L’attaque contre Tal Afar provoque un exode massif

Des opérations « d’assaut et de fouille » ont terrorisé la population

Les forces américaines ont mené une attaque majeure contre la ville de Tal Afar, dirigée contre la résistance irakienne.

Le siège américain de la ville, renforcé de bombardements aériens, a entraîné la mort d’innombrables civils. Les bombardements ont mené à une crise humanitaire marquée par l’exode massif, à la pointe du fusil, d’une large part des 300 000 habitants de Tal Afar.

Tant à l’intérieur de la ville que dans les camps de réfugiés, les troupes américaines et leurs vis-à-vis irakiens ont été impliqués dans des opérations « d’assaut et de fouille » qui ont terrorisé la population civile.

Semblable au siège de Fallujah en 2004, l’attaque contre Tal Afar est prudemment présentée comme une initiative américano-irakienne pour éliminer des terroristes. Elle met en cause 6000 soldats américains lourdement armés et 4000 militaires irakiens.

Tal Afar est présentée par les médias comme un bastion d’Al Qaïda, sous la gouverne du cerveau terroriste Al Zarqawi. La ville est proche de la frontière syrienne et la Syrie est accusée de faciliter l’entrée de « terroristes » en Irak. Les troupes irakiennes et américaines seraient soi-disant à la poursuite de « combattants étrangers » qui seraient principalement des « dévôts religieux et des fanatiques sunnites ».

Alors que les médias se concentrent sur la présence de « combattants étrangers », il est avéré que la plupart des combattants de la résistance à Tal Afar sont irakiens. Il n’y a eu aucun rapport d’arrestations massives de combattants étrangers, selon une déclaration du Département d’État américain du 14 septembre. Les combattants sont estimés à un nombre de 400 ou 500. Les rapports suggèrent d’ailleurs que la plupart des combattants de la résistance ont abandonné la ville.

L’armée américaine identifie la région de l’Euphrate comme un bastion de Zarqawi et prépare, selon le New York Times, des campagnes similaires dans d’autres villes pour les semaines à venir.

Il y a eu un véritable « blackout » sur ce qui se déroule vraiment à Tal Afar. La crise humanitaire et le sort des civils ne sont pas des sujets d’intérêt ou de débat pour les médias. De plus, il n’y a aucun détail sur la nature précise des opérations militaires de la part des journalistes « intégrés » et accrédités auprès des forces d’occupation. Il semblerait que les médias intégrés ont été également exclus du théâtre des opérations. La plupart des rapports sur l’Irak se concentrent sur les attentats suicides dans les zones de population chiite, qui ont mené à la mort d’environ 200 civils. Sans la moindre preuve, ces attaques sont présentées comme une partie de la contre-offensive d’Al Zarqawi, des « actions de vengeance » pour l’attaque sur la ville sunnite de Tal Afar.

Dans un texte publié sur un mystérieux site web, Al Zarqawi aurait annoncé son intention de livrer une guerre totale contre la majorité Chiite en réponse aux attaques contre Tal Afar et ses habitants sunnites.

Dans cette logique, Tal Afar est présentée comme faisant partie d’une « guerre sectaire » entre chiites et sunnites dans laquelle l’armée US et la « communauté internationale » seraient présentés comme des médiateurs. Pourtant, Tal Afar est une ville à majorité ethnique turkmène. Trente pourcent de sa population turkmène est chiite et est aussi victime des opérations américaines, comme le révélait le Irish Times du 14 septembre.

Le texte de Zarqawi qui parle d’une « bataille pour venger les sunnites » semble incompatible avec la composition démographique de la ville, qui inclut une population chiite significative et où les arabes sunnites constituent une minorité.

L’an dernier, le gouvernement turc avait mis de la pression sur les États-Unis pour qu’ils n’interviennent pas militairement à Tal Afar. L’Agence de presse Anatolia, à Ankara, citait en 2004 le ministre turc des Affaires étrangères qui parlait de « cesser la coopération avec les États-Unis en Irak si les attaques contre les turkmènes continuent ».

Les opérations militaires américaines contre la population turkmène de Tal Afar avaient ainsi été retardées. Il y a des signes selon lesquels les opérations de septembre 2005 ont été acceptées par les autorités turques. Le cerveau terroriste Al Zarqawi, qui personnifie l’insurrection, est présenté comme le principal obstacle à la paix en Irak.

Pendant ce temps, le rôle des forces d’occupation US et leurs innombrables atrocités ne sont presque pas couverts.

La chorale des médias présente « Al Qaïda en Irak », sous la direction d’Al Zarqawi, comme responsable des attentats suicides récents, sans jamais mentionner qu’Al Qaïda est une création de l’appareil de renseignement américain. Cette relation est admise par la CIA et documentée dans plusieurs études.

Un rapport récent sur une opération secrète du Pentagone, qui est maintenant examiné par le Congrès américain, laisse planer de sérieux doutes non seulement sur la version officielle du 11 septembre mais aussi sur les fondements mêmes de la « guerre au terrorisme ». Dans le cas de l’Irak, cette démarche consiste à présenter le mouvement de résistance comme « terroriste ». .

Un document officiel sur « l’opération Able Danger » révèle que des membres d’Al Qaïda, incluant Mohamed Atta, le chef de file des attentats du 11 septembre, était sous la surveillance directe des forces militaires américaines et du renseignement des É.-U. au moins un an avant les attentats du 11 septembre, dans le cadre d’une opération top secrète du Commandement des opérations spéciales du Pentagone.

Ces révélations réfutent la thèse selon laquelle Al Qaïda, créé par la CIA durant la guerre soviético-afghane, mène un guerre contre les États-Unis, à savoir qu’Al Qaida demeure sous la supervision des services de renseignement américains.

De plus, ces révélations sur l’opération Able Danger ont un effet direct sur notre compréhension de Al Zarqawi et les attentats suicides supposément commandités par Al Qaïda en Irak.

Est-ce que ces opérations d’Al Qaïda sont aussi sous la surveillance directe du Pentagone ? Les nombreux liens documentés concernant la relation entre la CIA et les réseaux de la terreur jettent des doutes sur les rapports des médias, qui présentent « Al Qaïda en Irak » comme une organisation paramilitaire indépendante qui combat les forces américaines.

Dans la mesure où « Al Qaïda en Irak » menée par Zarqawi est (indirectement) contrôlée par le Pentagone ou la CIA, il ne peut s’agir d’un véritable mouvement de résistance dirigé contre l’occupation militaire américaine.

Une « source du renseignement », dans le cas de l’Irak, est un instrument des forces d’occupation.

Est-ce que « Al Qaïda en Irak » (en tant que « source » des services de renseignement) ne serait pas utilisée par l’armée américaine afin de discréditer et affaiblir le véritable mouvement de résistance, tout en créant des divisions au sein de la société irakienne ?

Quel est le rôle des attentats suicides commandités par Zarqawi ? Ils servent à présenter la résistance comme un mouvement terroriste. Ils minent le soutien populaire à l’intérieur de l’Irak pour la résistance. Cette dernière, constituée de plusieurs groupes différents, est caractérisée par une armée de guérilla impliquée dans des opérations ciblées contre l’armée américaine.

Les rapports des médias, qui se concentrent sur Al Zarqawi et Ben Laden, servent à fausser la nature du mouvement de résistance, qui est présenté comme attaquant les civils.

Est-ce que les États-Unis ont créé, dans le cadre d’une opération en sous-main, un faux « mouvement de résistance » composé de ses propres « terroristes » commandités par Al Qaïda ? Leurs attaques suicides ciblent les civils irakiens plutôt que l’armée américaine. Leurs attentats encouragent les divisions sectaires non seulement au sein de l’Irak mais partout au Moyen-Orient. Ils servent les intérêts de Washington. Ils nuisent au développement d’un mouvement de résistance plus large qui unirait les chiites, sunnites, kurdes et chrétiens contre l’occupation illégale de l’Irak. Ils créent aussi, au niveau international, des divisions au sein des mouvement anti-guerre.