Domtar proposait une reddition sans condition

Personne n’est dupe des « facteurs économiques défavorables »

La compagnie Domtar a beau dire que c’est en raison de « facteurs économiques défavorables » qu’elle a fermé temporairement son usine de Lebel-sur-Quévillon le 24 novembre dernier, personne n’est dupe. Dans cette ville de 3200 habitants, dont l’économie dépend presque exclusivement des activités de la papetière, tout le monde savait bien que c’était un lock-out déguisé que l’entreprise a imposé à ses 425 travailleurs à l’approche de Noël.

Le 7 novembre dernier, Domtar avait fait au syndicat de l’usine une proposition globale de convention collective, présentée comme un ultimatum, avec un délai de deux semaines pour accepter. L’offre impliquait des concessions majeures pour les travailleurs, qui sont sans contrat de travail depuis 2004. « La masse salariale aurait été réduite de près de 30 %, certains employés perdaient carrément 9 $ l’heure ! », dénonce Mario Pothier, président du syndicat local, affilié au Syndicat canadien de l’énergie et du papier (SCEP) et à la FTQ.

Domtar voulait aussi imposer des mises à pied sans tenir compte de l’ancienneté. Les femmes étaient particulièrement visées et n’avaient même pas la possibilité d’être relocalisées dans un autre département en fonction de leur ancienneté. « La proposition faisait en sorte que beaucoup de filles dans l’usine perdaient leur emploi, explique Mario Pothier. Ils abolissaient la conciergerie, coupaient dans le nombre des employées de bureau. »

La compagnie avait d’ailleurs averti qu’elle pourrait mettre tout le monde au chômage et cesser les opérations si les travailleurs refusaient de céder. La pilule était toutefois trop grosse à avaler pour ces derniers. « Le 21 novembre, nos membres ont rejeté cette proposition inacceptable à 97 %, malgré l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus de nos têtes », affirme le président du syndicat.

Convaincus que Domtar fermerait l’usine sous peu, les syndiqués ont tout de même mandaté leurs représentants pour qu’ils fassent une contre-proposition à l’entreprise, en tenant compte de la conjoncture économique peu favorable à l’industrie des pâtes et papiers. « On est raisonnable, souligne Mario Pothier, on le sait que la situation est un peu difficile, on ne se cache pas la tête dans le sable. »

Le syndicat n’a toutefois même pas eu le temps de présenter sa proposition. Trois jours plus tard, le 24 novembre, Domtar fermait l’usine, prétextant une situation économique défavorable. Des cadres venus de Montréal assurent maintenant les services essentiels, une tâche qui revient normalement aux syndiqués, lors des arrêts temporaires de travail. Tout le monde a compris le message. Domtar veut mettre de la pression sur ses employés et les forcer à accepter d’importants reculs dans leurs conditions de travail. Dans un communiqué, le président de la FTQ, Henri Massé, a d’ailleurs dénoncé ce « lock-out sauvage et méprisant ».

Les arguments économiques évoqués par l’employeur tiennent difficilement la route quand on sait que plus de 200 millions $ ont été investis dans l’usine de Lebel-sur-Quévillon depuis les dix dernières années. « Notre usine est moderne, ce n’est pas comme l’usine à Cornwall, qui avait une centaine d’années », explique Mario Pothier. Domtar a fermé récemment son usine de Cornwall, entraînant la perte de 910 emplois. Au total, ce sont 40 000 emplois du secteur forestier qui ont été perdus au Canada depuis l’an 2000.