Les cols bleus en ont plein le nid-de-poule

Tannés de se faire écœurer par l’administration municipale et les médias, plus de 2300 cols bleus de la Ville de Montréal ont manifesté le mardi 21 février, dans les rues de Montréal. « Nous nous sommes regroupés d’abord au parc Lafontaine pour ne pas perturber la circulation à l’heure de pointe, puis nous nous sommes dirigés vers l’hôtel de ville. Tous les gars et les filles présents ont pris trois heures à leur frais. Les services essentiels étaient assurés partout », de déclarer fièrement Michel Parent, le président du Syndicat des cols bleus regroupés de la Ville de Montréal.

Les médias ont fait grand cas, il y a quelques semaines, de trois équipes de travail fonctionnant au ralenti pour le remplissage des nids-de-poule. Michel Parent trouve très étranges les circonstances de cet événement. Il ajoute : « Pourquoi les médias s’en prennent-ils aux cols bleus ? Et non pas aux contremaîtres ? À l’administration ? Les nids-de-poule, ça pourrait se régler comme la ville a réglé le problème des graffitis, il y a quelques années, nous dit-il. Leur concentration est dans l’arrondissement Ville-Marie, là où le trafic est le plus lourd. Il s’agirait seulement de faire un blitz avec plus d’équipes de travailleurs lorsqu’il y a dégel. On en viendrait à bout. »

Mais la décentralisation des opérations vers les arrondissements l’empêche et crée un véritable fouillis administratif. « Pour essayer de contrer le mouvement des défusions, la ville a décentralisé vers les arrondissements. Et, aujourd’hui, on hérite du pire des deux mondes. Les villes qui le voulaient ont quand même défusionné et la vieille ville est devenu non gérable », explique-t-il en donnant l’exemple suivant : « S’il tombe deux centimètres de neige et qu’on annonce du temps doux pour le lendemain, un arrondissement décide de la laisse fondre, un autre de la ramasser quand même. Puis, les gens se plaignent parce qu’elle n’est pas ramassée dans leur coin. Il n’y a rien d’uniforme. »

Il n’y a pas seulement la décision d’enlever ou pas la neige qui est décentralisée. Il en va ainsi des conditions de travail des employés municipaux. « Les horaires de travail, les mouvements de main d’œuvre, le temps supplémentaire, l’ancienneté, il y a en tout 17 articles de la convention collective qui doivent être négociés dans 19 arrondissements, lance-t-il. Avec ça, il arrive qu’un travailleur de l’arrondissement Ville-Marie ait préséance sur un travailleur de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal qui a plus d’ancienneté, alors que c’était évidemment l’inverse quand tout le monde travaillait dans la même ville avant la création des arrondissements. Il y a plein d’injustices comme cela. C’est ce qui est à l’origine de notre manifestation. »

De plus, les cols bleus se sentent victimes de discrimination quand ils se comparent aux autres employés municipaux. « Leur plan d’harmonisation se traduit par une augmentation de 11,7 % sur trois ans. Nous nous trouvons à payer une partie de nos assurances collectives qui étaient défrayées auparavant entièrement par la municipalité. On a maintenant 7 jours fériés plutôt que 15. La semaine de travail est passée de 35 à 36 heures pour la grande majorité de nos membres. En tout, on aura 4 % d’augmentation plutôt que 11,7 %. C’est pas un plan d’harmonisation. C’est un plan d’écœurement », proclame le leader syndical.

Mais la liste des récriminations ne s’arrête pas là. Plus important encore peut-être est le fait que le plancher d’emplois a été substantiellement abaissé. En fait, il a augmenté en chiffres absolus, passant de 3580 employés à 3837, mais a diminué en chiffres relatifs parce que les effectifs du syndicat ont fait un bond à 5375 membres avec l’ajout des nouveaux membres des villes fusionnées. Il n’y avait un plancher d’emplois que dans 5 des 19 autres villes.

« Quand un membre part à la retraite, la ville n’est pas obligé de le remplacer. Elle peut confier sa tâche au privé », précise un Michel Parent qui croit que toute la saga des nids-de-poule a comme toile de fond la volonté de la ville de confier de plus en plus d’ouvrage à la sous-traitance.