Les candidats précisent leurs positions sur la langue

Du multiculturalisme de Boisclair au nationalisme inclusif de Dubuc

Les candidats à la direction du PQ ont pu préciser leurs positions sur les enjeux linguistiques lors d’un débat organisé par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM), et à celui organisé par le PQ sur la culture. La SSJBM leur avait transmis un questionnaire qui visait en partie à vérifier leurs positions à l’égard du nouveau programme du Parti Québécois. Ce programme implique une réforme importante de l’encadrement législatif et promotionnel de la langue française au travail et dans les services publics.

Le nouveau programme du Parti Québécois « réaffirme son objectif fondamental d’établir un Québec souverain avec, au premier plan, l’urgence d’assurer que le Québec demeure un territoire de langue française et de culture québécoise ». Il reconnaît que « le français est encore loin de constituer la langue commune des milieux linguistiquement mixtes comme Montréal ou l’Outaouais ».

Deux candidats n’ont pu participer au débat à la SSBM. Richard Legendre a fait parvenir une réponse écrite pour chaque article du questionnaire. André Boisclair a transmis un court texte général. Il mentionne que les dispositions prévues dans le nouveau programme sont adéquates. Il aurait été intéressant qu’il précise s’il compte réaliser rapidement toutes les propositions du programme ou si certaines seront priorisées.

Lors du débat du PQ, M. Boisclair a proposé une nouvelle corvée pour améliorer les services publics d’enseignement du français au ministère de l’Éducation, au ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration et à Emploi Québec. Il préconise aussi un appui nouveau au Conseil de la langue française en se référant aux certificats de francisation. Cependant, c’est plutôt l’Office québécois de la langue française qui est responsable de la certification des entreprises.

En ce qui a trait au constat de la situation, André Boisclair trace un portrait qui paraît ambigu, qui se dégage difficilement de la langue de bois. Il commence en disant que « notre langue doit mieux se porter au Québec, et même s’il y a des progrès qui se font dans certains domaines, il y a moyen de faire davantage. » Il continue en affirmant que « même s’il y a plus d’immigrants et d’allophones qui transfèrent vers le français, il n’y en a pas suffisamment, il y a une tendance qui se dessine, mais on est loin des objectifs qu’on souhaite avoir ».

Pierre Dubuc lui a demandé à de multiples reprises s’il est d’accord avec le constat d’un recul du français à l’école primaire, secondaire ainsi qu’au cégep et qu’on finance de plus les universités anglaises trois fois plus que le poids démographique des anglophones; le constat qu’au travail une majorité d’allophones ne travaillent pas en français, qu’il y a un recul en ce qui a trait au transfert linguistique dans le sens d’une grande anglicisation des allophones aux dépens de la francisation.

M. Boisclair a reconnu qu’il est inconcevable que les transferts linguistiques se fassent encore de façon majoritaire vers l’anglais, mais il voit qu’il y a des signes positifs malgré des résultats difficiles. Il relate qu’il existe de plus en plus de gens qui transfèrent vers le français en omettant de mentionner qu’il a une progression plus rapide de la force d’attraction de l’anglais, comme Charles Castonguay l’a démontré pour l’OQLF. Dans une autre assemblée, M. Boisclair a mentionné qu’il serait normal que les transferts linguistiques se fassent vers le français à plus de 50 %. En fait, les transferts linguistiques vers le français devraient se faire à environ 90 % pour favoriser le maintien du poids démographique des francophones.

André Boisclair s’est longuement appesanti sur la dénonciation du nationalisme ethnique que certains défendraient selon lui. Pierre Dubuc a rappelé qu’un nationalisme inclusif est tout à fait compatible avec la réalité historique d’une majorité francophone qui a été conquise et dont le droit à l’autodétermination est encore nié.

André Boisclair a réagi de façon dramatique en disant qu’il y a là un fossé avec sa vision, qu’il veut pouvoir parler de souveraineté de la même façon à Sept-Îles comme à Côte-des-Neiges, et aller chercher les gens des communautés culturelles. Il semble concevoir que le patrimoine historique québécois ne pourrait pas être apprécié par les nouveaux arrivants.

Pourtant, c’est en participant pleinement à l’évolution de la culture publique commune que tous les citoyens peuvent s’intégrer et enrichir la société québécoise. La culture publique commune correspond à l’histoire, à l’ensemble des valeurs fondamentales, des lois et des institutions québécoises. En excluant la dimension du patrimoine historique, M. Boisclair se rapproche d’un multiculturalisme à la Trudeau. Comme s’il fallait oublier notre passé et ce que nous sommes pour s’ouvrir aux autres !

Les autres candidats ont pris des engagements plus précis et nombreux, à l’exception de Louis Bernard, pour qui l’avenir du français semble dépendre uniquement de la souveraineté.

Les autres candidats ont appuyé l’article du nouveau programme impliquant l’application de la loi 104, qui en 2002, rétablissait l’usage exclusif de la langue officielle dans les communications écrites de l’Administration avec les autres gouvernements et avec les personnes morales établies au Québec, et qui, pour des raisons nébuleuses, n’est toujours pas en vigueur.

Pauline Marois précise que la loi 104 a dûment été votée à l’Assemblée nationale et que la moindre des choses serait que le gouvernement fasse appliquer les lois adoptées. Richard Legendre précise qu’il est essentiel que le gouvernement et ses organismes prêchent par l’exemple et s’assurent, comme il était prévu initialement dans la Charte, que le français est la langue unique des communications de l’Administration publique avec les personnes morales.

Le nouveau programme du Parti Québécois veut aussi renforcer l’encadrement législatif et réglementaire afin que « les seuls organismes qui soient déclarés habilités à donner systématiquement des services en anglais aux personnes morales et aux individus soient ceux qui desservent une majorité anglophone ».

Richard Legendre s’est dit en accord avec cette mesure en ajoutant qu’il faut éviter que l’État québécois ne soit perçu comme étant officiellement bilingue. Pauline Marois ajoute que trop longtemps au cours de notre histoire, nous avons eu tendance à considérer nos concitoyennes et nos concitoyens allophones comme faisant partie de la communauté anglophone.

En ce qui a trait au français langue de travail, le programme du PQ précise notamment qu’il faut « modifier la Charte de la langue française afin de contrer efficacement l’exigence indue de la connaissance de l’anglais dans les offres d’emploi de façon à ce que son application ne dépende pas de la formulation d’une plainte d’un employé contre son employeur; appliquer systématiquement les mesures existantes visant à pénaliser les entreprises commerciales contrevenant au programme de francisation, comme celle qui prévoit que l’Administration ne leur accorde aucun contrat, subvention ni avantage et applique les mêmes mesures aux entreprises de dix employés et plus ».

Pauline Marois affirme qu’elle endosse pleinement cette partie du programme et que la question du français comme langue de travail est une de ses priorités. Richard Legendre se dit également d’accord avec ces propositions, et en particulier avec celle impliquant un amendement à la loi 101 pour permettre à l’OQLF de faire enquête de son propre chef sans attendre de plaintes.

En ce qui a trait au français dans l’éducation, la SSJBM a demandé à la candidate et aux candidats si, selon eux, le gouvernement du Québec a l’obligation de financer des cégeps anglais et des universités anglaises pour les nouveaux arrivants.

Même si Mme Marois n’a pas adhéré à la proposition d’appliquer la loi 101 au cégep lors du dernier congrès, elle considère qu’il est légitime de viser à ce qu’une part des allophones équivalant à la proportion de francophones au Québec fréquentent les établissements postsecondaires francophones. Elle rappelle que c’était un des objectifs visés en établissant les commissions scolaires linguistiques, mais qu’une amélioration sensible de la situation n’a pas eu lieu à ce jour.

Bien que Richard Legendre admette que les institutions communes ne devraient pas servir à l’anglicisation de la société québécoise, il privilégie la promotion des institutions collégiales et universitaires auprès des immigrants.

Jean-Claude Saint-André entend aller bien au-delà des pistes d’action du programme. Il propose de rétablir la clause Québec aussitôt après l’élection du Parti Québécois, ainsi que d’appliquer la loi 101 au cégep et de rééquilibrer le financement des universités francophones et anglophones.

Gilbert Paquette s’engage à faire en sorte qu’on détermine le niveau de financement des cégeps en langue anglaise en ne finançant que les étudiants ayant droit à l’enseignement en langue anglaise selon la clause Québec prévue originellement à la loi 101. Il veut également réexaminer les règles de financement au niveau universitaire, tout en tenant compte de la nécessaire mobilité des étudiants universitaires sur le plan international.

Jean Ouimet a intégré la notion de développement durable au statut de la langue française. Il affirme que plus de 4000 nations sur la terre sont menacées par l’impérialisme culturel américain.