700 000 groins de plus font augmenter la grogne

Le Québec porcin sera !

Récemment, une dizaines d’organismes de la société civile ont dénoncé la levée du moratoire sur la production porcine et accusé le gouvernement Charest d’agir de façon irresponsable en menaçant la paix sociale dans les campagnes et en permettant une pollution accrue des eaux souterraines, des milieux humides et des cours d’eau. La grogne est autant plus forte que l’on constate qu’il s’est élevé 700 000 porcs de plus durant le moratoire !

C’est que le gouvernement autorise déjà de nouveaux projets de porcheries en ignorant complètement les recommandations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Les organismes rappellent que le BAPE, après avoir entendu plus de 9 000 personnes et reçu près de 400 mémoires, a remis au gouvernement, en septembre 2003, un volumineux rapport sur le développement durable de la production porcine. La présidente de la Commission, Louise Boucher, indiquait « qu’il serait périlleux, sur le plan social, de lever le moratoire tant que des gestes concrets ne seront pas posés », allant même jusqu’à évoquer une crise sociale dans le milieu rural si le cadre de décision relatif à la production porcine demeurait inchangé.

« En autorisant de nouvelles porcheries, le gouvernement met les élus municipaux et les citoyens devant des faits accomplis. On se prépare à des crises pires que les précédentes, puisque les gens se sentent floués. Le BAPE leur donnait raison et pourtant, rien ne change », déplore Gilles Tardif de la Coalition citoyenne.

« Le ministre de l’Environnement Thomas Mulcair, semble s’être transformé en ministre du développement porcin », renchérit Tim Yeatman, du CRMVQ, qui souligne que dans des municipalités comme Saint-Cyprien de Napierville ou Saint-Charles-sur-le-Richelieu, les citoyens viennent d’élire des candidats qui ont fait campagne contre les projets de porcheries.

Les groupes s’indignent du fait que le gouvernement ignore les recommandations du BAPE en ce qui a trait à la protection de l’environnement et des risques pour la santé des personnes s’abreuvant à des puits artésiens. « En dépit d’indices clairs à l’effet que l’épandage des déjections des porcs, le lisier n’est pas contrôlé adéquatement pour éviter la pollution des cours d’eau, le gouvernement libéral semble en être inconscient », explique Martine Ouellet vice-présidente de la Coalition Eau Secours!.

« La réglementation ne tient tout simplement pas compte du fait qu’un ensemble de bassins versants en milieu agricole sont déjà dégradés, leurs cours d’eau étant pollués en raison, entre autres, de la densité de la charge animale et de l’immense territoire affecté à la culture du maïs, le tout démontrant une incapacité à contrôler la pollution à l’échelle des bassins versants » souligne Harvey Mead de Nature-Québec/UQCN. On pense ici entres autres à la rivière Richelieu, à l’Etchemin, la Yamaska etc.

« Le modèle agro-industriel de gestion des déjections animales, la gestion sur lisier, demeure le principal nœud du problème, croit Benoît Girouard de l’Union paysanne. Il est impératif de travailler à des alternatives viables autant pour les agriculteurs que les citoyens. À terme, c’est malheureusement l’image de l’agriculture québécoise qui en souffrira »,

ajoute-t-il.

Sous la problématique présentée par les groupes, il y a d’autres aspects qui compliquent encore plus la donne. Pendant que les cultivateurs québécois se classent parmi les premiers dans les taux de suicides au Québec, pendant que les fermes familiales font faillite et disparaissent à un rythme effarant, pendant que les ministres de l’Agriculture, des Affaires municipales et de l’Environnement cèdent aux pressions des puissants lobbys… la campagne s’enflamme politiquement. Des maires ont perdu leur magistrature et leur réputation lors des élections de novembre 2005. Les villages voient leur population se diviser entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre les porcheries, entre les vrais campagnards et les nouveaux campagnards.

Pendant que le Québec se divise entre les villes et campagnes, les conservateurs et néo-libéraux sabrent le champagne car ils ont réussi leur coup de maître. Décentraliser la gestion des affaires de l’État à un niveau où il est impossible de s’attaquer à des problèmes d’ensemble. Donner de plus en plus de responsabilités, sans les moyens budgétaires pour les réaliser, aux plus petites entités de l’État comme les villes et MRC. Laisser le lobbying se développer localement avec son lot de corruption. Tout ce labourage de terrain pour permettre aux intégrateurs, c’est-à-dire une dizaine de grandes entreprises agroalimentaires, de s’enrichir en faisant disparaître les paysans sans lesquels il n’y a pas de pays.

Ce n’est pas parce que sur les plans technologique et règlementaire il n’y a pas de solutions, c’est parce qu’il n’y a pas la volonté politique de voir les lois existantes s’appliquer. On en a pour preuve une récente étude du ministère de l’Environnement qui nous apprend qu’à propos de la réglementation pour la protection des cours d’eau et des écosystèmes, deux municipalités sur trois déclarent que les règlements ne sont pas respectés par les producteurs et qu’elles n’ont ni le temps, ni les moyens de les faire respecter. Imaginez qu’au moment où vous lirez ces lignes, il se fait au Québec de l’épandage de lisier de porc alors qu’il n’y a pas de plantes à fertiliser. Car certaines porcheries produisent trop de merde de porc pour la quantité de terres à fertiliser. Alors on l’étend sur la neige ou encore dans l’ancien boisé que l’on vient de couper.

L’eau des ruisseaux, des lacs, des rivières et du fleuve se dégrade. Cette eau qui risque de nous rendre malades et, dans certains cas, nous tuer. Cette eau à laquelle on ne connaît aucun substitut. Cette eau dont nous sommes incapables de nous passer. Cette eau boudée par les politiciens, tout occupés qu’ils sont à s’échanger des permis de polluer, occupés à répartir les argents provenant de nos taxes vers les grands lobby, occupés à retourner des faveurs à leurs bailleurs de fonds, occupés à nous lancer de la poudre aux yeux en nous faisant miroiter une loi sur le développement durable qui ne trouvera aucune application avant un décennie. Ces élus sans éthique et sans vision risquent de plonger le Québec dans des luttes fratricides citoyennes, qui détourneront l’attention pendant que l’agro-industrie états-unienne est à nos portes pour ramasser la cagnotte et l’eau qui s’y trouve.

Le lisier est un mélange de déjections d’animaux d’élevage (urines, matières fécales) et d’eau dans lequel domine l’élément liquide. Il est liquide dû en grande partie à l’alimentation même des porcs qui est constituée surtout de maïs et à la grande quantité d’eau que l’on utilise pour nettoyer les planchers où s’y accumulent les déjections. Dû à son stockage en fosse, il se développe en condition anaérobique, ce qui provoque la fermentation du lisier et la production d’odeurs désagréables. En fait, une centaine de composantes dégagent des odeurs malodorantes; parmi les matières inorganiques, il s’agit d’ammoniac et de sulfure d’hydrogène. Il est maintenant prouvé que cette odeur rend l’humain malade.

Note au lecteur : Afin de faciliter la lecture, chacune des références précises n’apparaît pas dans le texte. Les sources proviennent des groupes mentionnés dans le texte et du site de référence d’Eau Secours ! - La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau, à ww.eausecours..org