéral par excellence ; le troisième (hausse de la TVQ ou des tarifs d’HQ) est l’impôt préféré des riches et de la grande entreprise qui préfèrent que l’État puise dans la poche des simples contribuables.

Le ministre Couillard s’empresse de faire sienne la solution proposée : le financement public des services fournis par le privé. Voilà bien l’expression de cette nouvelle avancée du secteur privé. Il fut un temps où la plupart des services que nous considérons comme publics étaient fournis par l’entreprise privée. Les tarifs pratiqués excluaient une grande partie de la population, rendant ces services inefficaces et compromettant leur rentabilité malgré leur prix élevé.

L’offensive actuelle pour reprendre en main ces services se fait à travers l’État : à partir d’un tarif négocié. L’État reste responsable de payer l’entreprise et de collecter les sommes chez les citoyens. Mais si le financement demeure à 100 % public, en quoi la pression financière sur l’État va-t-elle diminuer ?

Au Québec, en 1998, les dépenses de santé privées représentaient 31 %, plus que la moyenne canadienne. Depuis, les dépenses privées croissent de 5 % annuellement (les dépenses publiques de 0,7 %) pour atteindre vraisemblablement 40 % en 2005, ce qui constitue une privatisation sectorielle du système. Avons-nous vu des améliorations dans les services et des réductions de coûts ? Au contraire, les services auxiliaires privatisés coûtent maintenant plus cher (stationnement) alors que la qualité a diminué (nourriture).

Mais, pour le comité Ménard, cela ne suffit pas à mettre en doute les promesses du privé. Nous sommes pauvres, ajoute-t-il. Pour le prouver, il a recours à des distorsions graphiques : le PIB par habitant de l’Ontario, 38 072 $, est représenté par une colonne deux fois plus haute que celle du Québec, pourtant à 31 308 $, et la colonne représentant les 7 487 $ de dépenses totales par habitant du Québec est plus du double de celle des 6 466 $ de l’Ontario. Ces distorsions donnent l’impression de différences dramatiques avec l’Ontario, là où il n’y en a pas.

Pourtant, plus loin, on apprend que le Québec dépense moins par habitant pour la santé que l’Ontario ou la moyenne du Canada. Le rapport poursuit : « Cet écart dans les ressources monétaires ne signifie cependant pas que le système de santé du Québec dispose de moins de ressources réelles que les provinces canadiennes pour répondre aux besoins de la population. » Qu’est-ce à dire ? La seule réponse possible est que le système de santé québécois est bien plus performant puisqu’il dispose d’autant de ressources efficientes à moindre coût. Dans ce cas, où est l’impasse ?

De plus, on nous dit que pour cette somme, nous disposerions de plus de ressources spécialisées que nos voisins canadiens. Ce comité serait-il en train de chercher un problème qui s’ajuste à ses solutions ?

Enfin, on propose directement plus de privatisation : « Le comité est d’avis qu’un recours accru au secteur privé pour la prestation de services permettrait de réaliser des gains supplémentaires. En effet, l’expérience acquise au Québec et dans d’autres sociétés démontre que le recours au secteur privé augmente la réactivité des systèmes de santé et favorise l’innovation. » Alors que les autres affirmations ont suscité de longues démonstrations, aussi biaisées soient-elles, ici le comité « est d’avis », et cela devrait nous suffire. Or, si nous nous référons à l’expérience étasunienne, le pays développé dans lequel la part du privé est la plus grande dans les services de santé, on n’y trouve aucune base étayant cette « croyance ».

La comparaison avec les États Unis a son importance, car la culture d’entreprise qui y prédomine dans le secteur de la santé et des assurances privées n’a rien à voir avec celle des pays européens auxquels les promoteurs du privé font adroitement référence pour s’attirer les sympathies du public. Les Étasuniens dépensaient, en 1998, 4090 $ par habitant, soit 11,5 fois le montant de 1970. Les Québécois dépensent, comparativement, 1883 $, 7,6 fois plus qu’en 1970.

Les Québécois dépensent beaucoup moins que les Étasuniens et contrôlent beaucoup mieux la croissance des coûts de santé. Le Québec investit 9,1 % de son PIB dans la santé contre 14 % aux États-Unis. Malgré cela, plus de 40 millions d’Étasuniens ne sont nullement protégés, touchant un salaire qui les place en marge des protections publiques tout en étant insuffisant pour qu’ils puissent se payer des assurances.

Ayant admis que le système québécois coûte bien moins cher par habitant que le système étasunien, demandons-nous si la qualité des services justifie la différence. Pour ce faire, l’Organisation mondiale de la santé utilise généralement des indicateurs robustes comme l’espérance de vie, qui est meilleure au Québec, et la mortalité infantile, qui y est significativement moindre qu’aux États-Unis. Tout ça réalisé avec moins de moyens. Par exemple, en 1997, le Canada comptait 2,1 médecins pour 1000 habitants, contre 2,7 aux États-Unis, et 7,5 membres du personnel qualifiés, contre 8,3 chez nos voisins.

Pour clore les comparaisons, une étude de 1997 du New England Journal of Medecine montre que les hôpitaux privés ont des coûts d’opération jusqu’à 25 % plus élevés que leurs correspondants publics et que plus de la moitié de cette différence s’expliquerait par les coûts d’administration plus élevés. En 1999, le Journal of the American Medical Association montrait que les hôpitaux publics arrivaient à de meilleurs résultats su à bâtir de A à Z, en tenant compte des échecs et des succès du XXe siècle. La participation à l’élaboration d’un véritable projet de société, qui fut d’abord incarné par la nouvelle constitution du pays, a un effet stimulant sur les jeunes et les gens des classes populaires, qui s’engagent massivement en politique.

Pourtant, malgré la véritable histoire d’amour qu’ils entretiennent avec leur président, la plupart garde une surprenante distance critique. D’ailleurs, aux élections, les « chavistes » forment un front large qui regroupe près d’une dizaine de partis politiques distincts en plus du propre parti du président, le Mouvement pour la cinquième république.

« Je ne suis pas chaviste avant tout, je suis d’abord révolutionnaire », explique Dilia Rivero, une jeune bénévole d’à peine 15 ans qui fait partie d’un collectif de radio alternative à Zamora. « Notre révolution bolivarienne est l’affaire de tout le monde, pas d’une seule personne, poursuit-elle. Nous les jeunes, nous sommes son présent, mais nous sommes aussi son futur. Nous allons devoir continuer à lutter pour très longtemps encore, parce que nous ne voulons pas d’un monde où règne le capitalisme à outrance et l’impérialisme. »